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23/05/2025 | FRANCE | N°23NT02300

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 23 mai 2025, 23NT02300


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... F..., épouse H..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 22 juin 2022 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du de l'autorité consulaire française auprès de l'ambassade de France en République démocratique du Congo refusant de délivrer aux enfants B... F... E... et L... F... D... des visas d'entrée et de long séjour en qualité

d'enfant de ressortissant français.



Par un jugement n° 2209618 du 26 mai 2023, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F..., épouse H..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 22 juin 2022 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du de l'autorité consulaire française auprès de l'ambassade de France en République démocratique du Congo refusant de délivrer aux enfants B... F... E... et L... F... D... des visas d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant de ressortissant français.

Par un jugement n° 2209618 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juillet 2023 et 9 septembre 2024, Mme F..., épouse H..., représentée par Me Tourbier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 mai 2023 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 22 juin 2022 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en ce que cette décision porte refus de délivrance d'un visa à l'enfant L... F... D... ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 22 juin 2022 de la commission de recours en ce que cette décision porte refus de délivrance d'un visa à l'enfant enfant B... F... E... ;

3°) d'annuler la décision du 22 juin 2022 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en tant que cette décision refuse la délivrance d'un visa à l'enfant B... F... E... ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à l'enfant B... F... E... dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son enfant L... F... D... est décédée le 1er mai 2024 ;

- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ne l'a pas invitée à produire les pièces et informations manquantes ;

- cette décision, qui s'est appropriée les motifs de la décision de refus de visa opposée par l'autorité consulaire, est insuffisamment motivée ;

- les liens de filiation allégués sont établis par les documents d'état-civil produits ;

- les conditions de séjour en France des enfants sont suffisamment justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2023, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme F... épouse H..., naturalisée française par décret du 5 mars 2021, tendant à l'annulation de la décision implicite née le 22 juin 2022 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions de l'autorité consulaire française auprès de l'ambassade de France en République démocratique du Congo refusant de délivrer à ses enfants allégués B... F... E... et L... F... D... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant d'une ressortissante française. Mme F... épouse H... relève appel de ce jugement.

Sur le refus de visa opposé à l'enfant Princillila F... D... :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant L... F... D... est décédée le 1er mai 2024, postérieurement à l'introduction de la requête d'appel de Mme F..., épouse H.... Les conclusions de Mme F... épouse H... tendant à l'annulation du jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours portant refus de délivrer un visa à cette enfant ont ainsi perdu leur objet en cours d'instance. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le refus de visa opposé à l'enfant B... F... E... :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où un visa demandé en qualité de descendant d'un ressortissant français peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle par le juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général. Il s'ensuit que lorsqu'une telle décision de refus de visa est fondée sur l'un de ces motifs et permet d'identifier, dans les circonstances de l'espèce, les raisons de ce refus, elle doit être regardée comme étant suffisamment motivée en droit comme en fait.

5. Il ressort de l'accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire formé par Mme F... épouse H... à l'encontre de la décision de l'autorité consulaire du 21 février 2022, adressé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France le 28 avril 2022, que, pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée pour l'enfant B... F... E..., la commission de recours s'est appropriée les motifs de refus opposés par l'autorité consulaire dans sa décision, tirés de ce que " le document d'état-civil présenté en vue d'établir la filiation n'est pas conforme au droit local " et de ce que " les informations communiquées pour justifier les conditions du séjour sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables ". Ces mentions, dans leur ensemble, permettaient aux intéressés d'identifier les considérations de droit et de fait motivant ce refus, compte-tenu des pièces qu'ils avaient produites à l'appui de la demande de visa, et, en conséquence, de discuter utilement ces motifs, de sorte que cette décision satisfait à l'exigence de motivation qui découle des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. (...) ". La commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'ayant pas fondé sa décision sur le caractère incomplet de la demande de Mme F..., épouse H..., elle n'était pas tenue d'inviter l'intéressée à compléter sa demande. Le moyen tiré de ce que cette décision serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ne peut dès lors qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. " Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

8. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

9. Pour justifier de l'identité et du lien de filiation de l'enfant B... F... E..., ont été produits une copie intégrale de l'acte de naissance n° 115, Volume IIIbis, Folio CDXIX, dressé par le service d'état-civil de la commune de Ngiri-Ngiri le 1er février 2022 suivant jugement supplétif du tribunal pour enfants de G.../C... n° RC 3744/III du 15 juillet 2021, attestant de la naissance de l'enfant le 4 février 2006 de l'union de M. A... M... J... et de Mme B... F... K..., ainsi qu'un acte de signification du jugement du tribunal pour enfants de G.../C... n° 3744/III du 15 juillet 2021. Toutefois, le ministre de l'intérieur fait valoir que Mme H... a produit, à l'appui de deux précédentes demandes de visa formées pour l'enfant B... F... E..., un acte de naissance, dressé le 2 février 2006, par le service d'état-civil de la commune de Bandalungwa, attestant de ce que cette enfant est née le 4 février 2006, soit deux jours après l'établissement de l'acte constatant cette naissance, de l'union de M. A... J... I... et de Mme B... F... K.... Si elle soutient que la contradiction entre la date d'établissement de cet acte de naissance le 4 février 2006 et la date de naissance de l'enfant le 2 février 2006 résulte d'une simple erreur matérielle, Mme F... épouse H... n'apporte aucune explication quant à la coexistence de deux actes de naissance pour le même enfant, dressés par deux services d'état-civil différents, ni sur la discordance entre les mentions de ces deux actes quant à l'identité du père de l'enfant. En outre, si Mme F... épouse H... a produit, à la demande de la cour, une copie du jugement supplétif du tribunal pour enfants de G.../C... n° RC 3744/III du 15 juillet 2021 suivant lequel a été établi l'acte de naissance du 1er février 2022, il ressort des énonciations de ce jugement que celui-ci a été rendu au motif que l'enfant B... F... E... n'ayant pas été déclarée à la naissance, elle ne disposait pas d'acte de naissance à la date de ce jugement alors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, elle disposait d'un acte de naissance dressé le 4 février 2006.

10. Enfin, Mme F... épouse H... produit pour la première fois en appel un nouveau jugement supplétif d'acte d'état-civil n° RC 1423/G rendu le 10 janvier 2024 par le tribunal de paix de G.../Assossa, qui annule l'acte de naissance n° 106 Folio LXII Volume I/2006 du service d'état-civil de Bandalungwa du 11 mars 2019 ainsi que l'acte de naissance n° 115 Volume III Folio CIIXIX du service d'état-civil de la commune de Ngiri-Ngiri du 1er février 2022 et ordonne la délivrance d'un nouvel acte d'état-civil pour l'enfant B... F... E..., ainsi que l'acte de naissance n° 1831 Volume IV/2024 Folio n° CDLXXIV du service d'état-civil de Bandalunungwa, établi en transcription de ce dernier jugement le 8 juillet 2024, attestant de la naissance, le 4 février 2006, de l'enfant B... F... Mbombode issu de l'union de Mme B... F... E... et de M. A... M... J.... Toutefois, ce jugement ne prononce pas l'annulation de l'acte de naissance du 4 février 2006 et atteste de ce qu'a été dressé un autre acte de naissance le 11 mars 2019, dont l'administration n'a pas eu connaissance et dont le jugement supplétif du 15 juillet 2021 ne tient pas compte. Mme F... épouse H... n'explique pas pourquoi ont été successivement dressés pour sa fille alléguée quatre actes de naissance différents les 2 février 2006, 11 mars 2019, 1er février 2022 et 8 juillet 2024, dont deux n'ont pas été annulés, dressés par des services d'état-civil différents et qui comportent des mentions contradictoires quant à l'identité du père de l'enfant. Dans ces conditions, les actes d'état-civil produits ne permettent pas d'établir l'identité et le lien de filiation de l'enfant B... F... E....

11. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle n'avait initialement entendu se fonder que sur l'absence de preuve du lien de filiation de l'enfant B... F... E.... Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacherait l'autre motif, tiré du défaut de justification des conditions matérielles d'accueil de l'enfant en France, doit dès lors être écarté comme inopérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... épouse H... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision implicite de la commission de recours en tant qu'elle refuse de délivrer un visa à l'enfant B... F... E....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme F..., épouse H..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme F... épouse H... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme F... épouse H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes du 26 mai 2023 en tant que ce jugement a rejeté les conclusions de la demande de Mme F... épouse H... tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France née le 22 juin 2022, en ce que cette décision porte refus de délivrance d'un visa à l'enfant L... F... D....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F... épouse H... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... épouse H... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2025.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. MARCHAND

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02300
Date de la décision : 23/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : QUENNEHEN-TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-23;23nt02300 ?
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