Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2024 du préfet d'Eure-et-Loir portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2401655 du 4 juillet 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 août et 20 août 2024, M. C..., représenté par Me Cesse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2024 du préfet d'Eure-et-Loir ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ou de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant refus de titre de séjour ;
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- il appartiendra à la cour d'examiner la légalité du refus de séjour qui lui a été opposé ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision a été prise par une autorité incompétente pour le faire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit faute pour le préfet de préciser le fondement de sa décision ;
- elle est entaché d'erreur de fait ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision refusant un délai de départ volontaire :
- la notification de cette décision n'a pas été régulière, l'administration ne l'ayant pas informé de ce qu'il pouvait avertir un conseil, son consulat ou toute autre personne de son choix ni s'il avait besoin d'un interprète ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'établit ni risque de fuite, ni menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale ni n'établit qu'il serait susceptible de se soustraire à l'exécution de la mesure d'éloignement ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision a été prise par une autorité incompétente pour le faire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;
- elle n'a pas fait l'objet d'une motivation précise, circonstanciée et distincte de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet d'Eure-et-Loir qui n'a pas produit d'observations.
Par une décision du 9 octobre 2024, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C....
La cour a informé les parties, par un courrier du 18 mars 2025, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible de se fonder sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation d'un refus de titre de séjour qui n'existe pas, l'arrêté attaqué portant uniquement obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français durant un an.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant algérien né en septembre 1992, est entré en France en 2021 selon ses déclarations. Par des décisions du 11 janvier 2024, le préfet d'Eure-et-Loir a obligé M. C... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son égard une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'une année. M. C... relève appel du jugement du 4 juillet 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre une décision portant refus de titre de séjour :
2. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué du 11 janvier 2024 n'a pas eu pour objet de refuser la délivrance d'un titre de séjour au requérant, mais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée d'un an. Par suite, les conclusions de la requête, en ce qu'elles sont dirigées contre une décision inexistante de refus de délivrance de titre de séjour, ne sont pas recevables. Les conclusions tendant à l'annulation d'une telle décision ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il ressort du jugement attaqué que le premier juge a répondu au moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le requérant soutient toutefois que le premier juge a retenu pour répondre à ce moyen une date de décision erronée. Cette critique, qui se rapporte au bien-fondé des motifs retenus par le juge, ne peut toutefois être utilement invoquée pour contester la régularité du jugement attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les moyens communs :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Yann Gérard, secrétaire général de la préfecture d'Eure-et-Loir. Par arrêté n° 62-2023 du 4 septembre 2023, publié au recueil des actes administratifs du mois de septembre 2023 de la préfecture dans la rubrique " Recueil des actes administratifs " et mis en ligne sur le site de la préfecture, le préfet d'Eure-et-Loir a donné délégation de signature à M. A... à l'effet de signer notamment " tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département d'Eure et Loir ", à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas l'arrêté attaqué. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
5. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
6. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français vise les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde et rappelle les éléments de la situation personnelle et du parcours de M. C... qui font qu'il relève des hypothèses, visées par ces dispositions, dans lesquelles l'autorité préfectorale peut légalement décider de prendre une mesure d'obligation de quitter le territoire français. La mesure d'éloignement en litige comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde.
7. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le requérant ne peut donc soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur de droit en ne précisant pas le motif fondant la décision d'obligation de quitter le territoire français.
8. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur de fait doit être écarté comme n'étant pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. L'intéressé, célibataire et sans enfant, qui est récemment entré en France en 2021, a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie et ne démontre pas y être dépourvu de toutes attaches familiales. Par ailleurs, le requérant ne justifie pas d'une particulière intégration. Compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
11. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle n'a pas pour objet de fixer le pays de destination.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
12. Il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la notification de la décision contestée n'est pas régulière, que celle-ci n'est pas suffisamment motivée et que le préfet n'établit ni risque de fuite, ni menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, ni n'établit qu'il serait susceptible de se soustraire à l'exécution de la mesure d'éloignement, moyens que M. C... réitère en appel sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision contestée n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, moyens que M. C... réitère en appel sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux.
14. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
15. Il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tirés de ce que la décision contestée n'est pas suffisamment motivée, moyen que M. C... réitère en appel sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT02494 2
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