Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois ainsi que l'arrêté du 8 novembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a assignée à résidence dans le département du Maine-et-Loire pour une durée de six mois.
Par un jugement n° 23018629 du 23 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'article 5 de l'arrêté du 31 octobre 2023 faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois, a annulé l'arrêté du 8 novembre 2023 assignant Mme B... épouse C... à résidence dans le département de Maine-et-Loire et a rejeté le surplus des conclusions aux fins d'annulation.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2024 et un mémoire enregistré le 15 avril 2025, Mme B... épouse C..., représentée par Me Khatifyian, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juillet 2024 en ce qu'il lui est défavorable ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Maine et Loire du 31 octobre 2023 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, et dans l'attente de la munir d'un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'enjoindre à la même autorité de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler en attendant qu'il soit statué à nouveau sur sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2000 euros hors taxe à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 39 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, ont méconnu le principe d'égalité des armes et le caractère contradictoire de la procédure ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont omis de statuer sur un moyen soulevé à l'encontre de la décision de départ sans délai ;
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- La décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation et méconnait les dispositions des articles L.423-23 et L.435-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision doit annulée en raison de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision doit annulée en raison de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2025, le préfet de Maine et Loire conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Mme B... épouse C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Viéville a été entendus au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C..., ressortissante arménienne née en 1965, déclare être entrée en France le 24 avril 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 mars 2013 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 novembre 2013. Elle s'est vue délivrer une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé qui a été renouvelée à deux reprises jusqu'au 17 avril 2017. Par un arrêté du 21 février 2018, le préfet de Maine-et-Loire a refusé de renouveler son titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le recours contre cet arrêté a été rejeté en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 11 avril 2019. Mme B... épouse C... a sollicité le 5 août 2022 du préfet de Maine-et-Loire la régularisation de sa situation. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 31 octobre 2023 portant en outre obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et lui interdisant tout retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par un arrêté du 8 novembre 2023, le préfet l'a en outre assignée à résidence dans le département du Maine-et-Loire pour une durée de six mois. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ces arrêtés. Par un jugement du 23 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'article 5 de l'arrêté du 31 octobre 2023 faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois, a annulé l'arrêté du 8 novembre 2023 assignant Mme B... épouse C... à résidence dans le département de Maine-et-Loire et a rejeté le surplus des conclusions aux fins d'annulation. Mme B... épouse C... relève appel de ce jugement en ce qu'il ne lui est pas favorable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". L'article R. 611-1 de ce code prévoit que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles
R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. (...).".
3. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif, postérieurement à la présentation par le préfet de Maine-et-Loire d'un mémoire en défense, a décidé de rouvrir l'instruction qui était close depuis le 26 mars 2024 et que la clôture automatique d'instruction est intervenue trois jours francs avant l'audience, soit le samedi 6 juillet 2024 à 00 heure. Le premier mémoire en défense du préfet de Maine et Loire a été produit le jeudi 4 juillet 2024 et communiqué le 5 juillet 2024 au conseil de Mme B... épouse C..., qui l'a reçu, via l'application " Télérecours ", le jour même, soit moins d'un jour ouvré avant la clôture de l'instruction. Si ce délai a néanmoins permis au conseil de la requérante d'en prendre connaissance et de produire un mémoire en réplique enregistré le 5 juillet 2024 avant la clôture de l'instruction, le conseil a uniquement fait valoir au tribunal que le préfet devait être regardé comme ayant acquiescé aux faits. Ce délai n'était pas suffisant pour que Mme B... épouse C... puisse prendre connaissance du mémoire en défense du préfet de Maine et Loire et éventuellement y répondre par la production d'un nouveau mémoire avant la clôture de l'instruction. Mme B... épouse C... est, dès lors, fondée à soutenir que le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... épouse C... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur l 'acquiescement aux faits :
5. Aux termes de l'article R.612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. ". Par ailleurs, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
6. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif postérieurement à la présentation par le préfet de Maine-et-Loire d'un mémoire en défense le 4 juillet 2024, a décidé de rouvrir l'instruction qui était close depuis le 26 mars 2024. Ce faisant, et contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative. Il résulte également de l'instruction que dans le cadre de la présente instance devant la cour le mémoire en défense du préfet de Maine et Loire a été enregistré au greffe le 14 avril 2025 alors que l'instruction était close depuis le 20 mars 2025. Ce mémoire a été communiqué à la requérante le jour même et l'instruction a ainsi été rouverte. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le mémoire en défense produit par le préfet de Maine et Loire doit être écarté des débats et que le préfet doit être réputé avoir acquiescé aux faits.
Sur la légalité de l'arrêté du 31 octobre 2023 :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour a été signée par M. Emmanuel Le Roy, secrétaire général de la préfecture de Maine-et-Loire. Par un arrêté du 26 septembre 2023 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de ce département, le préfet de Maine-et-Loire lui a donné délégation à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cet arrêté manque en fait.
8. En deuxième lieu, la décision portant refus de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision de refuser à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour. La circonstance que la requérante n'aurait plus d'attaches familiales en Arménie contrairement à ce qu'a opposé le préfet dans sa décision n'est d'aucune influence sur le caractère motivé de la décision. Le moyen doit par suite, être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
10. D'une part, si la requérante se prévaut de ce que, le 14 novembre 2023, elle aurait présenté une demande d'admission au séjour " au titre des liens personnels et familiaux en France ", elle ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle avait seulement demandé avant l'édiction de la décision attaquée le bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et contrairement à ce qu'elle soutient le préfet n'a pas omis de statuer sur une demande formée sur le fondement de l'article L.423-23.
11. D'autre part, les circonstances que la requérante ait quitté l'Arménie en compagnie de son mari et de ses deux fils alors qu'ils y subissaient un traitement discriminatoire, qu'elle n'ait plus d'attaches familiales avec l'Arménie, qu'elle vit en France avec sa famille depuis quatre années où elle exerce une activité professionnelle et qu'elle maitrise la langue française, ne sont pas de nature à établir que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission exceptionnelle de la requérante au séjour ne répond pas à des considérations humanitaires et ne se justifie pas par des motifs exceptionnels.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme te des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
13. Si Mme B... se prévaut de sa durée de son séjour sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée irrégulièrement sur le territoire français et n'y a séjourné régulièrement que du 14 mars 2014 au 17 avril 2017 en raison de son état de santé. La circonstance que ses fils majeurs aient vu leurs situations régularisées en 2022 et 2023 n'ouvrent pas pour autant droit à la régularisation de sa propre situation, alors qu'elle a vécu habituellement en Union soviétique puis en Arménie pendant environ quarante-cinq ans et il n'est pas établi qu'elle serait dans l'impossibilité, avec son époux, de poursuivre sa vie personnelle dans ce pays dont elle est la ressortissante. Dès lors, quand bien même le séjour de Mme B... en France est ancien, le préfet de Maine-et-Loire, compte tenu de l'ensemble des circonstances caractérisant la situation personnelle de l'intéressée en France et les conditions de son séjour dans ce pays, en lui refusant le bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise cette décision.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et expose les considérations pour lesquelles la mesure d'obligation de quitter le territoire ne méconnait pas le droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale. La décision est ainsi régulièrement motivée.
15. En deuxième lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas annulée, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
16. En troisième lieu, pour les motifs exposés aux points 11 et 13, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ou porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ immédiat :
17. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision portant refus de départ volontaire.
18. En deuxième lieu, la circonstance que l'exécution de la décision d'obligation de quitter le territoire français aura pour conséquence de porter atteinte à l'unité familiale qu'elle forme avec son mari et ses fils majeurs n'est pas de nature à établir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
19. Les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision fixant le pays de destination.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
20. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
21. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'énumère l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
22. L'interdiction de retour sur le territoire français fait obstacle à ce que Mme B... puisse utilement demander un visa à l'effet de se rendre en France. Compte tenu de la durée de présence de la requérante sur le territoire français, supérieure à dix ans, à l'existence de liens familiaux anciens et importants en France où ses deux fils résident en situation régulière, et eu égard à l'absence de menace pour l'ordre public, le préfet de Maine et Loire, en fixant à douze mois la durée de l'interdiction de retour a fait une inexacte application des quatre critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence du 8 novembre 2023 :
23. Aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". L'article L. 732-1 de ce code prévoir que " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ".
24. L'arrêté attaqué du 8 novembre 2023, assignant Mme B... à résidence dans le département de Maine-et-Loire pendant six mois, cite les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte ainsi l'énoncé de la considération de droit en constituant le fondement. Cependant, le préfet se borne à énoncer que la requérante " justifie être dans l'impossibilité de regagner son pays d'origine " sans énoncer la ou les raisons de fait pour lesquelles il serait justifié d'une telle impossibilité. Il en résulte qu'en se bornant ainsi, dans l'arrêté du 8 novembre 2023, à énoncer qu'est remplie la condition posée par le premier alinéa de l'article L. 731-3 à l'assignation à résidence, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas légalement motivé cette décision d'assignation à résidence.
25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. Elle est en outre seulement fondée à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 31 octobre 2023, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois, ainsi que de l'arrêté de ce préfet du 8 novembre 2023 l'assignant à résidence. Cette annulation n'implique aucune mesure d'exécution particulière en application de l'article L. 911-1 ou L. 911-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les frais liés au litige :
26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique à verser au conseil de la requérante sou réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 23018629 du 23 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : L'article 5 de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 31 octobre 2023, faisant interdiction à Mme B... épouse C... de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois et l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 8 novembre 2023 assignant Mme B... épouse C... à résidence dans le département de Maine-et-Loire pendant six mois sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à Me Khatifyan la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0238802