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20/05/2025 | FRANCE | N°24NT01255

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 20 mai 2025, 24NT01255


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 mai 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et de suspendre l'exécution de l'arrêté jusqu'à la notification d'une décision juridictionnelle définitive statuant sur sa demande d'asile.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 mai 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et de suspendre l'exécution de l'arrêté jusqu'à la notification d'une décision juridictionnelle définitive statuant sur sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2307971 du 22 mars 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 avril 2024. M. B..., représenté par Me Kati, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 mars 2024 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2023 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a pas été notifiée dans sa langue maternelle ; ce défaut entache l'obligation de quitter le territoire français d'illégalité ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- eu égard aux éléments nouveaux qu'il apporte, l'exécution de la décision doit être suspendue en application des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2025, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Le préfet soutient que les moyens ne sont pas fondés.

La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée comme caduque le 29 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tchadien né en 1995 est entré sur le territoire français le 9 octobre 2019 et a sollicité l'asile. La demande a été rejetée par décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 juillet 2021 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 7 décembre 2022. La demande de réexamen formée par M. B... a été rejetée comme irrecevable par une décision de l'OFPRA du 31 janvier 2023. Par un arrêté du 12 mai 2023, le préfet de la Loire-Atlantique a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai. M B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté et d'en suspendre l'exécution. La magistrate désignée du tribunal a rejeté sa requête dans un jugement du 22 mars 2024. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° / (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " (...) / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...) / b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article / (...) / 2° Lorsque le demandeur : / (...) / b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement / (...) ". Aux termes de l'article L. 531-32 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : / (...) / 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article ". Aux termes de l'article L. 531-42 du même code : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile / L'Office français de protection des réfugiés et apatrides procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision / Lors de l'examen préliminaire, l'office peut ne pas procéder à un entretien / Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité ".

3. La demande de réexamen de la demande d'asile de M B... a été rejetée par le directeur général de l'OFPRA le 31 janvier comme étant irrecevable. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit du requérant de se maintenir sur le territoire français a pris fin dès le 31 janvier 2023, date d'intervention de la décision du directeur général de l'OFPRA, et non à compter de la date de notification de cette décision à l'intéressé. Dans ces conditions, M B... ne peut utilement soutenir que la décision du 31 janvier 2023 du directeur général de l'OFPRA ne lui aurait pas été notifiée dans sa langue maternelle. Par suite, ce moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, le moyen tenant à l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauveg

arde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'appelant séjourne en France depuis le 9 octobre 2019. Il ne conteste pas être célibataire sans personne à charge sur le territoire français. La circonstance qu'il a travaillé en qualité d'auxiliaire de vie à compter du mois de novembre 2022 auprès d'une personne en situation de handicap, qui a pu attester ainsi que ses proches de son sérieux et de son implication, n'est pas de nature, compte tenu de la durée et des conditions du séjour, à établir que le préfet de la Loire-Atlantique aurait porté au droit du requérant au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise l'obligation de quitter le territoire français. De même, si l'appelant soutient qu'étant étudiant, il a créé des liens sur le territoire français, il n'en justifie pas. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

7. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

8. M. B... a fait valoir à l'appui de sa demande de réexamen qu'il craignait d'être exposé à des persécutions par les autorités tchadiennes en raison de son engagement pour la cause gorane et de sa nomination en qualité de secrétaire général du rassemblement pour la démocratie et le changement au Tchad depuis la décision de la cour nationale du droit d'asile du 7 décembre 2022. Il évoque également des craintes en conséquence de l'assassinat commis par son frère contre deux proches du meurtrier présumé d'un autre de ses frères. Cependant, les documents qu'il produit relatifs à la constitution du rassemblement pour la démocratie et le changement au Tchad ne sont pas de nature à établir en eux-mêmes la réalité des risques allégués qu'il encourrait en cas de retour au Tchad, pas plus que l'attestation non circonstanciée du secrétaire général de cette organisation du 5 mars 2023. De même, le certificat médical établi le 21 mars 2023 ne fait pas état de la compatibilité des éléments médicaux relevés avec le récit du requérant. Les attestations émanant de son oncle et d'un membre de l'UFDD, les publications sur Whatsapp non datées et la circonstance que des décisions de la Cour nationale du droit d'asile ont pu accorder l'asile à des membres de l'ethnie gorane ou à des militants de l'UFDD ne sont pas non plus de nature à établir la réalité des craintes évoquées. Enfin, M. B... n'apporte en appel aucun nouvel élément de nature à démontrer que sa vie ou sa liberté seraient menacées dans le pays dont il est le ressortissant, ni qu'il risquerait d'être personnellement soumis dans ce pays à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir qu'en désignant le Tchad en cas d'éloignement d'office à l'issue du délai de départ volontaire, le préfet de la Loire-Atlantique aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

9. Aux termes des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 752-11 du même code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour national du droit d'asile ".

10. Il est fait droit à la demande de suspension de la mesure d'éloignement si le juge a un doute sérieux sur le bien-fondé de la décision de rejet ou d'irrecevabilité opposée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, au regard des risques de persécutions allégués ou des autres motifs retenus par l'Office. A l'appui de ses conclusions à fin de suspension, l'intéressé peut notamment se prévaloir d'éléments nouveaux apparus postérieurement à la décision de l'Office ou à l'obligation de quitter le territoire français.

11. Eu égard à ce qui a été dit au point 8, M. B... ne peut être regardé comme apportant des éléments permettant de remettre sérieusement en cause la décision d'irrecevabilité opposé par le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 janvier 2023.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2023 du préfet de la Loire-Atlantique et à la suspension de l'exécution de cet arrêté. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0125502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01255
Date de la décision : 20/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : KATI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-20;24nt01255 ?
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