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16/05/2025 | FRANCE | N°25NT00700

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 16 mai 2025, 25NT00700


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2025 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le Gabon comme pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2500495 du 31 janvier 2025, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions portant obl

igation de quitter le territoire français, fixation du Gabon comme pays de destination et interdictio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2025 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le Gabon comme pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2500495 du 31 janvier 2025, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du Gabon comme pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2025, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- le principe général du droit d'être entendu découlant de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'a pas été méconnu au cours de la procédure ; l'intéressé, qui a fait l'objet de deux précédentes obligations de quitter le territoire français en 2020 et 2022, n'y a pas déféré et n'a pas cherché à régulariser sa situation ; lors de son audition du 25 janvier 2025, il a pu émettre toutes observations sur sa situation ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'ont pas été méconnues ; l'intimé ne justifie pas d'une relation suffisamment ancienne, stable et établie avec sa partenaire ; il est défavorablement connu des forces de l'ordre et ne justifie pas d'efforts d'intégration dans la société française.

Par un mémoire enregistré le 22 mars 2025, M. D... A..., représenté par

Me Sémino, demande à la cour :

- de constater le non-lieu à statuer sur la requête d'appel ;

- de rejeter la requête du préfet de Maine-et-Loire ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, en application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de la somme de 1 500 euros au titre des frais du litige.

Il soutient que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête d'appel présentée par ce dernier puisque le jugement du 31 janvier 2025 a été totalement exécuté par la remise à l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour, ce qui abroge nécessairement la mesure d'éloignement et que M. A... a déposé une demande d'autorisation de travail ;

- la requête d'appel du préfet est, en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, irrecevable, dès lors qu'en raison d'une adresse erronée mentionnée par le préfet, il n'a pas reçu communication de l'appel interjeté par le préfet ; le délai de régularisation est dépassé ;

- elle n'a pas été signée par une autorité compétente, en méconnaissance de l'article

L. 212-3 du code des relations entre le public et la requête du préfet comporte une signature électronique dont l'authenticité n'est pas garantie ;

- les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés ;

- outre le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, du défaut d'examen particulier de sa situation, de l'insuffisance de motivation au regard des exigences de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation justifient l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire l'obligeant à quitter le territoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2025.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- et les observations de Me Sémino, représentant M. A..., présent à l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant gabonais, né le 14 juin 1999, est entré régulièrement en France en février 2020 au moyen d'un passeport revêtu d'un visa d'entrée en vue d'un court séjour. Il s'est maintenu en France au-delà de la durée de validité de ce visa qui expirait le 6 mai 2020. Il a fait l'objet, le 31 décembre 2020, puis à nouveau le 8 mars 2022, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur ce territoire pendant une durée de deux ans mais ne s'est pas conformé à ces mesures d'éloignement, ni aux mesures d'assignation à résidence destinées à en assurer l'exécution. Par un arrêté du 25 janvier 2025 le préfet de Maine-et-Loire, à la suite d'une interpellation de l'intéressé et de son placement en garde à vue pour des faits de violence sur sa concubine, l'a une nouvelle fois obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Par un jugement du 31 janvier 2025, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de reprendre une nouvelle décision relative au séjour de M. A..., après un réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de Maine-et-Loire relève appel de ce jugement.

Sur l'exception de non-lieu :

2. En exécution du jugement du 31 janvier 2025, le préfet a délivré à M. A... une autorisation provisoire de séjour le 19 février 2025. Cette autorisation n'est, en l'espèce, ainsi qu'il ressort des mentions qu'elle comporte, motivée que par la volonté de l'autorité administrative de se conformer à l'injonction qui lui a été adressée par le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation. Elle ne prive donc pas d'objet les conclusions d'appel présentées par le préfet dans le cadre de la présente instance. Il en est de même de la circonstance que M. A..., dans le cadre de ce réexamen, a transmis à la préfecture des éléments de nature, selon lui, à justifier sa régularisation, notamment par le travail, et qu'il a été invité à les communiquer aux services du préfet de la Mayenne, département dans lequel il réside désormais et où il a trouvé un emploi, ce préfet étant territorialement compétent pour l'examen de sa situation. L'exception de non-lieu opposée par l'intimé ne peut qu'être écartée.

Sur les fins de non-recevoir opposées par M. A... :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties (...) ". Cette prescription vise seulement à faciliter la mise en œuvre du caractère contradictoire de la procédure et ne constitue pas une condition de recevabilité de l'appel.

4. Si l'intimé fait valoir que la requête du préfet mentionne, le concernant, une adresse erronée, ce qui serait de nature à entraîner un risque quant à l'accès effectif au juge, cette circonstance n'a pas, par elle-même, pour effet de rendre irrecevable la requête d'appel présentée par le préfet de Maine-et-Loire, qui a d'ailleurs été communiquée à M. A... et à laquelle cet intimé a répondu.

5. En deuxième lieu, le respect des dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration ne s'impose qu'aux décisions administratives. Par suite, l'intimé ne peut utilement s'en prévaloir au soutien de la fin de non-recevoir qu'il oppose à la requête d'appel du préfet de Maine-et-Loire.

6. Enfin, la requête est signée par M. Emmanuel Le Roy, secrétaire général de la préfecture de Maine-et-Loire, auquel le préfet de ce département, par un arrêté du 18 mars 2024 régulièrement publié le jour même au recueil des actes administratifs de la préfecture, a donné délégation à l'effet de signer, notamment, les requêtes d'appel. Cette requête ayant été présentée par la voie de l'application " Telerecours ", le moyen tiré de ce que la signature qui y est apposée ne présenterait pas de garanties suffisantes d'authenticité ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes :

7. Lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en œuvre le droit de l'Union européenne. Il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration. Parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Ce droit n'implique toutefois pas l'obligation pour l'administration d'organiser systématiquement, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

8. Il ressort du procès-verbal d'audition produit par le préfet que, le 25 janvier 2025 à partir de 6h35, M. A... a été entendu dans le cadre d'une enquête de flagrance pour les infractions pénales de " violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité " et de " maintien irrégulier sur le territoire français après placement en rétention ou assignation à résidence d'un étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ". Au cours de cet entretien, il a été entendu, outre sur les faits de violences pour lesquels la police avait été alertée en urgence par un appel téléphonique au numéro 17, sur l'obligation de quitter le territoire avec interdiction de retour dont il avait fait l'objet le 8 mars 2022 et la raison pour laquelle il ne s'y était pas conformé, ce à quoi il a répondu qu'il avait " fait un recours avec un avocat ". En fin d'entretien, à la question posée " Si la préfecture vous y oblige, accepterez-vous de quitter le territoire français pour regagner votre pays d'origine à savoir le Gabon ' ", il a répondu " Non, je n'accepterai pas. ". Enfin, à la question posée de sa reconnaissance des faits de violences conjugales et de non-respect d'une OQTF qui lui étaient reprochés, il a répondu " Juste tiré les cheveux, j'ai fait un recours à la préfecture ". Il doit être considéré que, par ces échanges, M. A... a été mis à même de présenter ses observations sur son éloignement vers le Gabon, le cas échéant dans le cadre d'une nouvelle obligation de quitter le territoire, et sur les raisons et circonstances susceptibles d'y faire obstacle, ce qu'il a d'ailleurs fait en évoquant qu'il était en couple depuis plus d'un an avec une personne dont il a donné l'identité. Par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté contesté, le magistrat désigné a retenu le moyen tiré de ce que le requérant avait été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union européenne.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé pour le motif exposé ci-dessus la décision litigieuse. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A....

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. A... :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

10. Aux termes de L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) ".

11. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été signé dans le cadre d'une permanence par Mme C... B..., sous-préfète, directrice de cabinet, directrice des sécurités, à la préfecture de Maine-et-Loire. Par un arrêté du 18 mars 2024, régulièrement publié le 31 mars 2024 au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme B... à l'effet de signer, notamment, dans le cadre des permanences qu'elle est amenée à assurer, les décisions portant obligation de quitter le territoire et interdiction de retour ainsi que les mesures connexes. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'acte attaqué manque en fait.

12. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux fondé sur les dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte l'ensemble des motifs de droit et de fait au regard desquels le préfet du Maine-et-Loire a décidé d'obliger M. A... à quitter le territoire français et qui permettent de s'assurer que ce préfet a pris la décision litigieuse après un examen particulier de la situation de l'intéressé, telle qu'elle était portée à sa connaissance. Il mentionne en particulier que l'intéressé est entré régulièrement en France en février 2020 mais s'y est maintenu au-delà de la durée de validité de son visa sans demander la régularisation de sa situation administrative, qu'il a fait l'objet de deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire en 2020 et 2022 et ne s'y est pas conformé, de même qu'il n'a pas respecté les assignations à résidence prises pour l'exécution de ces mesures d'éloignement, et qu'il est défavorablement connu des forces de l'ordre pour des actes délictuels dont les dates et qualifications sont précisées. L'arrêté relève également que M. A... déclare vivre en concubinage avec une ressortissante français aux Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire) sans pouvoir le justifier, et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'il est célibataire, sans enfant, et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familials dans son pays d'origine. Il ne ressort ni des pièces du dossier ni de la motivation de la mesure d'éloignement elle-même que cette décision aurait été prise sans vérification préalable du droit au séjour du requérant, tenant notamment compte de la durée de présence de celui-ci sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit, conformément au premier alinéa de l'article L. 613-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de cette décision doit être écarté, le préfet n'étant pas tenu à peine d'irrégularité d'y énoncer l'ensemble des informations concernant la situation de la personne concernée ou les circonstances susceptibles de s'opposer à la décision en cause ou de justifier qu'une décision différente soit prise. Doivent également être écartés, pour les mêmes motifs, les moyens tirés du défaut d'examen particulier, ainsi que de la méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions n'impliquent pas l'obligation pour le préfet de se prononcer expressément, dans sa décision, sur le droit au séjour de M. A....

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 230-6 du code de la sécurité intérieure : " Afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel ". Aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I.- Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1 (...) du code de la sécurité intérieure (...), les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes (...) peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. (...) Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. (...) ". L'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité dispose que " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux ".

14. L'intimé rappelle que l'arrêté qu'il conteste a été pris notamment au motif qu'il est " défavorablement connu des forces de l'ordre pour les faits de détention non autorisée d'arme, munition ou élément essentiel de catégorie B, détention non autorisée de stupéfiants, offre ou cession non autorisée de stupéfiants en décembre 2020, usage illicite de stupéfiants en mai 2021 et violences aggravées sur sa concubine le 24 janvier 2025 ". Il conteste la prise en compte de ces éléments en l'absence de saisine préalable par le préfet de Maine-et-Loire de l'autorité judiciaire compétente, le procureur de la République, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires apportées à ces événements, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale. Toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet aurait eu connaissance, par la consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel de la police et de la gendarmerie, de ces informations, déjà mentionnées dans les précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre les 31 décembre 2020 et 8 mars 2022. D'autre part, ces dispositions ne s'appliquent que dans le cadre des enquêtes diligentées pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, le préfet n'ayant pas statué sur une telle demande concernant

M. A.... Enfin, il résulte de l'instruction que le préfet de Maine-et-Loire, qui a admis dans ses écritures que les faits délictueux mentionnés ci-dessus n'avaient pas fait l'objet de procédures pénales, aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur la considération d'ordre public mentionnée dans son arrêté. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale doit donc être écarté.

15. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

16. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent en France, où il est arrivé à l'âge de 21 ans, depuis le mois de février 2020, soit depuis 5 ans à la date de la décision contestée. Toutefois, il s'est maintenu sur le territoire français malgré deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire pris à son encontre en 2020 et 2022, comportant l'un et l'autre une interdiction de retour, et il n'a ni respecté les mesures d'assignation à résidence prises à son encontre pour l'exécution de ces mesures d'éloignement ni cherché à régulariser sa situation administrative. M. A... a déclaré, lors de son audition du 25 janvier 2025 être en couple " depuis plus d'un an " avec une ressortissante française dont il donne le nom, domiciliée aux Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire), et dont il soutient qu'il s'occupe de l'enfant, qu'il va chercher à l'école, mais cette relation n'apparaît ni ancienne ni stable malgré les attestations produites, alors que des violences ont opposé les intéressés et que ceux-ci ne vivent pas ensemble,

M. A... se déclarant domicilié au Mans dans un logement dont il est locataire. L'intégration de l'intimé en France aux plans professionnel, social et amical apparaît par ailleurs limitée malgré la production de quelques témoignages de soutien et d'un document attestant qu'il a été licencié dans deux clubs de football. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et même sans tenir compte des considérations d'ordre public mentionnées dans son arrêté par le préfet de

Maine-et-Loire, qui admet dans ses écritures qu'elles n'ont pas donné lieu à l'ouverture de procédures pénales, cette autorité n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de

M. A... au respect de sa vie privée et familiale en l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celui tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

17. La décision du préfet de Maine-et-Loire obligeant M. A... à quitter le territoire français n'étant pas annulée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence.

S'agissant de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

18. En premier lieu, la décision du préfet de Maine-et-Loire obligeant M. A... à quitter le territoire français n'étant pas annulée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence.

19. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". L'article L. 612-3 du même code dispose que " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / (...) /5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

20. M. A... étant entré en France en France en février 2020 régulièrement, sous couvert d'un visa, c'est à tort que, comme le soutient l'intimé, le préfet de Maine-et-Loire, faisant application du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a considéré que l'entrée irrégulière sur le territoire de l'intéressé caractérisait l'existence d'un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre. Toutefois, ainsi que le fait valoir en défense le préfet, qui doit être ainsi regardé comme demandant une substitution de base légale, le même risque doit être considéré comme établi, sur le fondement des 2° et 5° du même article, par les circonstances que M. A... s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa et qu'il s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement. Les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit doivent donc être écartés.

S'agissant d'interdiction de retour :

21. En premier lieu, la décision du préfet de Maine-et-Loire obligeant M. A... à quitter le territoire français n'étant pas annulée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence.

22. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". L'article L. 612-10 du même code dispose que " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

23. Eu égard à ce qui a été dit ci-dessus au point 16, notamment aux soustractions de M. A..., à deux reprises, aux mesures d'éloignement assorties d'interdictions de retour dont il a fait l'objet et aux assignations à résidence prises pour leur application, et à l'absence de démonstration par l'intéressé de l'ancienneté et de la stabilité de sa relation avec une ressortissante française, laquelle n'est d'ailleurs même pas mentionnée dans la demande de titre de séjour du 19 mars 2025, actuellement en cours d'examen à la préfecture de la Mayenne, le moyen tiré de ce que, en lui interdisant de revenir en France pendant trois ans, le préfet de Maine-et-Loire aurait fait une inexacte application des dispositions citées ci-dessus doit être écarté.

24. Il résulte de ce qui précède que préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 25 janvier 2025 par lequel il a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le Gabon comme pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de trois ans.

Sur les frais liés à l'instance :

25. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de M. A... tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil, en application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de la somme de 1 500 euros au titre des frais du litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2500495 du 31 janvier 2025 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à

M. D... A....

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.

Le rapporteur,

G-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 25NT007002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 25NT00700
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : SEMINO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-16;25nt00700 ?
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