Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination.
Par un jugement n°2212462 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête enregistrée le 10 juin 2023 M. D..., représenté par
Me Philippon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 du préfet de la Loire Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 25 euros par jour de retard ; subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Philippon renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient :
S'agissant de la régularité du jugement, que :
- l'expédition du jugement n'est pas signée ;
- les premiers juges ont omis de répondre à la branche du moyen tiré de l'incompétence de l'autorité préfectorale pour prendre la décision de refus de titre de séjour et celle fixant le pays de renvoi postérieurement à la refonte du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ont également omis de répondre au moyen tiré de la violation du droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme soulevé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ; ils ont enfin omis de répondre au moyen tiré de la violation de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne soulevé contre de la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi.
S'agissant de la légalité de la décision portant refus de séjour, que :
- il ne ressort pas des pièces versées aux débats que le rapport médical transmis au collège de médecins de l'OFII et relatif à l'état de santé de Monsieur D... aurait été établi par un médecin de l'OFII ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux dès lors que le préfet s'est prononcé tardivement au regard de l'avis du collège de médecins de l'OFII sans solliciter à nouveau cette instance collégiale ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement nécessité par son état n'est pas disponible en République démocratique du Congo, qu'il ne pourrait effectivement bénéficier des soins nécessités par son état dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense en date du 13 septembre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.
Par un arrêt n° 23NT01708 du 30 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Nantes, sur appel de M. D..., a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 12 août 2022 et enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Par une décision n° 492977 du 30 décembre 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi de M. D..., annulé l'arrêté du 30 janvier 2024 et renvoyé l'affaire à la Cour, où elle a été enregistrée sous le numéro 24NT03702.
Procédure devant la cour après cassation :
Par une un mémoire, enregistré le 16 janvier 2025, M. D..., représenté par Me Philippon, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2212462 du tribunal administratif de Nantes du 17 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi ou, subsidiairement d'abroger l'arrêté du 12 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de
25 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer pendant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ou, très subsidiairement, de réexaminer sa situation administrative compte tenu de la caducité de la décision d'obligation de quitter le territoire français du 12 août 2022 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de lui verser directement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- la minute du jugement n'est pas signée conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont omis de répondre à la branche du moyen tirée de l'incompétence de l'autorité préfectorale pour prendre la décision de refus de titre de séjour au regard de l'article R. 431-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celle fixant le pays de renvoi ainsi qu'au moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme soulevé contre la décision d'obligation de quitter le territoire français ainsi que le moyen tiré de la violation de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne soulevé contre la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi.
Sur la décision portant refus de séjour :
- le rapport médical du Dr C... sur l'état de santé de M. D... transmis au collège de médecins de l'OFII n'a pas été établi par un médecin de l'OFII en méconnaissance de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux dès lors que le collège des médecins de l'OFII a rendu un avis plus de trois mois après la réception du certificat médical de son médecin traitant et le préfet s'est prononcé plus de cinq mois après l'avis du collège de médecins de l'OFII sans solliciter un réexamen de son état de santé ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement nécessité par son état de santé n'est pas disponible en République démocratique du Congo ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision ne pouvait être prise dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit au respect de la vie privée et familiale qu'il tient de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marion,
- et les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le
30 juin 1971, déclare être entré irrégulièrement en France le 9 juillet 2017. Sa demande d'admission au statut de réfugié déposée le 5 septembre 2017 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 26 décembre 2017 et cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 25 mai 2018. Il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire, le 28 août 2018. Par un jugement n° 1808445 du
16 octobre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a jugé que l'état de santé de M. D... faisait obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement. La demande de titre de séjour présentée par l'intéressé en raison de son état de santé a été rejetée par un arrêté du 20 octobre 2019 portant de nouveau obligation de quitter le territoire. Cet arrêté a été annulé par un jugement n° 2000556 du 18 décembre 2020 au motif qu'il avait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière et le tribunal a enjoint au préfet de la
Loire-Atlantique de réexaminer la demande de titre de séjour de M. D.... L'intéressé, qui a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable jusqu'au 30 novembre 2021, en a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 12 août 2022, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination. Par un jugement n°2212462 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du 12 août 2022 présentée par M. D.... Par un arrêt
n° 23NT01708 du 30 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé l'arrêté du 12 août 2022 et enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé. Par une décision n° 492977 du 30 décembre 2024, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 30 janvier 2024 de la cour administrative d'appel de Nantes et renvoyé l'affaire à la cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal n'a ni visé ni répondu au moyen tiré de l'incompétence du préfet de département pour édicter une décision de refus de séjour ainsi qu'une décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination. Les premiers juges n'ont, en outre, pas visé ni répondu au moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni au moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi violait l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Dès lors,
M. D... est fondé à soutenir que les premiers juges ont omis de répondre à des moyens qui n'étaient pas inopérants. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré du défaut de signature de la minute, le jugement attaqué doit être annulé.
3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur le moyen commun aux décisions en litige :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs du préfet, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département ou au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements. ".
5. Les dispositions précitées qui donnent compétence au préfet de département en matière d'entrée et de séjour des étrangers l'habilite nécessairement à prendre les décisions de refus de séjour ainsi que les décisions d'éloignement du territoire dont notamment celles fixant le pays de destination. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique n'était pas compétent pour refuser de renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade et fixé la République démocratique du Congo comme pays de renvoi.
6. En second lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. A..., adjoint de la directrice des migrations et de l'intégration. Par un arrêté du 6 juillet 2022, paru au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Loire-Atlantique lui a donné délégation, en l'absence ou empêchement de la directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et celles fixant le pays d'éloignement. Par suite et en l'absence de contestation de l'absence ou de l'empêchement de Mme B..., directrice des migrations et de l'intégration, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées manque en fait.
Sur les conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) ".
8. Il ne résulte d'aucun texte que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration chargé d'établir le rapport médical soumis au collège des médecins de ce même office fasse l'objet d'une désignation particulière pour remplir cette mission ni que l'Office soit tenu de justifier des conditions d'emploi du médecin qu'il charge d'établir le rapport médical destiné à éclairer le collège des médecins sur l'état de santé de l'étranger malade. Par suite, le moyen tiré de ce que le Dr C... n'avait pas la qualité de " médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration " pour établir le rapport médical soumis au collège des médecins doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office. ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du
27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile anciennement applicables : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est prononcé au vu d'un rapport établi par un médecin de l'Office le 3 février 2021 et transmis le 11 février suivant aux trois médecins composant le collège auteur de l'avis émis le 2 mars 2022. Le Dr C... médecin auteur du rapport médical, n'a pas siégé au sein de ce collège composé des Drs Aranda-Grau, Minani et Candillier, médecins ayant été désignés par une décision du 1er octobre 2021 régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur en date du 15 décembre 2019. Par ailleurs, l'avis qui porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant (...) " a été signé par les trois médecins composant ce collège. Par suite, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu par des médecins siégeant compétemment dans les conditions prescrites par les dispositions précitées des articles L. 425-9, R. 425-11, R. 425-13 ainsi que de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016.
11. En troisième lieu, M. D..., qui se borne à soutenir que le délai de trois mois, imparti au collège de médecins de l'OFII, pour rendre son avis à compter de la transmission par son médecin traitant du certificat médical a été méconnu, n'établit pas que le dépassement de ce délai, qui n'est pas prescrit à peine de nullité, l'aurait privé d'une garantie ou aurait eu une influence sur le sens de la décision du préfet. Par ailleurs, si le préfet s'est prononcé plus de cinq mois après l'avis du collège de médecins de l'OFII sans pour autant solliciter un réexamen de l'état de santé de M. D..., cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision alors que ce dernier n'établit, ni même n'allègue, que son état de santé se serait dégradé pendant cette période de cinq mois suivant l'avis du collège des médecins de l'OFII. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation.
12. En quatrième lieu, il ressort de l'avis du 2 mars 2021, que le collège de médecins de OFII a estimé que la situation de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais, qu'eu égard à l'offre de soins et au système de santé en République démocratique du Congo, l'intéressé pourrait y bénéficier des traitements appropriés et qu'il était en mesure de voyager sans risque vers ce pays. Si M. D... entend soutenir que cet avis serait insuffisamment motivé dès lors que le collège de médecins de l'OFII n'a pas précisé si les soins nécessités par son état de santé présentent un caractère de longue durée, le collège de médecins de l'OFII n'était toutefois pas tenu de se prononcer sur ce point dès lors qu'il a estimé que l'intéressé pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Cet avis est ainsi suffisamment motivé.
13. En cinquième lieu, il ressort des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour délivré en qualité d'étranger malade, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
14. M. D... est atteint d'un diabète de type 2, a été victime d'une thrombose à la jambe droite en juin 2021 et a présenté une hypertrophie de la prostate. Ces trois affections ont fait l'objet d'un suivi médical et d'un traitement, respectivement à base des médicaments Metformine, Xarelto et Urorec. L'intéressé se prévaut d'un courriel du
20 septembre 2022 de la société EGLabo indiquant ne commercialiser aucune de ses références à destination de la République démocratique du Congo et un courrier du 19 octobre 2022 de l'ambassadeur de ce pays à Bruxelles indiquant que la Metformine est disponible dans ce pays mais qu'au vu des comorbidités de l'intéressé son traitement antidiabétique devra inclure un inhibiteur de la SGLT2 " pas très disponible localement " et que sa maladie thromboembolique est une contre-indication à de longs déplacements en avion. ll résulte cependant de la fiche de données " Medical Origin of Information " (MedCOI) du
5 novembre 2021, que la Metformine est disponible dans ce pays et est répertoriée dans la liste nationale des médicaments essentiels établie par le ministère de la santé de République démocratique du Congo à jour en octobre 2020 comme étant disponible en centres de santé et en hôpital général de référence. Par ailleurs, M. D... n'établit pas ni même n'allègue qu'il ne pourrait pas avoir accès à un médicament anticoagulant, aux mêmes propriétés que le Xarelto pour prévenir une récidive thromboembolique ni à un médicament permettant de lutter contre la contraction des voies urinaires tel que le médicament Urotec. Par suite, le requérant ne peut être regardé comme infirmant sérieusement l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII sur la disponibilité des soins et traitements qui lui sont nécessaires en République démocratique du Congo et sur sa capacité à voyager sans risque vers ce pays. Par ailleurs, si M. D... se prévaut du coût financier des soins et traitements dans son pays d'origine pour soutenir qu'il ne pourra accéder effectivement aux soins et suivi nécessaires dans son pays d'origine, il ne justifie pas ne pouvoir bénéficier du régime universel d'assurance maladie institué en République démocratique du Congo par une loi n°12-2015 du 31 août 2015. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas que la décision attaquée du préfet de la Loire-Atlantique serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les conclusions dirigées contre la décision d'obligation de quitter le territoire français :
15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
16. M. D... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2017. Toutefois, la durée de son séjour sur le territoire français s'explique par la durée d'instruction de sa demande d'asile qui a été définitivement rejetée et du fait qu'il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et qu'il a contesté le rejet de sa demande de renouvellement de son titre de séjour délivré pour raison de santé. Par ailleurs, l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne peut se prévaloir que de la présence de ses deux neveux de nationalité française, fils de son frère décédé, qui résident à Bondy (Seine-Saint-Denis) mais avec qui il ne justifie pas entretenir de liens particulièrement intenses. Il ne justifie pas davantage être dépourvu de toute attache en République démocratique du Congo, où il a vécu jusqu'à l'âge de 46 ans et où résident ses deux frères et ses cinq sœurs. Les circonstances qu'il a travaillé à temps partiel en CDI comme employé dans le domaine de la propreté et qu'il exerce des activités de bénévolat auprès d'une association ne permettent pas de le regarder comme particulièrement inséré en France. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il remplit les conditions pour obtenir de plein droit le titre de séjour prévu par l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que cette circonstance ferait obstacle à son éloignement.
17. En deuxième lieu, en l'absence d'annulation de la décision de refus de séjour, M. D..., qui ne peut se voir délivrer, sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un titre de séjour de plein droit, n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
18. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
19. Ainsi qu'il a été déjà dit, M. D... qui a vécu jusqu'à l'âge de 46 ans en République démocratique du Congo où réside encore la presque totalité de sa famille est célibataire et sans enfants et n'a pas établi de liens personnels et familiaux en France d'une particulière intensité. En outre, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 18 du présent arrêt, la décision d'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale que l'intéressé tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant à 30 jours le délai de départ volontaire :
20. En premier lieu, en l'absence d'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français, M. D... n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire.
21. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19 du présent arrêt, la décision fixant à 30 jours le délai de départ volontaire de M. D... ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale que l'intéressé tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
22. Enfin, si la décision fixant à 30 jours le délai de départ volontaire précise que ce délai commencera à courir à compter du rétablissement des liaisons terrestres, maritimes ou aériennes, interrompues à raison de la pandémie de Covid-19, cette circonstance concerne l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre et demeure sans incidence sur sa légalité. Par suite, et alors qu'aucune disposition n'impose au préfet de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du rétablissement de ces liaisons terrestres, maritimes ou aériennes, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressé, de l'atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et au " principe constitutionnel de dignité humaine ", ne peuvent qu'être écartés.
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi :
23. En premier lieu, en l'absence d'annulation de la décision de refus de séjour et de la décision d'obligation de quitter le territoire français, M. D... n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision fixant la République démocratique du Congo ou tout autre pays où il serait légalement admissible comme pays de renvoi.
24. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". La même interdiction est stipulée à l'article 4 de la Carte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Et selon l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
25. M. D... soutient avoir été emprisonné et torturé au commissariat de Kalamu du 6 au 29 juin 2017, en raison de son activisme politique. Toutefois, alors que sa demande d'asile fondée sur ces mêmes faits a été définitivement rejetée par les autorités en charge de l'asile, il se borne à produire à l'appui de ses allégations des articles de presse à caractère général qui ne sont pas de nature à établir son implication personnelle dans les soulèvements mentionnés et dans la répression politique consécutive. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la vie ou la liberté du requérant seraient menacées en cas de retour en République démocratique du Congo ou qu'il risquerait d'être soumis dans ce pays à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Il s'ensuit que la décision fixant le pays de destination en cas de reconduite d'office, en ce qu'elle compte la République démocratique du Congo au nombre des destinations possibles, ne méconnaît pas les dispositions et stipulations énoncées au point précédent.
26. Il résulte de ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 12 août 2022. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°2212462 du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. D... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.
La rapporteure,
I. MARION
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT03702