Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2024 du préfet de la Loire-Atlantique portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2406390 du 31 octobre 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2024, M. A..., représenté par
Me Jeanmougin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2024 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler cet arrêté du 24 octobre 2024 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa situation et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de huit jours à compter de cette même notification ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit d'être entendu tel qu'il résulte des stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Loire-Atlantique qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant angolais, né le 20 août 1994 à Luanda (Angola), est entré sur le territoire français en 2004 alors qu'il était mineur. Il a résidé sur le territoire français de façon régulière à compter de sa majorité et jusqu'au 13 avril 2024. Alors qu'il était placé en centre de rétention administrative à Saint-Jacques-de-la-Lande (Ille-et-Vilaine), il a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2024 du préfet de la Loire-Atlantique portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Il relève appel du jugement du 31 octobre 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
3. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse uniquement aux institutions et organes de l'Union. Le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un État membre est donc inopérant. Toutefois, il résulte également de cette jurisprudence que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il n'implique toutefois pas systématiquement l'obligation pour l'administration d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, l'étranger soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a pu compléter une fiche individuelle de renseignement le 21 octobre 2024 alors qu'il était incarcéré au centre pénitentiaire de Nantes. Il a, à cette occasion, exposé l'ensemble des éléments relatifs à sa situation administrative, personnelle et familiale. Il a notamment pu mentionner les attaches familiales dont il dispose sur le territoire français, indiquer la présence en France de ses deux enfants français. Il a également indiqué sa date de première arrivée sur le territoire français ainsi que les titres de séjour dont il a été titulaire au cours de son séjour en France. M. A... ne peut sérieusement soutenir qu'il ignorait qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre, alors qu'il lui a été demandé s'il était " d'accord pour regagner son pays d'origine " et a pu, à ce sujet, présenter ses observations, en précisant qu'il n'a plus aucune attache dans son pays d'origine et qu'il vit en France depuis l'âge de dix ans. Dans ces conditions, M. A... a été à même de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle et il ne fait état d'aucun élément pertinent qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé de la mesure prise à son encontre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de son droit à être entendu dans des conditions de nature à caractériser une méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne auquel se rattache le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père de deux enfants de nationalité française nés les 22 novembre 2017 et 20 août 2020 à Nantes, issus de sa relation avec son
ex-conjointe. Les photographies produites, tant en première instance qu'en appel, ainsi que la production de deux virements bancaires en date des 15 avril et 9 mai 2024 d'un montant de
637 euros et 800 euros adressés à la mère de ses enfants sont insuffisants pour démontrer qu'il contribuerait à l'entretien et l'éducation de ses enfants. La circonstance que ces derniers lui rendaient régulièrement visite alors qu'il était en centre de rétention administrative est postérieure à la date de l'arrêté attaqué et, ainsi, sans influence sur sa légalité. Par suite, M. A... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent sur le territoire français depuis 2004 où il est arrivé avec l'ensemble des membres de sa famille à l'âge de dix ans. L'intéressé justifie avoir séjourné de façon régulière depuis qu'il a atteint sa majorité et jusqu'au 13 avril 2024. Sa mère ainsi que son frère et sa sœur ont obtenu la nationalité française. Cependant, les liens familiaux dont M. A... dispose sur le territoire français ne peuvent qu'être relativisés compte tenu de ses récentes condamnations pénales. En effet, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné, par le tribunal correctionnel de Nantes, le 30 janvier 2019 à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance, le 4 juin 2019 par le même tribunal à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de tentative de vol en réunion et le 7 juin 2019 à une peine de six mois d'emprisonnement dont quatre avec sursis pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ce sursis ayant été révoqué en totalité par un nouveau jugement du même tribunal du 13 février 2024 qui a, en outre, condamné M. A... à une peine de douze mois d'emprisonnement, dont six avec sursis, pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité commis le 21 janvier 2024, ainsi que pour des faits en récidive commis entre le 1er et le 15 janvier 2024 de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et de faits commis le 21 janvier 2024 de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité. Ainsi que l'a estimé le préfet de la Loire-Atlantique, eu égard en particulier à la gravité des faits de violences conjugales, commis de façon réitérée et qui sont récents à la date de l'arrêté attaqué, M. A... doit être regardé comme représentant une menace pour l'ordre public. Enfin, il s'est vu retirer l'exercice de l'autorité parentale par le jugement précité du tribunal correctionnel de Nantes du 13 février 2024. Il ne justifie par avoir entretenu un quelconque lien avec ses enfants alors qu'il était incarcéré au centre pénitentiaire de Nantes au cours l'année 2024. Dans ces conditions, compte tenu en particulier de la menace pour l'ordre public que représente M. A..., le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet de la
Loire-Atlantique n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....
8. En quatrième lieu, eu égard aux éléments exposés ci-dessus, et dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que certains faits de violence conjugale commis par M. A... se sont déroulés alors que ses enfants étaient présents au domicile et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... entretiendrait des liens particulièrement intenses avec eux et justifierait contribuer effectivement à leur entretien et leur éducation, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...)".
10. Si M. A... justifie de sa présence en France depuis 2004, il ressort des pièces du dossier qu'il est séparé de son ex-conjointe et est désormais célibataire. Il ne se prévaut d'aucune autre attache que sa mère et ses frères et sœurs. Il est toutefois majeur et n'a pas vocation à résider avec eux. Par ailleurs, il ne démontre pas, par les pièces qu'il verse, que les membres de sa famille présents en France seraient dans l'impossibilité de lui rendre visite en Angola. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 7, son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique aurait méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant trois ans, ni qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
11. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés au point 8, cette même décision ne méconnaît pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2024 du préfet de la
Loire-Atlantique. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratives doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON
Le président-assesseur,
G-V. VERGNE
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT033532