Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 26 septembre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et l'intégration leur a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et d'enjoindre à l'Office de l'immigration et de l'intégration de leur accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à compter du 26 septembre 2024 ou, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer leur demande, dans un délai de huit jours à compter du jugement.
Par un jugement n° 2405865 du 16 octobre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Jeanmougin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 octobre 2024 ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance présentée devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision de refus d'octroi des conditions matérielles d'accueil aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire ;
- l'OFII n'a pas procédé à un examen de leur situation ;
- l'agent qui a conduit l'entretien de vulnérabilité ne pouvait pas être regardé comme un agent habilité ayant reçu la formation spécifique mentionnée à l'article L. 522-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ils justifiaient d'un motif légitime au sens des dispositions du 4° de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au vu de leur situation de vulnérabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2025, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés et à titre subsidiaire que la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est excessive.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants serbes nés respectivement en 1958 et 1966, sont entrés irrégulièrement en France, le 11 mars 2024 s'agissant de Mme B... et le 18 mai 2024 s'agissant de M. B.... Leurs demandes d'asile ont été enregistrées le 26 septembre 2024 et le même jour, après une évaluation de leur vulnérabilité, la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) leur a refusé, par la décision contestée, les conditions matérielles d'accueil prévues aux articles L. 551-8 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement du 16 octobre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision. Ils font appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont institué une procédure contradictoire particulière (...). ". Aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. Lors de l'entretien personnel, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l'examen de santé gratuit prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale ".
3. Il ressort des dispositions des articles L. 551-8 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative auxquelles est soumise l'intervention des décisions par lesquelles l'OFII refuse d'accorder à un étranger demandeur d'asile le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration qui soumet à une procédure contradictoire préalable les décisions soumises à obligation de motivation ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'un refus d'octroi des conditions matérielles d'accueil à un demandeur d'asile. Au surplus, il résulte des articles L. 551-8 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les conditions matérielles d'accueil sont proposées à l'étranger une fois que ce dernier a déposé sa demande d'asile. Elles ont pour finalité de lui permettre de demeurer sur le territoire français en bénéficiant notamment d'une allocation et d'un hébergement jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande. Ainsi, la décision par laquelle l'autorité compétente octroie ou non les conditions matérielles d'accueil procède nécessairement de la demande d'asile dont le dépôt relève de la seule initiative de l'étranger et doit ainsi être regardée comme statuant sur une demande. Par suite, son intervention n'a pas à être précédée de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, ce dernier ne trouvant à s'appliquer qu'exception faite des cas où il est statué sur une demande. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les requérants ont bénéficié le 26 septembre 2024 de l' " entretien de vulnérabilité " prévu par l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au cours duquel ils ont pu faire valoir leurs observations. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que la décision contestée aurait été adoptée en méconnaissance du principe du contradictoire.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil sont refusées, totalement ou partiellement, au demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : (...) 4° Il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° de l'article L. 531-27. / La décision de refus des conditions matérielles d'accueil (...) prend en compte la vulnérabilité du demandeur. ".
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que M. et Mme B... ont été mis à même d'exposer leur situation à l'occasion de l'entretien dont ils ont bénéficié, que l'OFII n'aurait pas procédé à un examen particulier de leur situation personnelle. A cet égard, s'ils ont fait état lors de cet entretien de problèmes de santé, ce qui a donné lieu à la remise d'un certificat médical vierge pour avis " MEDZO ", d'une part aucun document médical n'a été remis à l'agent de l'OFII et d'autre part l'OFII n'était pas tenu d'attendre le retour de ce certificat pour statuer sur la demande de conditions matérielles d'accueil, les intéressés pouvant à tout moment solliciter à nouveau le bénéfice de ces conditions en faisant valoir des circonstances nouvelles telles que l'avis de ce médecin sur leur état de santé, l'OFII faisant d'ailleurs valoir sans être contredit que M. et Mme B... n'ont pas retourné les certificats médicaux confidentiels complétés au service médical. Enfin, la circonstance que tous les éléments dont M. et Mme B... ont fait état, et notamment le fait qu'ils ont été chassés de la maison qu'ils occupaient en Serbie, n'aient pas été mentionnés dans le compte-rendu d'entretien ne suffit pas à établir un défaut d'examen particulier de leur situation.
6. En troisième lieu, si M. et Mme B... soutiennent que l'OFII devra démontrer que l'agent qui a mené l'entretien avait bien reçu une formation spécifique à cette fin, ils n'apportent aucun commencement de preuve contraire, alors que la signature manuscrite de l'agent et les initiales manuscrites " PG " permettent l'identification de cet agent et que l'OFII soutient que, dès leur recrutement, les agents reçoivent une formation afférente à leurs missions. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière faute qu'un " entretien de vulnérabilité " ait été conduit par un agent formé de l'OFII, doit être écarté.
7. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que ni eux ni leur fille résidant en France ne savaient qu'ils pouvaient déposer une demande d'asile avant de rencontrer une association d'aide aux étrangers, cette circonstance ne peut être regardée comme un motif légitime qui aurait été susceptible de les empêcher de déposer leur demande dans le délai indiqué, soit quatre-vingt-dix jours à compter de leur entrée en France. Dans ces conditions, M. et Mme B... n'ont pas justifié de motif légitime, au sens de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, expliquant la tardiveté de leur demande d'asile.
8. En cinquième et dernier lieu, si les requérants soutiennent que le logement de leur fille, qui les héberge, est trop petit, qu'ils ne disposent d'aucune ressource financière, qu'ils sont malentendants et que Mme B... souffre d'une pathologie résultant de problèmes de circulation sanguine, les éléments qu'ils produisent ne sont pas de nature à établir qu'ils étaient particulièrement vulnérables à la date de la décision contestée. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs conclusions aux fins d'annulation et d'injonction. Leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et M. A... B..., à Me Jeanmougin et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT03093