Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 13 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2401647 du 13 septembre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Blache, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 septembre 2024 du tribunal administratif de Caen ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 13 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler les décisions du 13 juin 2024 par lesquelles le préfet du Calvados lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
4°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
sur la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision contestée méconnaît les dispositions des articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
sur la décision portant interdiction de retour en France pour une durée d'un an :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-7 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et apparaît entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Chabernaud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né le 20 août 1991, a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 13 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Sa requête a été rejetée par le tribunal par un jugement du 13 septembre 2024. M. B... fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant guinéen né le 20 août 1991, est entré régulièrement en France le 20 août 2010 sous couvert d'un visa de long séjour d'étudiant. Il a ensuite bénéficié de titres de séjour en cette qualité jusqu'en 2021 afin de suivre des études en économie et gestion à l'université de Caen Basse-Normandie, dans le cadre desquelles il a obtenu un diplôme de licence. Il a également obtenu, en 2019, un master 1 en ressources humaines. Le 30 novembre 2021, il a sollicité un titre de séjour portant la mention " salarié ", qui lui a été refusé par le préfet du Calvados aux termes de l'arrêté litigieux du 13 juin 2024. A la date de ce dernier, M. B... résidait donc en France de façon régulière depuis environ 14 ans. En outre, s'il est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vivent son père et l'un de ses frères, il dispose toutefois d'attaches en France, où vivent sa tante, de nationalité française, et sa filleule. Par ailleurs, M. B..., qui justifie avoir exercé une activité professionnelle pendant ses années d'études auprès d'agences d'intérim, notamment de 2017 à 2020, est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel signé avec un restaurant pour lequel il travaille depuis 2022. De surcroît, l'intéressé est président d'une association qu'il a fondée en 2021 et qui assure une activité bénévole dans le domaine du sport. Enfin, dans son avis du 3 juin 2024, la commission départementale du titre de séjour a émis un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour. L'ensemble de ces éléments sont ainsi de nature à établir une très bonne insertion de M. B... dans la société française. Dans ces conditions, le préfet du Calvados, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de ce dernier, a, en prenant la décision de refus de séjour contestée, porté une atteinte disproportionnée au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En conséquence, la décision litigieuse du 13 juin 2024 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B... doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2024 du préfet du Calvados.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu, pour la cour, de prononcer cette injonction en application de l'article L. 911-1 précité du code de justice administrative, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. B... n'a pas déposé de demande d'aide juridictionnelle afférente à la présente instance. Dès lors, sa demande tendant à ce que l'Etat verse à son conseil une somme dans les conditions fixées aux dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 13 septembre 2024 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 13 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02892