Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 17 mai 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2303113 du 25 septembre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Blache, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 25 septembre 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2024 du préfet du Calvados ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation administrative, dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet du Calvados aurait dû saisir la commission du titre de séjour en application des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet du Calvados a méconnu les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- le préfet du Calvados a méconnu les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante sierra-léonaise, née le 4 juin 1996, a demandé le 25 novembre 2022 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 mai 2024, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un jugement du 25 septembre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté le recours de Mme B... à l'encontre de cet arrêté. Mme B... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, l'arrêté du 17 mai 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
4. D'une part, Mme B... n'établit pas qu'elle serait entrée en France à compter du mois de décembre 2013, les pièces qu'elle produit ne permettant d'établir son arrivée en France au plus tôt qu'à compter du mois de septembre 2014. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Calvados aurait dû saisir la commission du titre de séjour en application du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été scolarisée dès son entrée en France en 2014 et y a poursuivi des études pour devenir coiffeuse, profession qu'elle exerce au sein d'un salon dirigé par le mari de sa sœur, qui a acquis la nationalité française. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier qu'elle est célibataire, sans charge de famille et que ses parents et au moins une autre sœur résident en Sierra-Léone, où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans. Il n'est pas contesté qu'elle n'a jamais obtenu de titre de séjour, l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) ayant rejeté sa demande d'asile par une décision du 13 novembre 2014, confirmée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 14 décembre 2015, et qu'elle a fait l'objet de mesures d'éloignement en 2016 et 2020, auxquelles elle n'a pas déféré. Enfin, son activité de coiffeuse, d'abord comme apprentie à compter de 2018 et désormais dans un cadre familial s'est exercée sans autorisation de travail et au moyen de déclarations frauduleuses de son employeur sur sa nationalité. Dans ces conditions, elle ne justifie pas de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels susceptibles de justifier son admission exceptionnelle au séjour et le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder un titre de séjour.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
7. Eu égard à ce qui a été dit au point 5 au sujet de son statut de célibataire, de ses attaches en Sierra-Léone et des conditions de son séjour en France, le préfet du Calvados n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale en prenant l'arrêté contesté. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ".
9. Il résulte des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles qu'elles visent et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Or, ainsi qu'il a été exposé au point 7, Mme B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet du Calvados n'était pas tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour avant de prendre la décision de refus de séjour litigieuse.
10. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-8 du même code : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ".
11. Mme B... ne peut utilement soutenir que le préfet du Calvados a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant la décision litigieuse lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an dès lors que cette décision est fondée sur l'article L. 612-8 du même code. En tout état de cause, eu égard à ce qui a été dit au sujet des deux mesures d'éloignement dont Mme B... a fait l'objet, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur d'appréciation en interdisant le retour en France de celle-ci pendant une durée d'un an.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2024 du préfet du Calvados.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
13. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Blache et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02870