Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme I... G... et M. A... B..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, D... J... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 10 mars 2022 par laquelle le maire de la commune de Vannes a rejeté leur demande indemnitaire préalable de réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des décisions des 27 janvier et 27 février 2020 portant exclusion de leur fille de la structure multi-accueil de H... à Vannes et de condamner la commune de Vannes à leur verser la somme totale de 15 643,40 euros au titre de la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.
Par un jugement n° 2202393 du 27 juin 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2024 et 9 janvier 2025, M. et Mme J..., agissant tant en leur nom qu'en celui de leur fille mineure D..., représentés par Me Collet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 juin 2024 ;
2°) de condamner la commune de Vannes à leur verser la somme totale de
15 643,40 euros au titre de la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vannes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute de ce jugement comportait les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la commune de Vannes a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; la décision d'exclusion du 3 mars 2020 est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ; la mesure d'exclusion était disproportionnée ;
- la mesure d'exclusion leur a causé un préjudice financier de 643,40 euros ainsi qu'un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence évalués à 10 000 euros ;
- leur fille cadette a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qui sont évalués à 5 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2024, la commune de Vannes conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens soulevés n'est fondé ;
- les conclusions indemnitaires devront donc être rejetées ; à titre subsidiaire, les préjudices ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Collet pour M. G... et Mme B... et de Me Couetoux du Tertre, substituant Me Marchand, pour la commune de Vannes.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... et M. B... ont deux filles, nées respectivement les 14 avril 2017 et 15 décembre 2018, qui étaient inscrites au centre multi-accueil de H... à Vannes. Soutenant que leur fille aînée a été victime de violences commises par une auxiliaire de puériculture de cette crèche, Mme G... et M. B... ont eu un entretien, le 31 décembre 2019, avec la responsable du service " petite enfance " et la directrice de la structure à l'issue duquel il a leur été proposé de changer l'agent d'unité jusqu'à ce que leur fille aînée intègre l'école élémentaire au mois de mars 2020 et de transférer leur fille cadette dans un autre établissement. Par un courriel du 9 janvier 2020, Mme G... et M. B... ont accepté un transfert au sein du centre multi-accueil des F... mais pas à celui de E... mais, par un courrier du 27 janvier 2020, le directeur général des services de la mairie de Vannes leur a proposé d'accueillir leur enfant dans ce dernier établissement à compter du 2 mars 2020. Par un courrier du 10 février 2020, Mme G... et M. B... s'y sont opposés et ont sollicité un rendez-vous avec le maire de Vannes. Par un courrier du 27 février 2020, ce dernier leur a proposé d'accepter le transfert de leur fille cadette au centre multi-accueil de E... ou de recourir aux services d'une assistante maternelle. Par un courrier du 28 février 2020, ils ont néanmoins réitéré leur refus d'accepter le transfert de leur fille dans la structure proposée. Par une décision du 3 mars 2020, la commune a mis fin, à compter du 28 février 2020, au contrat d'accueil de leur fille cadette au sein du centre multi-accueil de H..., initialement conclu pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2020. Mme G... et M. B..., agissant en leur nom propre et en celui de leur fille mineure, D..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Vannes à leur verser une somme totale de 15 643,40 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la faute commise résultant de l'illégalité des décisions des 27 janvier, 27 février et 3 mars 2020. Par un jugement du 27 juin 2024, le tribunal a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La minute du jugement attaqué comporte la signature de la présidente de la formation de jugement, de la rapporteure et de la greffière d'audience. Par suite, elle est régulière au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative qui prévoit que la minute comporte ces trois signatures en cas de formation collégiale. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est entaché d'une irrégularité sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. La responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation dans laquelle la victime s'est elle-même placée.
En ce qui concerne la faute de la commune de Vannes :
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du courrier du 10 février 2020 de Mme G... et M. B... adressé au maire de Vannes, que les requérants indiquent avoir été " particulièrement malmenés " lors d'un entretien intervenu le 13 janvier 2020 avec la directrice de la crèche H..., la responsable du service petite enfance et l'adjointe au maire compétente. En outre, ils confirment dans ce courrier ne pas faire confiance à une des auxiliaires de puériculture de la crèche qu'ils suspectaient de " mauvais traitement " envers leur fille aînée, la jeune C... en novembre 2019. Ils ont également fait le choix de mettre leur fille aînée à l'école dès mars 2020 afin qu'elle ne soit plus accueillie à la crèche. Des difficultés relationnelles entre les parents et la direction de la crèche H... avaient, par ailleurs, déjà été constatées en 2019, à propos notamment d'une sortie programmée. Lors d'un entretien du 31 décembre 2019 avec la directrice de crèche et la responsable de service, M. B... a envisagé à plusieurs reprises de porter plainte et les requérants ont également évoqué la perte de confiance envers le personnel. Au vu de ces éléments, les courriers du maire de Vannes des 27 janvier et 27 février 2020, qui ont précédé la décision prise par la lettre du 3 mars 2020, ne sont pas entachés d'erreur de fait en mentionnant que " la perte de confiance réciproque est désormais trop importante pour permettre le maintien serein de l'accueil à la rentrée des congés d'hiver " de leur fille cadette, la jeune D..., alors même que la perte de confiance de la part de Mme G... et M. B... ne concernerait pas l'ensemble du personnel de la crèche.
5. En deuxième lieu, il appartient aux maires, comme à tous chefs de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité. Ils peuvent ainsi prendre des dispositions relatives à la bonne marche de l'établissement, dans la mesure où l'exige l'intérêt du service, dans le respect des règles ou principes supérieurs et dans la mesure où de telles règles n'y ont pas pourvu.
6. D'une part, les requérants ne peuvent utilement se fonder sur les dispositions du règlement intérieur applicable aux établissements d'accueil de la petite enfance de la ville de Vannes relatives aux " conditions de radiation ", alors que les décisions contestées des 27 janvier, 27 février et 3 mars 2020, qui leur proposaient un transfert de leur fille cadette dans une autre crèche de la ville, dite de E..., puis prenaient acte du refus de cette proposition par les intéressés, ne peuvent être regardées comme portant radiation au sens de ce règlement intérieur.
7. D'autre part, à la suite du signalement par Mme G... et M. B... d'un incident qui serait survenu entre leur fille aînée, la jeune C..., et une auxiliaire de puériculture, plusieurs mesures ont été mises en place, avec notamment le changement d'unité de cette auxiliaire afin qu'elle ne soit plus en contact avec leur enfant jusqu'à l'entrée de celle-ci à l'école en mars 2020, plusieurs réunions et un signalement au service de protection maternelle et infantile. La commune de Vannes n'a pas disposé d'éléments suffisants pour établir la matérialité des faits reprochés à l'agent de la crèche, dont l'exactitude ne résulte d'ailleurs pas davantage de l'instruction. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la perte de confiance des parents de la jeune D... envers la directrice et un membre du personnel de la structure multi-accueil de H..., il appartenait au maire de la commune de Vannes de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement pérenne de cette crèche, qui ne permet pas d'écarter durablement un agent de tout contact avec un enfant accueilli. Le maire de Vannes a ainsi proposé aux requérants soit d'accepter un transfert de leur fille cadette dans une autre structure d'accueil, soit de recourir aux services d'une assistante maternelle. A la suite du refus des requérants d'accepter le transfert de leur fille à la crèche de E..., le maire de Vannes pouvait légalement décider, en sa qualité de chef des services communaux, de ne plus accueillir la jeune D... au sein de la structure multi-accueil de H.... Par conséquent, Mme G... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions des 27 janvier, 27 février et 3 mars 2020 seraient entachées d'une erreur de droit.
8. En troisième et dernier lieu, il est constant que la commune de Vannes a proposé à Mme G... et M. B... un transfert de leur fille cadette dans une autre crèche de la ville, E..., ce qu'ils ont refusé. Si les intéressés souhaitaient un transfert dans la crèche dite des F..., la commune fait valoir sans être contredite que les capacités d'accueil ne le permettaient pas. Par ailleurs, la distance séparant la crèche E... et le lycée au sein duquel travaille Mme G... n'est que de 3,6 kilomètres et il n'est pas établi que, malgré les embouteillages invoqués, elle ne pourrait pas être à son travail à 8h, comme elle le souhaite, la crèche ouvrant à 7h30, M. B... pouvant en outre, au regard de son emploi du temps professionnel, emmener sa fille dans cette crèche une semaine sur deux. Dans ces conditions, les décisions contestées ne sont pas disproportionnées par rapport à l'intérêt de préserver le bon fonctionnement de la structure multi-accueil de H... qui était entravé par la perte de confiance des requérants envers la directrice et un membre du personnel de cette structure d'accueil ainsi qu'il a été dit au point 4.
9. Il résulte des points 4 à 8 que les décisions des 27 janvier et 27 février 2020 ainsi que celle du 3 mars 2020 ne sont pas illégales. Par suite, la commune de Vannes n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité. Dès lors, Mme G... et M. B... ne sont pas fondés à demander l'indemnisation des préjudices financier et moral qu'ils estiment avoir subis.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'indemnisation.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vannes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme G... et M. B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de ces derniers la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Vannes.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... et M. B... est rejetée.
Article 2 : Mme G... et M. B... verseront à la commune de Vannes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... G..., à M. A... B... et à la commune de Vannes.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02394