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16/05/2025 | FRANCE | N°24NT01896

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 16 mai 2025, 24NT01896


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier universitaire de Caen l'a radié des cadres à compter du 1er novembre 2022 pour abandon de poste, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Caen de le réintégrer dans ses fonctions.



Par un jugement n° 2202645 du

8 avril 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. A....



Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier universitaire de Caen l'a radié des cadres à compter du 1er novembre 2022 pour abandon de poste, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Caen de le réintégrer dans ses fonctions.

Par un jugement n° 2202645 du 8 avril 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 juin 2024, 3 février 2025 et 13 mars 2025, M. B... A..., représenté par Me Taforel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2024 ;

2°) d'annuler la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier universitaire de Caen l'a radié des cadres à compter du 1er novembre 2022 pour abandon de poste, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Caen de le réintégrer dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation ; son absence à son poste est la conséquence de l'aggravation de son état de santé ; il n'a jamais, par son comportement, rompu le lien avec le service :

- l'avis du comité médical départemental ne crée pas une présomption irréfragable d'aptitude à la reprise ; il a bien justifié, dans le délai fixé par la mise en demeure, de l'impossibilité de reprendre son poste, en produisant un arrêt de travail pour une nouvelle pathologie et compte tenu de l'opposition à la reprise de ses fonctions du médecin du travail, seul compétent pour constater lors de la visite de reprise l'inaptitude ou l'aptitude médicale du salarié à son poste de travail ;

- la jurisprudence prévoit qu'il doit être tenu compte des circonstances nouvelles attestées par un certificat médical ; en l'espèce, les avis d'inaptitude du médecin du travail des 22 août et

5 octobre 2022, qui n'ont pas été contestés par le CHU, s'imposaient et primaient sur l'avis antérieur du comité médical départemental, reposant sur des constatations anciennes et une expertise qui n'a duré que quinze minutes ; de même, constituait un élément nouveau faisant obstacle à la reprise l'arrêt de travail établi par un médecin psychiatre le 3 octobre 2022 et faisant état d'une nouvelle pathologie, l'épuisement professionnel ou burn out, qui ne se confond pas avec le syndrome dépressif ;

- il ne peut être considéré qu'il a rompu le lien avec le service, dès lors qu'il n'a pas refusé les postes qui lui étaient proposés contrairement à ce que retient le tribunal, qu'il a pris rendez-vous avec la médecine du travail pour sa visite de reprise, et qu'il a cru en toute bonne foi que l'avis défavorable du médecin du travail, qui corroborait l'arrêt de travail qui lui avait été délivré par un psychiatre, l'empêchait de reprendre le travail ;

- la décision attaquée méconnaît l'article L. 4121-1 du code du travail qui fait peser sur l'employeur l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de ses agents ; les avis du médecin du travail faisaient obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Caen prononce sa radiation des cadres pour abandon de poste.

Par des mémoires enregistrés les 14 novembre 2024 et 5 février 2025, le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,

- et les observations de Me Taforel pour M. A... et de Me Neven pour le CHU de Caen.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été recruté le 2 janvier 2013 en qualité de contractuel par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen pour y exercer des fonctions d'infirmier puis il a été titularisé à compter du 3 avril 2015. Placé en congé de maladie à compter du 21 janvier 2020 pour une lombalgie aigüe post-traumatique survenue à la suite d'une chute alors qu'il rejoignait son véhicule pour aller travailler, il a brièvement repris le travail avant d'être arrêté à nouveau par son médecin en raison de la reprise de ses lombalgies. A compter du 2 mai 2020, son arrêt de travail a été prolongé en raison de cette même pathologie et pour un syndrome dépressif, puis, à compter du 28 septembre 2020, renouvelé pour décompensation psychique. M. A..., qui n'a pas repris le travail, ayant sollicité l'octroi d'une disponibilité d'office pour raison de santé à compter du

1er décembre 2021, le comité médical s'est réuni le 8 juin 2022 et a émis sur cette demande un avis défavorable. Par deux courriers du 12 août 2022 et 16 septembre 2022, le directeur général du CHU de Caen a mis en demeure M. A... de reprendre ses fonctions le 29 août puis le 10 octobre 2022. M. A... relève appel du jugement du 8 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2022 par laquelle ce directeur l'a radié des cadres pour abandon de poste à compter du 1er novembre 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

2. En premier lieu, d'une part, si une procédure de radiation des cadres pour abandon de poste peut être engagée dès lors que l'agent, en refusant de rejoindre son poste sans raison valable, se place dans une situation telle qu'elle rompt le lien entre l'agent et son service, une telle mesure ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer son absence, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

3. D'autre part, l'agent qui se trouve en position de congé de maladie est regardé comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, il ne peut, en principe, faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer, dans les conditions définies au point 2 ci-dessus, son licenciement pour abandon de poste. Il en va toutefois différemment lorsque l'agent, reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical départemental, se borne, pour justifier sa non présentation ou l'absence de reprise de son service, à produire un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail sans apporter, sur son état de santé, d'éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., alors en arrêt de travail pour syndrome dépressif, a été examiné par un médecin-expert psychiatre le 20 avril 2022, qui a conclu à l'absence de pathologie ouvrant droit à l'octroi d'un congé statutaire. Le 8 juin 2022, le comité médical départemental du Calvados a rendu un avis défavorable à la demande de placement en disponibilité d'office pour raison de santé présentée par M. A... en précisant que l'intéressé était apte à une reprise du travail. Au vu de cet avis, le directeur général du centre hospitalier universitaire de Caen, par deux courriers adressés en recommandé avec accusé de réception le 12 août 2022 et le

16 septembre 2022, a mis en demeure M. A... de reprendre ses fonctions, respectivement, les

29 août 2022 et 10 octobre 2022, ces courriers de mise en demeure précisant qu'à défaut de reprise, il serait procédé à la radiation des cadres de l'intéressé pour motif d'abandon de poste, sans procédure disciplinaire préalable. M. A... fait valoir qu'il a adressé à son employeur un arrêt de travail " initial " à partir du 3 octobre 2022 pour une " nouvelle " pathologie, soit un " syndrome dépressif dans un contexte d'épuisement professionnel " sans lien avec le syndrome dépressif qui avait jusqu'alors justifié ses précédents arrêts de travail depuis le 2 mai 2020. Il soutient que, s'agissant d'un élément nouveau, le centre hospitalier universitaire de Caen ne pouvait prononcer sa radiation des cadres pour abandon de poste. Toutefois, cet arrêt de travail prescrit par un médecin psychiatre n'apporte aucun élément de nature à établir que l'état de santé de M. A... se serait aggravé ou que celui-ci présenterait, ainsi qu'il le soutient, une pathologie nouvelle correspondant, alors que l'intéressé n'exerce aucune activité dans le service depuis le 10 mars 2020, à l'apparition d'un épuisement professionnel ou " burn out " que le psychiatre agréé et le comité médical départemental n'auraient pas pris en compte aux dates auxquelles ils se sont prononcés. Si le médecin du travail, consulté le 22 août 2022 et le 5 octobre 2022 par M. A... au service de santé au travail dans le cadre des visites de reprise obligatoires, a rempli et signé deux " fiches d'aptitude " mentionnant que M. A... était " temporairement inapte ", ces avis ne précisent pas les éléments nouveaux relatifs à l'état de santé du requérant intervenus depuis un avis précédent du 24 mai 2022 par lequel un autre médecin du service avait estimé M. A... apte à une reprise " sur le secteur DATU et SAMU ", et depuis l'avis du comité médical départemental du 8 juin 2022 constatant l'aptitude de M. A.... Ces avis non assortis de précision du médecin du travail ne sont donc pas de nature à remettre en cause l'avis du comité médical. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier universitaire de Caen a proposé à M. A... trois autres postes dont l'incompatibilité avec son état de santé n'est pas démontrée et qu'il a tous refusés, l'intéressé exigeant de " reprendre son projet professionnel " en étant affecté sur le poste qu'il avait occupé jusqu'en mars 2020. Il lui a également été proposé de prendre contact avec la cadre supérieure du pôle Médecine interne et gériatrique en vue d'un entretien préalable à son affectation sur un poste au sein du service de court séjour en gériatrie, proposition à laquelle il n'a pas donné suite. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, après avoir constaté que l'intéressé ne s'était pas présenté à son poste le 10 octobre 2022, le directeur général du CHU a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, estimer que les absences de M. A... ne pouvaient pas être considérées comme étant la conséquence de son état de santé et que le lien avec le service avait été rompu du fait de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ".

6. Si M. A... soutient que le centre hospitalier universitaire de Caen a manqué à son obligation de sécurité et de protection de la santé de ses agents en ne tenant pas compte des avis des 22 août et 5 octobre 2022 du médecin du travail le déclarant inapte temporairement à ses fonctions, il ne peut être considéré, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus au point 4, que le CHU de Caen aurait, par la décision en litige, méconnu les obligations lui incombant en vertu des dispositions précitées de l'article L. 4121-1 du code du travail.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur des ressources humaines du CHU de Caen l'a radié des cadres à compter du 1er novembre 2022 pour abandon de poste, et de la décision implicite rejetant son recours gracieux. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de le réintégrer dans ses fonctions ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHU de Caen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement au centre hospitalier d'une somme au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du CHU de Caen fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier universitaire de Caen.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01896


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01896
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : TAFOREL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-16;24nt01896 ?
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