Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 31 octobre 2022 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de salarié.
Par un jugement n° 2305688 du 29 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur, de faire délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 avril 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 mars 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- les informations communiquées par M. B... pour justifier de son expérience professionnelle ne sont pas fiables ;
- M. B... ne présente aucune attache familiale et matérielle en Tunisie ;
- il existe un risque de détournement de l'objet du visa.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2024, M. A... B..., représenté par Me Blin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 26 décembre 1991, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité de salarié auprès de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie), qui a rejeté cette demande par une décision du 31 octobre 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 29 mars 2024 de ce tribunal annulant la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui enjoignant de délivrer le visa de long séjour sollicité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Tunis, sur la circonstance que les informations communiquées pour justifier des conditions du séjour sont incomplètes ou ne sont pas fiables.
3. Aux termes aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ou d'une autorisation de travail, ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente refuse de lui délivrer un visa d'entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur tout motif d'intérêt général. Constitue un tel motif l'inadéquation entre l'expérience professionnelle et l'emploi sollicité et, par suite, le détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
4. M. B... s'est vu accorder, le 2 août 2022, une autorisation de travail pour un emploi de carrossier, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, au sein de l'entreprise MB Car 28, dirigée par son frère. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a obtenu les diplômes du baccalauréat en 2010 et de licence appliquée en sciences et technologie en 2017. Par ailleurs, il a effectué des stages au sein de la société Advanced Technology Center en 2014, dans le cadre de son cursus au sein de l'institut supérieur de gestion, puis en 2016 en tant que développeur Web au sein de la société Dev Tweaks. Il a également occupé un emploi de technicien du son au sein d'une radio entre 2015 et 2017 avant d'exercer une activité principale de vente de produits d'alimentation générale à compter du 1er novembre 2017. Ces diplômes et ces expériences professionnelles ne sont pas en adéquation avec l'emploi proposé de carrossier. S'il ressort également des pièces du dossier que M. B... a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle dans la spécialité " carrosserie et peinture autos ", ce diplôme a été délivré par le ministère de l'emploi et de la formation professionnelle de la République tunisienne le 9 juin 2022, peu de temps avant que l'intéressé ne sollicite, le 23 juin 2022, une autorisation de travail. En outre, il ressort d'attestations établies par des employeurs que M. B... a effectué seulement trois stages de courte durée au sein de sociétés exerçant dans le domaine de la tôlerie au cours de l'année 2022 et l'intéressé ne justifie pas avoir occupé un emploi dans ce domaine. Par suite, et alors que M. B... ne justifie pas d'attaches familiales ou matérielles dans son pays d'origine, la commission de recours a pu légalement refuser le visa sollicité, en raison d'un risque de détournement de l'objet du visa, révélé notamment par l'inadéquation du profil de l'intéressé au poste envisagé.
5. Devant le tribunal administratif de Nantes et la cour, M. B... ne soulève pas, contre la décision contestée, d'autre moyen qu'il appartiendrait à la cour d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer le visa de long séjour sollicité.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2305688 du 29 mars 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
C. GOY
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01300