Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions implicites par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leurs recours formés contre les décisions du 8 novembre 2022 de l'autorité consulaire française à Casablanca (Maroc) refusant de leur délivrer des visas de long séjour en qualité de visiteurs.
Par un jugement n° 2303806, 2303815 du 5 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2024, M. E... A... B... et Mme D... C... épouse A... B..., représentés par Me Berdugo, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités ou de réexaminer les demandes, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation quant au caractère suffisant de leurs ressources et quant aux conditions de leur séjour en France ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... B... relèvent appel du jugement n° 2303806, 2303815 du 5 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leurs recours formés contre les décisions du 8 novembre 2022 de l'autorité consulaire française à Casablanca (Maroc) refusant de leur délivrer des visas de long séjour en qualité de visiteurs.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". L'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration précise cependant que : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
3. Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.
4. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur de première instance et devant la cour que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est appropriée le motif sur lequel les autorités consulaires ont fondé leurs décisions du 8 novembre 2022. Il ressort des termes des décisions des autorités consulaires qu'elles sont fondées sur le fait que " Les informations communiquées pour justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables ". Cette seule mention ne peut être regardée comme comportant, de manière suffisamment précise, les considérations de fait permettant aux intéressés de les contester utilement. Il suit de là que doit être accueilli le moyen tiré de ce que les décisions de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne sont pas suffisamment motivées, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
5. Les décisions de la commission de recours n'étant pas annulées pour un vice tenant aux motifs qui la fondent mais pour une irrégularité de forme, le ministre de l'intérieur ne peut utilement demander qu'il soit procédé à une substitution de motifs.
6. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête de M. et Mme A... B..., ces derniers sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. Compte tenu du motif d'annulation retenu au point 4, l'exécution du présent arrêt implique seulement que les demandes de visas de M. et Mme A... B... soient réexaminées. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2303806, 2303815 du 5 février 2024 du tribunal administratif de Nantes et les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer les demandes de visa de M. et Mme A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera aux époux A... B... une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... B... et Mme D... C... épouse A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00653