Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le maire de Bénodet (Finistère) a délivré à M. A... D... un permis de construire une maison individuelle et un garage sur un terrain situé chemin de Menez Laë.
Par un jugement n° 2005766 du 2 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juillet 2023 et 12 août 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Bénodet, représentée par Me Le Derf-Daniel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité en raison de contradictions internes ; alors que le jugement reconnait qu'il ne s'agit que de la construction d'une maison, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de l'association est écartée ; le jugement reconnait que le projet appartient à une zone urbanisée au regard du schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'Odet mais annule l'arrêté pour méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; le jugement est insuffisamment motivé ;
- la demande de l'association était irrecevable ; elle n'a pas d'intérêt à agir ; son président n'a pas qualité pour agir ; il n'est pas établi que les modalités de l'obligation de notification de la requête ont été respectées ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme est inopérant dès lors que le projet n'est pas une extension de l'urbanisation ;
- les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne sont en tout état de cause pas méconnues ; le projet, en zone Uhc au plan local d'urbanisme, est en continuité de l'agglomération ; selon le SCOT de l'Odet la parcelle appartient à une aire urbaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2024, l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, représentée par Me Varnoux et Me Nadan, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la commune de Bénodet une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la commune de Bénodet ne sont pas fondés ;
- subsidiairement, elle se réfère à ses moyens soulevés dans ses écritures de première instance dont elle produit une copie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Hipeau, substituant Me Le Derf-Daniel, représentant la commune de Bénodet, et les explications de M. C..., pour l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais.
Une note en délibéré, présentée pour l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, a été enregistrée le 15 avril 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 17 août 2020 le maire de Bénodet (Finistère) a délivré à M. D... un permis de construire une maison individuelle et un garage sur une parcelle cadastrée AN 102 p située chemin de Menez Laë. Puis, par une décision implicite, il a rejeté le recours gracieux du 11 septembre 2020 formé par l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais à l'encontre de cet arrêté. Ce permis de construire a ensuite été transféré à M. B... E... par un arrêté du 2 novembre 2021. A la demande de l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, le tribunal administratif de Rennes a annulé, par un jugement du 2 juin 2023, l'arrêté du 17 août 2020 du maire de Bénodet. La commune de Bénodet relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération contestée : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu (...) sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 ; (...). ". Et aux termes de l'article L. 121-8 de ce code : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. (...) ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions que, dans les communes littorales, ne peuvent être autorisées que les constructions réalisées en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions ou, sous certaines conditions, au sein des secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) et délimités par le plan local d'urbanisme, se distinguant des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ou de ces secteurs déjà urbanisés.
4. D'autre part, il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors que ces dispositions sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.
5. Le SCOT de l'Odet approuvé le 6 juin 2012, qui s'applique à la commune littorale de Bénodet, mentionne le seul centre-ville de cette commune au titre des agglomérations et villages. Il identifie par ailleurs le lieu-dit Menez Groaz comme une agglomération comportant des zones d'activité. Ces deux sites, le centre-ville et Menez Groaz, ne sont identifiés sur les cartes figurant dans ce document, dont la " carte de synthèse : mise en œuvre de la loi littoral ", que par des étoiles qui n'en précisent pas les contours. Du reste, le SCOT indique au titre de ses prescriptions que : " Les plans locaux d'urbanisme délimiteront les contours de ces agglomérations et villages en fonction de la densité des constructions existantes. Ils définiront et localiseront les extensions de l'urbanisation en continuité de ces espaces en fonction de leur propre choix d'urbanisme. (...) Les plans locaux d'urbanisme pourront proposer d'autres agglomérations et villages. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette du projet se situe dans le prolongement du centre-ville de Bénodet, identifié par le SCOT de l'Odet comme une agglomération au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, et auquel elle est reliée par plusieurs zones densément construites, supportant notamment des lotissements. Si cette densité se réduit aux abords immédiats du terrain d'assiette du projet, celui-ci est néanmoins bordé au nord et au nord-est par deux parcelles supportant des maisons, et, immédiatement au sud, par une parcelle où un permis de construire devenu définitif a été délivré le 3 décembre 2019. Ces parcelles sont situées dans le prolongement immédiat de plusieurs parcelles supportant des maisons et qui assurent une continuité de l'urbanisation en direction du centre-ville de Bénodet. Ce secteur, comprenant le terrain d'assiette du projet contesté, est d'ailleurs situé en zone Uhc, correspondant aux secteurs destinés à l'habitat et aux activités compatibles avec l'habitat, au plan local d'urbanisme communal. Ce même document prévoit également, à moins de 200 mètres du projet contesté, deux zones d'urbanisation différée, 1AUh, correspondant à des zones à urbaniser, dans le prolongement de la zone Uhc précitée. Dans ces conditions, alors même que la parcelle située sur le flanc ouest du terrain d'assiette supporte une zone humide et est en zone naturelle, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme n'est pas de nature à fonder légalement l'annulation de l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le maire de Bénodet a délivré à M. D... un permis de construire une maison individuelle et un garage.
7. Il résulte tout ce qui précède que la commune de Bénodet est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme pour annuler l'arrêté du 17 août 2020 du maire de Bénodet.
8. Si la cour est saisie en conséquence de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, aucun autre moyen n'a été soulevé par l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais devant le tribunal administratif de Rennes ou devant la cour.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué et d'examiner les autres moyens de la requête, que la commune de Bénodet est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 17 août 2020 de son maire accordant à M. D... un permis de construire une maison individuelle et un garage sur un terrain situé chemin de Menez Laë.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Bénodet.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2005766 du 2 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : L'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais versera à la commune de Bénodet la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bénodet et à l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, à M. B... E... et à M. A... D....
Une copie en sera adressée au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Quimper en application des dispositions de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02033