Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 août 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2102449 du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 août 2024. M. B..., représenté par Me Pollono, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 10 avril 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 14 août 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour mention travailleur ou à défaut de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation de séjour et de travail en attendant qu'il soit statué à nouveau sur sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve du renoncement de son conseil à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- s'agissant de la régularité du jugement : le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la nécessité pour la préfecture de demander des pièces complémentaires ;
- le préfet a omis de demander des pièces complémentaires sur sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen ;
- la décision n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- la décision n'est pas motivée ;
- la décision est entachée d'erreurs de fait ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article 313-11du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnait le droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2025, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que les moyens ne sont pas fondés.
M. A... B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du
1er juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville,
- et les observations de Me Pavy représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malgache, est entré en France en 2004. Il a sollicité, en décembre 2019, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande par un arrêté du 14 août 2020. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 avril 2024 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Ainsi que le soutient le requérant, le tribunal a omis de répondre au moyen invoqué, qui n'a pas été visé dans le jugement attaqué, tiré de ce que le préfet n'a jamais pas procédé à un examen de sa situation personnelle en ne sollicitant pas du requérant la moindre précision ou information s'agissant de son entrée sur le territoire français, de son emploi et de sa présence sur le territoire français. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de la décision du 14 août 2020.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le préfet aurait l'obligation de demander à l'étranger qui a formulé une demande de titre de séjour, des précisions ou des informations quant à sa situation alors qu'il appartient à l'étranger de fournir à l'autorité administrative tout document qu'il estime utile à l'instruction de sa demande.
5. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. B....
6. En troisième lieu, l'arrêté attaqué du 14 aout 2020 vise notamment les dispositions des articles L. 313-11, L. 313-14 et L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les considérations pour lesquelles l'autorité administrative a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour. La décision attaquée comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivée.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-2 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... a produit des éléments attestant de sa présence ponctuelle en France depuis 2007, ces pièces, constituées pour l'essentiel de documents médicaux, ne suffisent pas à attester que l'intéressé réside de manière stable et continue en France depuis dix ans à la date de la décision attaquée. De même, les attestations familiales dont il se prévaut ne permettent pas d'établir eu égard au caractère général et imprécis des éléments qui y sont mentionnés que M. B... aurait été présent de manière stable et continue sur le territoire français depuis dix ans à la date de la décision attaquée. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû saisir la commission de titre de séjour avant de refuser son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
9. En cinquième lieu, M. B..., la circonstance que la décision attaquée mentionne une date erronée d'entrée en France de l'intéressé ne constitue qu'une simple erreur matérielle et est sans incidence sur sa légalité. Par ailleurs, si l'arrêté attaqué ne mentionne pas la présence des frères du requérant sur le territoire, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas pris en compte cette circonstance, dont il n'avait au demeurant pas à faire état dès lors que la décision attaquée n'est pas fondée sur cette considération.
10. En sixième lieu, il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet de la Loire -Atlantique a bien apprécié la demande de M. B... au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
12. Il résulte de ces dispositions qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'un titre portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont il ferait état à l'appui de sa demande, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
13. En l'espèce, M. B... a produit des pièces médicales et des attestations de proches et, en particulier de ses frères faisant état de l'aide matérielle qu'ils ont pu lui apporter en l'hébergeant et des relations qu'ils ont entretenues. Cependant, ces documents ne caractérisent pas l'existence de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si M. B... se prévaut de sa présence en France depuis 2004 et d'une promesse d'embauche pour un contrat à durée déterminée de six mois en qualité de technicien en mécanique, cet élément n'est pas de nature à caractériser une circonstance exceptionnelle au sens des mêmes dispositions alors que M. B... ne soutient pas avoir exercé une activité professionnelle depuis son arrivée en France. Par suite, le préfet de la Loire-Atlantique a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de délivrer un titre de séjour à M. B....
14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ".
15. Si M. B... se prévaut de la présence de ses frères sur les territoire français et des relations qu'il entretient avec eux, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ses conditions de séjour depuis son entrée sur le territoire, et alors qu'il est par ailleurs célibataire et sans enfant et a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans dans son pays d'origine, que la décision portant refus de titre de séjour aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 14 aout 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais de justice doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 avril 2024 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et la demande de M. B... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0266902