Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du
18 août 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 2315110 du 10 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Philippon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 août 2023 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 25 euros par jour de retard ou subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme globale de
4 500 euros au titre de l'instance introduite devant le tribunal administratif de Nantes et de l'instance introduite devant la cour, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve pour ce conseil de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ainsi que d'une somme de 13 euros au titre des droits de plaidoirie.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- l'expédition du jugement n'est pas signée ;
- les premiers juges ont omis de répondre à la branche du moyen tiré de l'incompétence de l'autorité préfectorale pour prendre la décision de refus de titre de séjour ;
- le jugement est entaché de contradiction dans ses motifs ;
S'agissant de l'arrêté dans son ensemble :
- il n'est pas établi qu'il a été signé par une autorité compétente ;
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale ;
- il justifie de circonstances nouvelles faisant obstacle à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 30 septembre 2022 et qui impose au préfet de réexaminer sa situation administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2025, le préfet de la
Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- et les observations de Me Philippon, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 18 septembre 1992, déclare être entré en France en mai 2014. Le 28 septembre 2022, il a conclu un pacte de solidarité civil avec une ressortissante française née le 14 avril 1995. Il a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique un titre de séjour fondé sur l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 18 août 2023 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. B... relève appel du jugement du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 741-8 du même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du même code et du premier alinéa de l'article R. 741-8, les signatures du président-rapporteur de la formation de jugement, du premier conseilleur assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau et de la greffière d'audience.
Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
4. En deuxième lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, dans l'hypothèse où le jugement est, comme le soutient le requérant, entaché de contradiction dans ses motifs susceptible d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, cette erreur resterait, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.
5. En troisième lieu, il ressort de la motivation du jugement attaqué que le tribunal a omis de répondre au moyen soulevé devant lui par M. B... et qui n'était pas inopérant, tiré de ce que l'autorité préfectorale n'a pas établi sa compétence pour prendre la décision portant refus de séjour et celle fixant le pays de renvoi au regard des articles R. 431-20 et R. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à compter du 1er mai 2021. Il suit de là que M. B... est fondé, à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
M. B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour et de celle fixant le pays de destination. Il y a lieu de de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions présentées par M. B... devant la cour tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. B... justifie de sa présence sur le territoire français depuis 2016 et de sa relation avec une ressortissante française depuis février 2015 avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 28 décembre 2022. Il établit également l'existence de tentatives de fécondations in vitro démontrant leur projet d'enfant depuis 2019. Il est constant que l'intéressé a été condamné par la Cour d'appel de Rennes, le 9 décembre 2022, à une peine de quatre ans d'emprisonnement avec deux ans de sursis probatoire pour des faits d'usage, de détention, de transport et de cession non autorisée de stupéfiants, s'étant déroulés entre le 16 septembre 2019 et le 18 janvier 2021.
Si les faits commis par M. B... sont d'une réelle gravité, la Cour d'appel a également assorti la peine d'un sursis probatoire de deux ans dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été révoqué. M. B... a par ailleurs exercé une activité salariée pendant sa détention. Eu égard aux circonstances particulières de l'espèce et en l'absence de signalement portant sur des faits récents, le préfet, en refusant de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il sollicitait, au motif que son comportement constituait une menace à l'ordre public, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui est nécessaire à la défense de l'ordre public et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence.
9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que l'arrêté du 18 août 2023 doit être annulé.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Philippon, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Philippon de la somme de 1 500 euros, droit de plaidoirie compris.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2315110 du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté en date du 18 août 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Philippon, avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Philippon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT02325 2
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