Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus implicite d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n°2406524 du 19 novembre 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2024 sous le n° 24NT03421, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2024 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes.
Il soutient que M. B... peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 1° et du 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les dispositions de l'article L. 435-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Cohadon, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un certificat de résidence d'algérien temporaire ou de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le moyen soulevé par le préfet n'est pas fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2025.
II- Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2024 sous le n° 24NT03422, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement n° 2406524 du 19 novembre 2024 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes.
Il soutient que ses moyens d'appel sont sérieux et de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Cohadon, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés.
Par un courrier du 14 février 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation d'une décision implicite de rejet d'un refus de titre de séjour en tant qu'elles sont dirigées contre une décision inexistante.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2025.
Le 19 mars 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête eu égard à la délivrance à l'intéressé d'un certificat de résidence d'algérien.
Par un mémoire enregistré le 21 mars 2025, M. B... a précisé que le certificat de résidence d'algérien concerne le père du requérant et non ce dernier.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brisson,
- et les observations de Me Cohadon pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 29 octobre 1995 à Ain Taya (Algérie), déclare être entré irrégulièrement en France le 7 mai 2018. Par un arrêté du 25 octobre 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 19 novembre 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel de ce jugement.
Sur la requête n° 24NT03421 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté contesté, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a retenu que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'avait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... dès lors que l'arrêté mentionne que l'intéressé n'avait pas sollicité de titre de séjour, alors même qu'il avait entrepris une telle démarche deux jours auparavant.
4. Toutefois, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui se trouve notamment dans le cas mentionné au 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est constant que M. B..., qui est entré irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, entrait dans le cas visé au 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut prononcer une obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet, qui, avant de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M B... a tenu compte de la durée de sa présence en France, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un droit au séjour, a procédé à l'examen qui lui incombe du droit au séjour de l'intéressé et a ainsi pu constater qu'il n'entrait pas dans les cas dans lesquels il peut bénéficier de l'attribution de plein droit d'une autorisation de séjour au sens du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés du 25 octobre 2024, au motif que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas été précédée d'un examen particulier de la situation de M. B....
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M B... :
S'agissant du refus allégué de titre de séjour :
6. Aux termes de l'article R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 432-2 du même code : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R. 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois (...) ".
7. M. B... a présenté une demande de titre de séjour reçue par la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 23 octobre 2024. Dès lors, aucune décision implicite de rejet n'était née le 25 octobre 2024, date à laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris l'arrêté contesté portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, en l'absence de décision, les conclusions présentées contre ce refus de titre de séjour sont irrecevables.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Ainsi qu'il a été dit, la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français est fondée sur les 1° et 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où, d'une part, M. B... n'établit pas la régularité de son entrée et de son séjour sur le territoire français et où, d'autre part, il a travaillé sans être titulaire d'une autorisation de travail. Par suite, le préfet pouvait obliger M. B... à quitter le territoire français.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :
9. La décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., après avoir été destinataire, le 29 décembre 2016, d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris à son encontre par le préfet d'Ille et-Vilaine, est retourné en Algérie avant d'entrer de nouveau sur le territoire français le 7 mai 2018 selon ses déclarations. Il s'y s'est ensuite maintenu en situation irrégulière.
11. M. B... ne justifie pas, par les pièces versées au dossier, de la réalité des liens qu'il entretient avec les membres de sa famille dont il allègue la présence sur le territoire français. L'intéressé, célibataire et sans enfant à charge, n'établit être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Dès lors, M. B..., à qui aucun délai de départ volontaire n'a été accordé, ne peut être regardé comme faisant état de circonstances humanitaires susceptibles de justifier que l'autorité administrative ne prononce pas une interdiction de retour et, dès lors, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Par ailleurs, le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui s'est fondé sur ces mêmes éléments caractérisant la situation de M. B... pour prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
13. La décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision assignant M. B... à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés du 25 octobre 2024, lui a enjoint de réexaminer sa situation et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la requête n° 24NT03422 :
15. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 19 novembre 2024. Par suite, les conclusions de la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine enregistrée sous le n° 24NT03422 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur la requête n° 24NT03422 du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2406524 du 19 novembre 2024 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes.
Article 2 : Le jugement n° 2406524 du 19 novembre 2024 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2025.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON
Le président-assesseur,
G-V. VERGNE
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 24NT03421, 24NT034222