Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... et M. H..., agissant en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants C... et B..., ainsi que leur fille majeure J... H... F..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier de Saumur à leur verser la somme globale de 760 966,24 euros assortie des intérêts capitalisés en réparation de leurs préjudices résultant du retard de diagnostic et de soins de l'accident vasculaire cérébral dont Mme F... a été victime le 10 juin 2016.
Par un jugement n° 1913976 du 4 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier de Saumur à verser :
- à Mme F... :
* la somme de 88 658,32 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation,
* une rente annuelle de 1 519 euros sous déduction des prestations compensant son handicap,
* une indemnité mensuelle pour perte de revenus correspondant à la différence entre la somme de 1 429,11 euros et sa pension d'invalidité, l'allocation adulte handicapée et ses éventuels revenus,
- à M. H... : la somme de 5 625,32 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation,
- à M. et Mme F... H... : la somme de 140 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, au titre de leurs frais divers,
- à leurs trois filles : la somme de 3 600 euros chacune, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;
- à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique :
* la somme de 22 224,90 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation,
* le remboursement des dépenses de santé futures de Mme F... dans la limite d'un taux de perte de chance de 40 %
* ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 191 euros ;
- et a rejeté le surplus des conclusions des demandeurs.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée sous le n° 24NT00661 le 4 mars 2024, Mme F..., représentée par Me Raffin, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 janvier 2024 en ce qu'il concerne certains postes de préjudices ;
2°) de porter la somme de 88 658,32 euros que le centre hospitalier de Saumur a été condamné à lui verser à 342 626,33 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saumur le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne ses préjudices patrimoniaux permanents :
- son déficit fonctionnel temporaire sera évalué à 9 642,50 euros sur la base d'une indemnisation de 25 euros par jour ;
- son état nécessite une assistance par une tierce personne à hauteur d'une heure par jour dès lors qu'elle demeure atteinte de troubles neurologiques sévères et n'est absolument plus autonome dans les actes de la vie courante ; elle est en conséquence fondée à demander une somme de 297 726 euros en réparation de ce préjudice ;
- elle est fondée à solliciter la somme de 224 268,65 euros en réparation de ses pertes de gains professionnels futurs ;
- l'indemnisation accordée au titre de l'incidence professionnelle est très largement sous-évaluée compte tenu de l'ampleur des séquelles qu'elle conserve et de leur répercussion sur son activité professionnelle ; elle doit être portée à 50 000 euros ;
- en rejetant sa demande d'indemnisation de sa perte de droits à la retraite au motif qu'elle n'était pas encore admise à la retraite, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit ; ce préjudice présente un caractère certain dans la mesure où son invalidité et la baisse consécutive de ses revenus entraîneront nécessairement une perte de droits à la retraite ; ce préjudice sera évalué à 206 150 euros ;
- elle justifie de frais divers pour un montant de 778,68 euros ;
En ce qui concerne ses préjudices extrapatrimoniaux permanents :
- l'évaluation de son déficit fonctionnel permanent est sous-estimée ; elle sera fixée à 56 000 euros ;
- elle est recevable à demander 6 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément dès lors qu'elle se trouve dans l'impossibilité de pratiquer les activités sportives et de loisir qu'elle exerçait avant ;
- compte tenu de son âge à la date de sa consolidation et du retentissement de son accident vasculaire cérébral (AVC) sur sa vie de couple elle est fondée à solliciter 6 000 euros au titre de son préjudice sexuel ;
- M. H... est recevable à solliciter le remboursement de frais kilométriques à hauteur de 1 090,56 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2024, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), représenté par Me Ravaut, conclut à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il l'a mis hors de cause.
Il soutient que :
- Mme F... ne formule aucune demande à son encontre ;
- il n'existe ainsi aucun élément permettant d'estimer que Mme F... aurait été victime d'un accident médical non fautif.
Par des mémoires, enregistrés les 26 mars et 17 octobre 2024, le centre hospitalier de Saumur, représenté par Le Prado, conclut au rejet de la requête présentée par Mme F... et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique.
Il soutient que :
- Mme F... ayant seule interjeté appel du jugement dans la présente instance, les consorts H... ne sauraient obtenir une majoration des indemnités qui leur ont été allouées en première instance ;
- les moyens soulevés par l'intéressée ne sont pas fondés ;
- sa perte de chance ne saurait excéder 25 % ainsi qu'il l'a établi dans son mémoire complémentaire produit dans l'instance 24NT00664 ;
- le jugement attaqué sera réformé en tant qu'il a indemnisé le déficit fonctionnel temporaire de Mme F... à hauteur de 2 229,90 euros sans tenir compte de la capsulite dont elle souffrait ;
- le jugement sera réformé en ce qu'il indemnise l'assistance par une tierce personne après la consolidation sur la base de quatre heures par semaine ;
- c'est à tort que les premiers juges ont indemnisé des pertes de gains professionnels futurs dès lors que Mme F... n'est pas inapte à l'exercice d'une activité professionnelle et que même en l'absence de tout AVC, elle n'aurait pas pu reprendre son activité de manutentionnaire ; à tout le moins, cette indemnité doit être ramenée à de plus justes proportions ;
- le jugement attaqué sera annulé en tant qu'il indemnise les sommes versées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique en compensation des pertes de gains professionnels actuels et futurs de Mme F... ; les indemnités journalières qu'elle a versées ne peuvent être considérées comme en lien avec les séquelles de son AVC ; de plus, la caisse a renoncé à l'indemnité de 758,63 euros ;
Par un mémoire enregistré le 5 avril 2024, Mme F..., M. H..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs filles mineures, C... et B..., ainsi que leur fille aînée J..., représentés par Me Raffin, concluent aux mêmes fins que la requête présentée par Mme F..., par les mêmes moyens. Ils sollicitent en outre le rejet des conclusions du centre hospitalier de Saumur.
Ils soutiennent que :
- le centre Hospitalier de Saumur, qui a commis un manquement fautif dans la prise en charge de Mme F..., ne conteste plus le principe de sa responsabilité ;
- la circonstance que le centre hospitalier n'a pas documenté l'heure d'apparition des symptômes présentés par Mme F..., ne peut lui préjudicier, et démontrer une absence de perte de chance d'échapper aux séquelles qu'elle conserve.
Par des pièces communiquées le 17 juillet 2024, et un mémoire enregistré le 18 juillet 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, représentée par Me Tinot, conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité son indemnisation à 22 224,90 euros et à 40 % des dépenses futures qui seront engagées pour Mme F.... Elle demande à la cour de condamner le centre hospitalier de Saumur à lui verser une somme globale de 59 650,74 euros avec intérêts et capitalisation et une indemnité forfaitaire de gestion de 1 191 euros et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle justifie du montant de ses dépenses.
Par un courrier du 27 janvier 2025, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées pour la première fois en appel par Mme F... tendant à l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels antérieures au 1er janvier 2019 et de l'irrecevabilité des conclusions de la CPAM tendant à ce que le centre hospitalier de Saumur lui verse une somme supérieure à celle qu'il lui doit.
Par un mémoire enregistré le 10 février 2025, le centre hospitalier de Saumur, conclut au maintien de ses précédentes écritures.
Il soutient en outre que :
- Mme F... n'a demandé devant le tribunal administratif l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels qu'au-delà du 1er janvier 2019 ; ses conclusions tendant à l'indemnisation de ce préjudice pour la période du 11 juin 2018 au 1er janvier 2019 sont dès lors irrecevables ;
- les débours de la CPAM ne peuvent être mis à sa charge en l'absence de lien de causalité direct et certain avec la faute qui lui est imputable et en l'absence de justificatifs établissant que ces frais, et notamment les dépenses de santé futures échues, ont été exposés.
Par un mémoire, enregistré le 19 février 2025, la CPAM de la Loire-Atlantique, représentée par Me Thomas-Tinot, soutient qu'elle justifie de ses débours résultant du versement à Mme F... d'une rente d'invalidité de 6 081,68 euros par an depuis le 1er février 2019.
II - Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 24NT00664 les 4 et 26 mars et 7 et 28 octobre 2024, le centre hospitalier de Saumur, représenté par Me Le Prado, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 janvier 2024 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;
2°) de rejeter la demande et les conclusions présentées par les consorts I... et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la perte de chance de Mme F... d'éviter la dégradation de son état de santé ne peut être fixée à 40 % ; si on tient compte de l'âge de l'intéressée, du délai et du score NIHSS à 5, on peut estimer que si elle avait été thrombolysée le 10 juin 2016 vers 21 h 20, elle aurait eu seulement 22 à 26 % de chance d'avoir une meilleure évolution de son ataxie cérébelleuse ; la circonstance que l'heure exacte des premiers symptômes n'a pu être déterminée doit également être prise en compte dans l'évaluation de la perte de chance, laquelle ne peut donc être supérieure à 25 % ;
- la caisse primaire d'assurance maladie ne saurait obtenir le remboursement des frais médicaux et pharmaceutiques actuels et futurs qu'elle réclame, en l'absence de lien direct et certain établi avec la faute médicale en litige alors qu'il est constant que Mme F... souffrait avant son AVC d'une capsulite à l'épaule droite ;
- c'est à tort que les pertes de gains professionnels actuels de Mme F... ont été évaluées à 10 497,41 euros et à 758,63 euros pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire- Atlantique dès lors qu'elles ne peuvent être considérées comme en lien avec les séquelles de l'AVC ; il ne peut être admis que l'intéressée aurait repris son activité professionnelle à la date du 1er mai 2017 dès lors que les arrêts de travail qui lui ont été prescrits après cette date se rapportent à sa pathologie de l'épaule ; ses pertes de gains professionnels actuels doivent être considérés comme en lien avec la capsulite dont elle souffrait ; en outre, le montant total de ce poste de préjudice s'élève à 18 890,69 euros, et non à 28 140,09 euros et la somme maximale pouvant être mise à sa charge, compte tenu du taux de perte de chance retenu de 40 %, s'élève à 7 556,27 euros, soit 1 248,01 euros à verser à Mme F... et 6 308,26 euros à la caisse primaire d'assurance maladie ;
- ni l'expert, ni le tribunal, n'ont pris en compte la circonstance que du 10 juin 2016 au 10 juin 2018, Mme F... souffrait d'une capsulite à l'origine de scapulalgies à l'épaule droite, qui ont nécessairement été à l'origine d'un déficit fonctionnel temporaire partiel ;
- le préjudice esthétique permanent de Mme F... ne saurait excéder 400 euros après application du pourcentage de perte de chance de 40 % ;
- les dépenses de santé futures de Mme F... en lien avec la capsulite dont elle souffrait ne peuvent être mises à sa charge, de plus, même en l'absence de tout manquement, Mme F... reste exposée à un risque de récidive de son AVC et donc à un suivi médical et un traitement médicamenteux ; par ailleurs, sa consolidation étant survenue en 2018, il n'est pas justifié que la caisse produise une simple estimation arrêtée au mois de mai 2020 et non un relevé des débours réellement exposés au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et de transport ;
- les besoins d'assistance par une tierce personne de Mme F... après sa consolidation doivent être réduits à 2 heures par semaine ;
- les pertes de gains professionnels futurs ne sont indemnisées que si la victime est dans l'incapacité de retrouver tout travail et que cette incapacité est en lien direct avec le manquement fautif or, même en l'absence de tout AVC, Mme F... n'aurait pas pu reprendre son activité de manutentionnaire en raison de sa pathologie de l'épaule droite ; de plus, l'intéressée n'est pas inapte à l'exercice de toute activité professionnelle et peut être reclassée sur un autre poste ;
- pour les mêmes motifs l'intéressée ne peut être indemnisée au titre de l'incidence professionnelle ; de plus, l'indemnité allouée devra être ramenée à de plus justes proportions ;
- la caisse primaire d'assurance maladie a déjà perçu l'indemnité forfaitaire de gestion en première instance.
Par des mémoires enregistrés les 18 avril et 17 octobre 2024, Mme F..., M. H..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs filles mineures, C... et B..., ainsi que leur fille aînée J..., représentés par Me Raffin, concluent au rejet de la requête du centre hospitalier de Saumur, aux mêmes fins que dans la requête présentée par Mme F..., par les mêmes moyens. Ils demandent à la cour de mettre la somme de 3 000 euros à la charge du centre hospitalier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le centre hospitalier de Saumur ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2024, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), représenté par Me Ravaut, conclut à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il l'a mis hors de cause.
Il soutient que :
- aucune demande indemnitaire n'est présentée à son encontre ;
- il n'existe ainsi aucun élément permettant d'estimer que Mme F... aurait été victime d'un accident médical non fautif.
Par un mémoire enregistré le 23 octobre 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, représentée par Me Tinot, conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité son indemnisation à 22 224,9 euros et à 40 % des dépenses futures qui seront engagées pour Mme F.... Elle demande à la cour de condamner le centre hospitalier de Saumur à lui verser une somme globale de 59 650,74 euros avec intérêts et capitalisation et une indemnité forfaitaire de gestion de 1 191 euros et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle justifie du montant de ses dépenses.
Par un courrier du 27 janvier 2025, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées pour la première fois en appel par Mme F... tendant à l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels antérieures au 1er janvier 2019 et de l'irrecevabilité des conclusions de la CPAM tendant à ce que le centre hospitalier de Saumur lui verse une somme supérieure à celle qu'il lui doit.
Par un mémoire enregistré le 31 janvier 2025, Mme F..., représentée par Me Raffin, demande à la cour de ne pas retenir le moyen d'ordre public mentionné ci-dessus.
Elle soutient qu'elle a demandé devant le tribunal administratif l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels pour la période du 1er mai 2017 au 31 décembre 2018.
Par un mémoire enregistré le 10 février 2025, le centre hospitalier de Saumur, représenté par Me Le Prado conclut au maintien de ses précédentes écritures.
Il soutient en outre que :
- Mme F... n'a demandé devant le tribunal administratif l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels qu'au-delà du 1er janvier 2019 ; ses conclusions tendant à l'indemnisation de ce préjudice pour la période du 11 juin 2018 au 1er janvier 2019 sont dès lors irrecevables ;
- les débours de la CPAM ne peuvent être mis à sa charge en l'absence de lien de causalité direct et certain avec la faute qui lui est imputable et en l'absence de justificatifs établissant que ces frais, et notamment les dépenses de santé futures échues, ont été exposés.
Par un mémoire, enregistré le 19 février 2025, la CPAM de la Loire-Atlantique, représentée par Me Thomas-Tinot, soutient qu'elle justifie de ses débours résultant du versement à Mme F... d'une rente d'invalidité de 6 081,68 euros par an depuis le 1er février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,
- les observations de Me Berthou, substituant Me Raffin, représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Le 10 juin 2016 à 18 h 24, Mme F..., née en 1973, a été admise au centre hospitalier de Saumur à la suite d'une perte de connaissance, de nausées et de douleurs au cou et à la tête. Une intolérance à un médicament a alors été suspectée. Son état de santé s'aggravant, un scanner a toutefois été réalisé le 12 juin à 13 h. Il a permis de diagnostiquer un accident vasculaire cérébral (AVC). L'intéressée a été transférée au centre hospitalier universitaire d'Angers, où elle a été prise en charge à 14 h 50. Mme F..., qui conserve des séquelles lourdes de cet AVC, ainsi que son conjoint, M. H..., et leurs trois filles, ont saisi la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI), qui a ordonné une expertise. Le docteur E..., neurologue, a remis son rapport le 5 mars 2019. La CCI a suivi les conclusions de l'expert et considéré que la prise en charge de Mme F... n'avait pas été conforme aux données acquises de la science et que l'intéressée avait perdu une chance de 40 % d'échapper aux séquelles qu'elle conserve. Le centre hospitalier et son assureur ayant refusé d'indemniser Mme F... et ses proches, ces derniers ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de cet établissement à leur verser la somme globale de 752 966,24 euros, assortie des intérêts capitalisés, en réparation de leurs préjudices. Par un jugement du 4 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a considéré que le centre hospitalier avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité et que Mme F... avait perdu une chance de 40 % d'éviter la dégradation de son état de santé. Il a condamné le centre hospitalier de Saumur à verser à Mme F... la somme globale de 88 658,32 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, une rente annuelle de 1 519 euros sous déduction des prestations compensant son handicap, et une indemnité mensuelle pour perte de revenus correspondant à la différence entre la somme de 1 429,11 euros et sa pension d'invalidité, l'allocation adulte handicapé et ses éventuels revenus. Les premiers juges ont également condamné le centre hospitalier à indemniser M. H..., le couple et chacune de leurs trois filles, à hauteur des sommes respectives de 5 625,32 euros, 140 euros et 3 600 euros, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Enfin, le centre hospitalier de Saumur a été condamné à rembourser les débours de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique à hauteur de la somme de 22 224,90 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, ainsi que les dépenses de santé futures qu'elle engagera pour Mme F... dans la limite du taux de perte de chance de 40 %. Dans l'instance n°24NT00661, Mme F... relève appel de ce jugement et demande à la cour de porter la somme mise à la charge du centre hospitalier de Saumur à 342 626,33 euros. Dans l'instance n°24NT00664, le centre hospitalier fait appel du même jugement. Il ne conteste pas le principe de sa responsabilité mais le taux de perte de chance de 40 % retenu par les premiers juges qu'il demande à la cour de ramener à 22 ou 26 % ainsi que l'évaluation de certains préjudices. Dans ces deux instances, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique demande à la cour de porter son indemnisation à 59 650,74 euros.
2. Ces deux recours sont dirigés contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour se prononcer par un même arrêt.
Sur le taux de perte de chance :
3. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel, déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. Dans le cas où la réparation, fondée sur un pourcentage représentatif d'une perte de chance, est partielle, la somme que doit réparer le tiers responsable au titre d'un poste de préjudice doit être attribuée par préférence à la victime, le solde étant, le cas échéant, attribué aux tiers subrogés.
4. Dans sa requête d'appel n° 24NT00664, le centre hospitalier de Saumur conteste le taux de perte de chance de Mme F... d'éviter la dégradation de son état de santé, fixé à 40 % par les premiers juges. Si dans son mémoire du 7 octobre 2024, il ne répond qu'aux seules conclusions incidentes présentées par les consorts I..., il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutiennent ces derniers, que le centre hospitalier aurait entendu renoncer à la remise en cause du taux de perte de chance retenu par le tribunal administratif.
5. Il est constant que l'apparition des premiers symptômes de l'AVC dont a été victime Mme F... n'a pas été documenté par le centre hospitalier de Saumur lors de son admission aux urgences, le 10 juin 2016 à 18h24. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment de sa réponse à une mesure d'instruction ordonnée par le tribunal administratif, que l'intéressée s'est rendue vers 16h30 à l'école où étaient scolarisées ses filles, en compagnie de son conjoint, et qu'elle a perdu connaissance peu de temps après, vers 17 heures. L'apparition des premiers symptômes de son infarctus cérébral peut donc être fixée à cette heure, soit 1h30 avant son arrivée aux urgences du centre hospitalier. En prenant en compte le temps nécessaire au diagnostic et à la réalisation en urgence d'un scanner cérébral, évalué unanimement à environ 1 heure, à son transfert vers le centre hospitalier d'Angers aurait ainsi pu être décidé vers 19h30. Il n'est pas contesté en effet qu'en 2016, le centre hospitalier de Saumur n'était équipé, ni d'un dispositif de " télé-AVC ", qui permet à un service d'urgence ne disposant pas de l'expertise neuro-vasculaire d'échanger rapidement et efficacement avec des médecins d'une unité neuro-vasculaire (UNV), ni des équipements permettant de réaliser des examens d'imagerie par résonnance magnétique (IRM). Compte tenu du délai nécessaire à l'organisation du transport de cette patiente au centre hospitalier universitaire d'Angers par un véhicule du service d'aide médicale d'urgence (SAMU) et de la durée du trajet pour rejoindre cet établissement depuis le centre hospitalier de Saumur, il peut être estimé que l'intéressée serait arrivée au centre hospitalier universitaire d'Angers aux environs de 21 heures. Si le centre hospitalier de Saumur fait valoir qu'il faut également tenir compte de la durée nécessaire à l'équipe médicale du centre hospitalier universitaire d'Angers pour confirmer le diagnostic et préparer le traitement par thrombolyse qui aurait alors pu être dispensé à Mme F..., il résulte de l'instruction qu'au moment où les résultats du scanner ont été connus, les médecins du centre hospitalier de Saumur se sont immédiatement rapprochés de leurs collègues du centre hospitalier universitaire d'Angers en leur transférant les données médicales dont ils disposaient et notamment les clichés du scanner. De ce fait, et eu égard à l'urgence absolue que constitue cette pathologie, Mme F... aurait pu bénéficier d'une thrombolyse dans un délai inférieur à 4 heures 30 après l'apparition des premiers symptômes de son AVC conformément aux recommandations de la Haute Autorité de Santé. Elle a ainsi perdu une chance de bénéficier de ce traitement destiné à réduire les risques de séquelles d'un AVC.
6. Dans son rapport d'expertise, après avoir examiné Mme F... et analysé les pièces de son dossier médical, le docteur E... a estimé qu'elle avait perdu une perte de chance de 40 % d'échapper aux séquelles qu'elle conserve " compte tenu du pourcentage d'efficacité retenue de la thrombolyse appliquée dans les 3 à 4h suivant la survenue de l'accident ischémique ". Pour contester ce taux de perte de chance retenu par le tribunal administratif, le centre hospitalier de Saumur se prévaut d'un rapport réalisé, sur dossier, à la demande de son assureur, par le docteur G.... Ce médecin indique qu'en juin 2016 aucune étude scientifique n'avait encore montré le bénéfice de la thrombolyse intraveineuse guidée par IRM. Il en déduit que " sans horaire de début précis Mme F... ne pouvait pas être thrombolysée en juin 2016 ". Cette allégation est contredite par les recommandations de la Haute Autorité de Santé validées dès 2009 selon lesquelles : " La thrombolyse intraveineuse par rt-PA des infarctus cérébraux est recommandée jusqu'à 4 heures 30 après l'apparition des premiers symptômes d'infarctus cérébral (hors AMM). Elle doit être effectuée le plus précocement possible (grade A). ". De plus, ce médecin se réfère lui-même à une étude réalisée au cours de l'année 2014. Selon les résultats de cette étude, pour une thrombolyse pratiquée entre 3 et 4h30, la perte de chance est de 26 % et, lorsque le score NIHSS (qui par un système de cotation de 0 (patient sain) à 42 permet d'évaluer la gravité d'un AVC), est compris entre 5 et 10, ce taux est de 22 %. Toutefois, cette étude montre également que pour un patient présentant un score NIHSS compris entre 0 et 4, ce taux d'échapper à des séquelles importantes est de 48 %. Or, il est constant que Mme F... présentait un score NIHSS de 5, donc très proche de la première fourchette d'évaluation. De son côté, l'intéressée se prévaut d'une analyse effectuée à sa demande, également sur dossier, par le professeur A..., expert neurologue auprès des tribunaux, qui fait référence à une étude dénommée " Cochrane " réalisée en 2014. Cette étude permet de constater que les patients qui ont bénéficié d'une thrombolyse dans les délais appropriés ont une chance d'échapper à des séquelles graves de 30 %. Ce professeur estime cependant que Mme F... a perdu une chance " plus importante " qu'il évalue, comme l'expert désigné par la CCI, à 40 %. Le docteur G... admet en effet lui-même que l'évaluation de la perte de chance doit tenir compte à la fois du délai écoulé entre l'apparition de l'AVC et la thrombolyse, et de la gravité de cet AVC, et donc du score NIHSS établi par les médecins. Or, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, Mme F..., qui a été victime d'un infarctus cérébelleux gauche, sans dissection, ni occlusion vertébrale, responsable d'une ataxie cérébelleuse, présentait un score NIHSS de 5. Par ailleurs, il est constant que cette patiente, qui était âgée de 43 ans seulement, ne présentait aucun antécédent particulier, ni facteur de risques. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le centre hospitalier de Saumur n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant à 40 % le taux de perte de chance pour Mme F... d'éviter la dégradation de son état de santé, le tribunal administratif aurait fait une inexacte appréciation de sa situation.
Sur les préjudices patrimoniaux temporaires :
En ce qui concerne les pertes de gains professionnels :
7. Le centre hospitalier fait valoir qu'à la date de son AVC, Mme F... était placée en arrêt de travail en raison d'une capsulite à l'épaule droite et que des arrêts de travail lui ont été prescrits pour cette pathologie après son AVC. Il est constant que Mme F..., qui reste atteinte à la suite de son AVC d'un équilibre précaire, accomplit l'ensemble de ses gestes avec " une très grande lenteur " et présente des troubles de la mémoire à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent évalue par l'expert médical à 25 %. S'il résulte de l'instruction que les arrêts de travail qui lui ont été prescrits au cours des années 2017 et 2018 étaient en lien avec sa pathologie de l'épaule, en revanche, les arrêts de travail compris entre le 23 juin et le 10 novembre 2016 ne se rapportent pas à son accident initial du 30 octobre 2015 mais à son AVC. Par suite, et alors même que l'expert judiciaire a indiqué que la pathologie neurologique en litige avait entraîné pour Mme F... une perte d'aptitude à exercer son métier de manutentionnaire, sans exclure un reclassement dans une activité sédentaire, il y a lieu de considérer que seules les pertes de gains professionnels subies par l'intéressée durant cette période de cinq mois sont imputables au centre hospitalier. Compte tenu du revenu annuel de 17 152 euros qu'elle percevait avant son hospitalisation, et du taux de perte de chance de 40 % retenu, le centre hospitalier de Saumur versera à la requérante une somme de 2 940 euros au titre de ses pertes de gains professionnels antérieures à la consolidation de son état de santé.
8. Il résulte de ce qui précède, et en l'absence de contestation des autres préjudices patrimoniaux temporaires indemnisés par le tribunal administratif, que la somme globale de 15 502,19 euros (mentionnée au point 24 du jugement attaqué) que le centre hospitalier de Saumur a été condamné à verser à Mme F... en réparation de ces préjudices doit être ramenée à 7 944,78 euros.
Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire (DFT) :
9. Ainsi que l'a relevé le docteur E..., expert judiciaire, Mme F... aurait été hospitalisée même sans faute du centre hospitalier de Saumur environ une douzaine de jours en raison de l'AVC qu'elle a subi. Par suite, l'indemnisation de son incapacité totale durant ses séjours au centre hospitalier de Saumur, puis au centre hospitalier universitaire d'Angers, entre le 10 juin 2016 et le 21 juin 2016, date à laquelle elle a pu regagner son domicile, ne peut être mise à la charge du centre hospitalier. Il n'est pas contesté en revanche, qu'elle a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire total du 9 janvier 2017 au 7 avril 2017 lors de son hospitalisation au centre de rééducation des Capucins d'Angers et de 50 % lors de son hospitalisation de jour dans ce même établissement du 8 avril 2017 au 28 juillet 2017. Lors de ses retours à domicile, du 22 juin 2016 au 8 janvier 2017, et, du 29 juillet 2017 au 10 juin 2018, date de sa consolidation, son incapacité partielle était respectivement de 60 et 35 %. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel partiel de Mme F... en le fixant à la somme de 8 284 euros, calculée sur la base d'un tarif journalier moyen sur toute la période concernée de 22 euros par jour. Cette somme sera ramenée, compte tenu du pourcentage de perte de chance imputable au centre hospitalier de Saumur, à 3 320 euros.
En ce qui concerne le préjudice esthétique temporaire de Mme F... :
10. Le préjudice esthétique temporaire de Mme F... a été évalué par l'expert à 3,5 sur une échelle de 1 à 7. Par suite, il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, à la somme de 2 400 euros.
11. Il résulte de ce qui précède, et en l'absence de contestation des autres préjudices extrapatrimoniaux temporaires indemnisés par le tribunal administratif, que la somme globale de 9 529,90 euros, mentionnée au point 29 du jugement attaqué, que le centre hospitalier de Saumur a été condamné à verser à Mme F... en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux temporaires doit être portée à la somme de 10 220 euros, qui n'inclut pas son préjudice esthétique permanent, lequel sera examiné ci-dessous.
Sur les préjudices patrimoniaux permanents :
En ce qui concerne les frais d'assistance par une tierce personne après consolidation :
12. Il résulte de l'instruction et notamment des conclusions de l'expert désigné par la CCI, que les besoins d'assistance par une tierce personne de Mme F... ont été évalués à 2 heures par semaine après sa consolidation. Par suite, sur la base d'un taux horaire moyen de 15,39 euros pour l'ensemble de la période concernée jusqu'à la date du présent arrêt, et après prise en compte du taux de perte de chance de 40 % et sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés et jours fériés, il y a lieu de ramener à 4 500 euros la somme mise à la charge du centre hospitalier en réparation de ce préjudice.
13. Pour la période postérieure au présent arrêt, Mme F... sera indemnisée au titre de ses besoins en assistance par une tierce personne sur la base de 2 heures par semaine. Une rente annuelle de 845 euros après déduction de la perte de chance de 40 %, calculée sur la base d'un taux horaire moyen de 18 euros et d'une année de 412 jours, sera mise à la charge du centre hospitalier de Saumur. Cette rente sera versée par trimestre à échoir, et revalorisée annuellement par application du coefficient prévu à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, sous réserve, d'une part, que l'intéressée produise les montants de prestations de compensation du handicap et les aides éventuellement reçues de sa complémentaire santé pour couvrir l'aide humaine, qui viendront en déduction des versements de l'année suivante.
En ce qui concerne les pertes de gains professionnels après consolidation et les droits à la retraite :
14. En appel, Mme F... demande à la cour d'évaluer ses pertes de gains professionnels après consolidation à une somme de 224 268,65 euros. Elle estime avoir subi une perte financière de 9 569 euros par an et sollicite le versement d'un capital en réparation de ce préjudice tant pour la période comprise entre la date de sa consolidation et la date du présent arrêt, que pour l'avenir. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 7 que si l'intéressée conserve des séquelles de son AVC, elle n'est pas dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle. Par suite, le centre hospitalier est fondé à soutenir que les pertes de gains professionnels permanents allégués ainsi que les pertes de droits à la retraite de Mme F... ne présentent pas un lien direct avec la faute qui lui est imputable.
En ce qui concerne l'incidence professionnelle de l'AVC de Mme F... :
15. Il résulte des conclusions de l'expert E... que Mme F... présente, depuis son AVC, une fatigabilité majeure, des troubles attentionnels et des difficultés à se déplacer. Ainsi que l'a reconnu la CCI, cet accident réduit ses capacités à exercer le métier de manutentionnaire et limite ses possibilités de reclassement sur un autre poste. L'intéressée n'a d'ailleurs pu retrouver aucune activité professionnelle depuis 2016. Par suite, son préjudice d'incidence professionnelle doit être évalué à la somme globale de 100 000 euros, laquelle comprend une part patrimoniale qui peut être fixée à 70 000 euros, qui est, en l'espèce, intégralement compensée par la rente d'invalidité qui lui est versée à hauteur de 6 081,68 euros par an depuis le 1er février 2019, ainsi qu'une part personnelle dont le montant sera fixé à 30 000 euros. Mme F... est par suite fondée à solliciter la condamnation du centre hospitalier de Saumur à lui verser une somme de 12 000 euros correspondant à 40 % de ce dernier montant.
En ce qui concerne les frais d'adaptation de son logement et de son véhicule :
16. Si Mme F... entend reprendre en appel ses conclusions tendant à l'indemnisation des frais d'adaptation de son logement et de son véhicule, il ne résulte pas de l'instruction que ces préjudices présenteraient à la date du présent arrêt un caractère certain. Par suite, de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
17. Il résulte de ce qui précède, et en l'absence de contestation des autres préjudices patrimoniaux permanents indemnisés par le tribunal administratif, que la somme globale de 45 226,23 euros mentionnée au point 43 du jugement attaqué, que le centre hospitalier de Saumur a été condamné à verser à Mme F... en réparation de ses préjudices patrimoniaux permanents doit être ramenée à 16 500 euros. Par ailleurs, le centre hospitalier lui versera une rente annuelle de 845 euros dans les conditions définies au point 13 du présent arrêt.
Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents :
En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent (DFP) :
18. L'expert a estimé que Mme F... restait atteinte, en raison de la faute commise par le centre hospitalier de Saumur lors de sa prise le 10 juin 2016, d'un DFP de 25 %. Compte tenu de l'âge de l'intéressée à la date de sa consolidation et de la perte de chance imputable à cet établissement, il y a lieu de porter la somme de 18 000 euros allouée par les premiers juges à Mme F... en réparation de ce préjudice à 24 650 euros.
En ce qui concerne le préjudice d'agrément de Mme F... :
19. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, Mme F... n'apporte aucun élément de nature à attester qu'elle pratiquait régulièrement une activité sportive ou de loisirs avant son AVC. Par suite, et alors même que l'expert a reconnu qu'elle rencontrait " une gêne à pratiquer certaines activités physiques, sportives ou de loisirs du fait des difficultés d'équilibre et de la gêne à la mobilisation du membre inférieur gauche ", ce préjudice ne peut faire l'objet d'une indemnisation.
En ce qui concerne le préjudice sexuel de Mme F... :
20. Si l'expert a indiqué qu'il n'existait aucun obstacle sur le plan fonctionnel à la poursuite d'une activité relationnelle entre Mme F... et son conjoint, ce dernier a indiqué lors de l'expertise que les préjudices dont elle restait atteinte avaient un retentissement sur leur vie de couple. Compte tenu de l'âge de l'intéressée à la date de la consolidation de son état de santé et du taux de perte de chance de 40 %, ce préjudice sera évalué à 600 euros
En ce qui concerne le préjudice esthétique permanent :
21. L'expert a évalué à 1 sur 7 le préjudice esthétique permanent de Mme F.... Par suite, la somme de 600 euros après perte de chance mentionnée au point 28 du jugement attaqué, mise à la charge du centre hospitalier de Saumur, doit être ramenée à 400 euros.
22. Il résulte de ce qui précède que la somme globale de 18 400 euros, que le centre hospitalier de Saumur a été condamné à verser à Mme F... au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux permanent doit être portée à 25 650 euros.
23. Il résulte de tout ce qui précède, que la somme globale de 88 658,32 euros mise à la charge du centre hospitalier de Saumur par le tribunal administratif de Nantes (au point 47 du jugement attaqué), doit être ramenée à 60 314,78 euros. Ce dernier versera également à l'intéressée une rente annuelle de 845 euros dans les conditions mentionnées au point 13 du présent arrêt. Le surplus des conclusions de Mme F... et du centre hospitalier de Saumur doit être rejeté.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
24. La somme de 60 314,78 euros due à Mme F... portera intérêts à compter du 21 juin 2018, date de saisine de la CCI. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 21 juin 2019, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais de déplacement du conjoint de Mme F... :
25. Mme F..., qui seule a présenté une requête devant la cour, soutient que son conjoint, M. H..., est recevable à solliciter le remboursement des frais kilométriques à hauteur de 1 090,56 euros. Il résulte du jugement attaqué que les premiers juges ont fait droit à cette demande dans la limite d'une somme de 1 063,30 euros ramenée à 425,32 euros pour tenir compte de la perte de chance de 40 %. Ces indemnités correspondent aux frais occasionnés par ce dernier pour rendre visite à Mme F... lorsqu'elle était hospitalisée au centre de rééducation des Capucins situé à Angers entre le 9 janvier et le 7 avril 2017. Si l'intéressé justifie 12 allers-retours entre leur domicile situé à Brézé et Angers, les premiers juges ont évalué la distance entre ces deux villes à 78 km et non 80 km. Il ne résulte pas de l'instruction que cette évaluation serait erronée. Par suite, Mme F... n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que cette somme devrait être portée à 1 090,56 euros.
Sur les sommes allouées à la caisse primaire d'assurance maladie :
En ce qui concerne les dépenses de santé exposées pour Mme F... jusqu'à la date de consolidation de son état de santé :
26. Compte tenu de la perte de chance de 40 % retenue, le tribunal administratif a indemnisé les dépenses de santé actuelles de la caisse primaire d'assurance maladie à concurrence de la somme de 10 639,48 euros. Il a pris en compte la somme de 21 771 euros exposée lors de l'hospitalisation de Mme F... au centre de rééducation des Capucins d'Angers entre le 9 janvier et le 7 avril 2017 (au point 13 du jugement attaqué). Il a, en outre, admis des frais de consultations médicales et de soins infirmiers, des frais pharmaceutiques, d'appareillage et de transport en véhicule sanitaire léger, à hauteur des sommes respectives de 2 302,23 euros, 413,99 euros, 17,68 euros et 2 093,80 euros. Le centre hospitalier ne conteste que le montant des frais médicaux et infirmiers et des frais pharmaceutiques pris en compte à hauteur des sommes de 2 302,23 euros et de 413,99 euros. Contrairement à ce qu'il soutient, ces dépenses de santé ne se rapportent, selon l'attestation d'imputabilité du médecin conseil auprès de la caisse, qu'aux seules séquelles que conserve Mme F... à la suite de son AVC. En effet, la circonstance que des arrêts de travail lui ont été prescrits après le 10 juin 2016 en raison de la capsulite dont elle souffrait depuis le mois d'octobre 2015, ne suffit pas à établir que les conséquences de son AVC ne justifiaient pas des visites régulières chez son médecin généraliste ou des soins infirmiers. Le centre hospitalier conteste également le montant des frais pharmaceutiques mis à sa charge, en soutenant que même sans faute, Mme F... aurait dû poursuivre un traitement médicamenteux. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que si l'intéressée avait bénéficié d'une thrombolyse intraveineuse dans un délai adéquat, elle aurait eu 40 % de chance de récupérer sans séquelles. Il n'est en conséquence pas certain que son état de santé aurait alors justifié la prescription de médicaments. Il s'ensuit, que le centre hospitalier n'est pas fondé à contester la somme de 10 639,48 euros mise à sa charge au titre des débours engagés par la caisse primaire d'assurance maladie jusqu'à la consolidation de Mme F....
En ce qui concerne les dépenses de santé exposées pour Mme F... postérieurement à la consolidation de son état de santé :
27. La caisse primaire d'assurance maladie demande en appel de condamner le centre hospitalier de Saumur à lui verser la somme de 23 613,67 euros au titre de ses dépenses de santé " futures ", correspondant, selon cette dernière, à des " dépenses occasionnelles futures " à hauteur de 15 612,72 euros, à des " dépenses à titre viager déjà réalisés " pour un montant de 1 357,98 euros et à des " dépenses à titre viager " évaluées à 6 642,97 euros. Toutefois, ainsi que le soutient le centre hospitalier, en l'absence de justificatifs établissant les dépenses de santé réellement exposées entre le 10 juin 2018 et la date de lecture du présent arrêt, la somme de 15 612,72 euros, calculée pour deux années sur la base de 6 consultations médicales par an, de frais de transport évalués à 10 990,72 euros et de frais de kinésithérapie à raison de deux séances par semaine et la somme de 1 357,98 euros ne peuvent être mises à sa charge. Postérieurement au présent arrêt, la caisse primaire d'assurance maladie évalue ces frais pharmaceutiques à 192,58 euros par an, auquel il faut rajouter le renouvellement annuel des embouts des cannes anglaises de Mme F... pour un coût de 18,30 euros, soit une dépense annuelle de 210,88 euros. Ces dépenses seront mises à la charge du centre hospitalier, dans la limite de la perte de chance de 40 % retenue, à hauteur d'un montant annuel de 84,35 euros par an, lequel ne pourra être capitalisé en l'absence d'accord de celui-ci.
En ce qui concerne la rente d'invalidité versée à Mme F... :
28. La CPAM sollicite le remboursement de la somme de 98 914,48 euros au titre de la rente d'invalidité qu'elle verse à Mme F... depuis le 1er février 2019 à raison de 6 081,68 euros par an. Toutefois, en l'absence d'accord du centre hospitalier pour le versement d'un capital, il y a lieu de condamner cet établissement à rembourser à la CPAM la somme de 15 169,20 euros correspondant à 40 % des sommes versées jusqu'à la date de lecture du présent arrêt et pour l'avenir une rente annuelle de 2 432,67 euros, tenant compte du taux de perte de chance retenu.
29. Il résulte de tout ce qui précède, que la somme globale de 22 224,90 euros que le centre hospitalier de Saumur a été condamné par le tribunal administratif à verser à la CPAM de la Loire-Atlantique doit être portée à 25 808,68 euros. Le centre hospitalier remboursera également les dépenses de santé futures de la caisse primaire d'assurance maladie dans les conditions mentionnées au point 27.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion due à la caisse primaire d'assurance maladie :
30. La CPAM de la Loire-Atlantique a bénéficié en première instance d'une indemnité forfaitaire de gestion de 1 191 euros ainsi que le prévoit l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par suite, elle n'est pas fondée à solliciter en appel la condamnation du centre hospitalier de Saumur à lui verser de nouveau cette indemnité.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
31. La somme de 25 808,68 euros que le centre hospitalier de Saumur versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique portera intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2020, date de réception de son mémoire en défense devant le tribunal administratif de Nantes. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 11 juin 2021, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés au litige :
32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Saumur, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement à Mme F..., de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saumur le versement à la CPAM de la Loire-Atlantique d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Saumur a été condamné à verser à Mme F... en réparation de ses préjudices par le jugement du 4 janvier 2024 est ramenée à 60 314,78 euros. Elle portera intérêts à compter du 21 juin 2018 et ces intérêts seront capitalisés à compter du 21 juin 2019, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le centre hospitalier de Saumur versera en outre à Mme F... une rente annuelle de 845 euros en réparation des frais d'assistance par une tierce personne sous déduction du montant de prestations de compensation du handicap et des aides éventuellement reçues de sa complémentaire santé pour couvrir l'aide humaine.
Article 3 : La somme que le centre hospitalier de Saumur a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique par le jugement du 4 janvier 2024 est portée à 25 808,68 euros. Elle portera intérêt à compter du 11 juin 2020 et ces intérêts seront capitalisés à compter du 11 juin 2021, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées tant par Mme F..., que par le centre hospitalier de Saumur, ainsi que le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique sont rejetés.
Article 5 : Le jugement n° 1913976 du 4 janvier 2024 du tribunal administratif de Nantes est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le centre hospitalier de Saumur versera à la CPAM de la Loire-Atlantique une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F..., au centre hospitalier de Saumur, à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2025.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 24NT00661, 24NT00664