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11/04/2025 | FRANCE | N°24NT02061

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 11 avril 2025, 24NT02061


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société CPENR de Lusanger a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol, composée de 21 303 modules photovoltaïques, d'un poste de livraison, d'un local de maintenance et de trois postes de transformation, sur les parcelles cadastrées section YC n°s 2 et 4, au lieudit Le Bois Fleury à Lusanger.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CPENR de Lusanger a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol, composée de 21 303 modules photovoltaïques, d'un poste de livraison, d'un local de maintenance et de trois postes de transformation, sur les parcelles cadastrées section YC n°s 2 et 4, au lieudit Le Bois Fleury à Lusanger.

Par un jugement n° 2313762 du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 juillet 2024 et 22 janvier 2025, la société CPENR de Lusanger, représentée par Me Versini-Campinchi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer le permis de construire sollicité dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; il est donc entaché d'irrégularité pour ce motif ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée en fait et en droit ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit, le préfet ayant apprécié la compatibilité du projet avec l'exercice d'une activité agricole sur le fondement des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme au regard des critères relatifs à l'agrivoltaïsme régi par l'article L. 314-36 du code de l'énergie, inapplicable au projet en cause ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ; le projet n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité agricole et ne porte pas atteinte aux paysages ; il respecte les prescriptions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme et celles du règlement du plan local d'urbanisme ;

- l'étude d'impact ne présente pas d'insuffisances ; elle comporte une explication des raisons pour lesquelles le site a été retenu.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2024, le ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,

- et les observations de Me Versini-Capinchi, pour la société CPENR de Lusanger.

Considérant ce qui suit :

1. La société CPENR de Lusanger a déposé, le 23 septembre 2021, une demande de permis de construire en vue de l'installation d'une centrale photovoltaïque au sol d'une puissance totale de 11,5 mégawatts-crête (MWc), comprenant, sur une surface clôturée de 20 ha, 21 303 modules photovoltaïques ainsi qu'un poste de livraison, un local de maintenance et trois postes de transformation, sur les parcelles cadastrées à la section YC sous les n°s 2 et 4, au lieudit Le Bois Fleury, sur le territoire de la commune de Lusanger. Par un arrêté du 21 juillet 2023, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de délivrer le permis sollicité. Par un jugement du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société CPENR de Lusanger tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2023. La société CPENR de Lusanger relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ".

3. Aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " I.- Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ".

4. Les dispositions précitées de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme ont pour objet de conditionner l'implantation de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dans des zones agricoles à la possibilité d'exercer des activités agricoles, pastorales ou forestières sur le terrain où elles doivent être implantées et à l'absence d'atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. Pour vérifier si la première de ces exigences est satisfaite, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si le projet permet l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d'implantation du projet, au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d'urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s'y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l'emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux.

5. Enfin, les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de Lusanger relatives à la zone agricole autorisent " les constructions, installations nécessaires aux services publics ou collectifs sous réserve d'une bonne intégration dans leur environnement ".

6. Pour rejeter la demande de permis de construire présentée par la société CPENR de Lusanger, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur ce que l'activité agricole prévue sur les parcelles où doit être implanté le projet, en remplacement de celle qui est existante sur le site, n'est pas significative au sens des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, sur le caractère insuffisant de l'étude d'impact dans son analyse des incidences du projet en cause sur l'avifaune et sur les paysages et sur l'absence de présentation des raisons du choix du site, enfin, sur ce que le parc photovoltaïque est de nature à porter atteinte à la sauvegarde des paysages, en méconnaissance de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme et des dispositions du règlement applicables à la zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune.

7. En premier lieu, et d'une part, ainsi qu'il a été dit, le projet en cause a pour objet la réalisation d'une centrale photovoltaïque, d'une puissance de 11,5 mega watt-crêtes, comprenant 21 303 modules photovoltaïques implantés sur deux parcelles classées en zone agricole du plan local d'urbanisme, sur une surface clôturée de 20 hectares, incluant d'autres éléments tels que des onduleurs, des transformateurs et des postes de livraison, une citerne incendie de 120 m' et une place de parking de 25 m². Les tables de modules couvriront 5,37 hectares en surface projetée au sol, soit une surface d'occupation de l'emprise clôturée de 27 %. Développé sur une surface cumulée de 38 hectares de prairies, le projet laissera subsister les zones humides ainsi que les nombreuses haies présentes sur le site.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'agriculture à proximité du projet est très dense et orientée majoritairement vers " un élevage diversifié, bovin lait et viande, mais aussi ovin, porcin et volailles et vers les grandes cultures de maïs et de blé ". Les parcelles d'emprise du projet dont le sol, de type brunisol-rédoxisol, présente un engorgement temporaire en eau, n'ont jamais été converties en production céréalière et sont utilisées, depuis quelques années, après avoir été exploitées pour un élevage bovin, comme prairies de fauchage à destination des élevages bovins du secteur, activité que le propriétaire actuel des parcelles est sur le point de cesser en raison de son départ à la retraite. Le projet prévoit, sur l'emprise foncière de la centrale photovoltaïque, l'exercice d'une activité agricole et pastorale consistant en l'exploitation d'un élevage ovin, par le GAEC Natur'Agneau qui pratique d'ores et déjà un élevage certifié en agriculture biologique de brebis 100 % à l'herbe, pour une commercialisation locale de viande, dont le siège social est distant, à vol d'oiseau, de 3,6 km du site d'implantation du projet. Confronté à un éclatement des surfaces de pâturage situées, respectivement, à 21 km et 35 km du siège d'exploitation de ce GAEC, l'activité de pâturage envisagée permettra à l'éleveur ovin d'améliorer la fonctionnalité de son exploitation ovine et sa pérennisation en filière de proximité, de disposer d'un gain de surface pour assurer l'autonomie fourragère du troupeau, qui compte 500 brebis, et de sécuriser le cheptel dans un site équipé de clôtures et d'un dispositif de surveillance, tout en préservant le milieu prairial dans la continuité de l'activité de fauchage qui y était pratiquée. Il ressort en outre des pièces du dossier que le projet a été adapté à cette activité pastorale par le rehaussement, à une hauteur minimale de 1 m, du point le plus bas des modules, afin de permettre la circulation des ovins sous les panneaux, et l'agrandissement, à 3,60 m, de l'écartement entre les rangées de panneaux, afin de dégager un passage pour la gestion de la prairie, que divers aménagements sont prévus dont des points d'eau, la mise en place de clôtures mobiles pour le pâturage tournant et que les bâtiments agricoles existant seront à disposition du futur exploitant. Il s'ensuit que le projet contesté permet l'exercice effectif d'une activité agricole d'élevage ovin. Contrairement à ce que soutient le ministre, le caractère pérenne de cette activité agricole et pastorale n'est pas remis en cause par la circonstance que le contrat de prêt à usage à passer avec le GAEC prévoit une clause de résiliation ainsi qu'une clause suspensive dans l'hypothèse où le contrat de bail emphytéotique, à conclure par la société requérante avec le propriétaire des parcelles en cause, ne serait pas signé. Le cahier des charges annexé à ce contrat de prêt à usage prévoit, de façon suffisante, les obligations de l'exploitant, tenu à une obligation d'entretien du couvert végétal par pâturage ovin. Enfin, la circonstance alléguée selon laquelle il ne serait pas justifié d'un revenu durable issu de l'exploitation agricole n'est pas établie, alors que l'étude préalable agricole présente de façon suffisante et cohérente la valorisation financière attendue de l'activité agricole envisagée.

9. Dans ces conditions, en se fondant, pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité, sur ce que le projet de parc photovoltaïque ne permet pas l'exercice " d'une production agricole significative ", le préfet de la Loire-Atlantique a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine (...). I. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : 3° Une description des aspects pertinents de l'état initial de l'environnement (...) ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement (...) ; / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine (...)/ 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ;/ - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité ".

11. S'agissant de l'avifaune, il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a explicité, dans la partie de l'étude d'impact consacrée à l'avifaune, la méthode mise en œuvre pour dresser l'inventaire des espèces, qui s'est appuyée sur des données documentaires, dont l'Atlas des oiseaux nicheurs des Pays de la Loire, ainsi que sur une expertise de terrain, conduite entre le 24 février 2020 et le 17 novembre 2021, permettant de dresser les inventaires à partir des différentes phases du cycle biologique (hivernage, migration pré et postnuptiale, nidification). Il ressort également des pièces du dossier que les investigations menées sur le terrain ont permis de constater la présence sur le site de 74 espèces, 29 espèces en période hivernale, 44 espèces en période de migration postnuptiale et 40 espèces en période de nidification. Les oiseaux nocturnes de la zone ont pu être inventoriés lors de deux sorties dédiées aux chiroptères, organisées les 8 juin 2020 et 15 juillet 2020, à l'issue desquelles aucune espèce d'oiseau nocturne n'a été identifiée. Contrairement à ce que soutient le préfet dans son arrêté de refus, l'étude d'impact fournit une analyse détaillée de l'aire de vie du Bruant jaune, de la Linotte mélodieuse, du Chardonneret élégant, du Verdier d'Europe et du Tarier pâtre. Par ailleurs, si le préfet reproche à la société requérante de ne pas avoir suffisamment analysé les impacts bruts du projet sur la Pie-grièche écorcheur et la Fauvette des jardins, il ressort de l'étude d'impact que la Fauvette des jardins totalise seulement quatre contacts sur l'ensemble des sorties et que la Pie grièche-écorcheur n'a été contactée qu'à une seule reprise. Enfin, si l'étude d'impact relève une diversité importante de l'avifaune présente dans l'emprise du projet, en particulier d'espèces nicheuses, elle qualifie de faible à modéré le niveau des impacts bruts du projet en cause sur l'avifaune et de nul à faible le niveau des impacts résiduels dès lors que le projet ne prévoit pas la destruction des haies et des arbres présents sur le site, lesquels constituent l'habitat de reproduction de la plupart des espèces identifiées dont le Tarier pâtre, la Linotte mélodieuse et le Bouscarle de Cetti, que les prairies seront conservées et que la gestion par pâturage ne devrait pas impacter significativement l'avifaune nichant au sol.

12. S'agissant de l'analyse des impacts du projet sur les paysages, il ressort des pièces du dossier qu'il a été procédé, à partir de différentes prises de vue, à l'identification des possibilités de perception du projet depuis trois aires d'étude. Compte tenu de la topographie des lieux, de la faible présence de lieux de vie dans l'aire d'étude immédiate et de la présence de nombreux obstacles visuels autour du site d'étude, des zones de visibilité n'ont été identifiées qu'au sein de l'aire d'étude immédiate, au niveau de la route départementale RD 39, d'une habitation du hameau de la Guillaumière et de chemins agricoles longeant la zone ouest du site. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la circonstance, invoquée par le préfet, qu'aucune carte des zones d'influence visuelle n'a été dressée n'aurait pas permis d'identifier correctement ces zones de visibilité, compte tenu des caractéristiques du projet dont la hauteur ne dépasse pas 3 m et de l'environnement du projet, marqué par un maillage végétal important.

13. S'agissant des raisons du choix du site, contrairement à ce que soutient le préfet, la société pétitionnaire a précisé dans l'étude d'impact avoir recensé, à partir de la base de données du bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), les sites dégradés susceptibles d'accueillir le projet et les avoir écartés, après analyse, au motif qu'ils ne présentaient pas de caractéristiques compatibles avec le projet.

14. Il résulte des points 11 à 13 que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet pour refuser de délivrer l'autorisation de construire sollicitée, l'étude d'impact ne présente pas d'insuffisance dans l'analyse des incidences du projet sur l'avifaune et sur les paysages ni dans l'examen de solutions de substitution.

15. En troisième lieu, le site du projet est situé sur la commune de Lusanger, au nord du département de la Loire-Atlantique, pour l'essentiel, sur un plateau présentant de faibles variations d'altitude. Le bocage est caractéristique des milieux semi-ouverts avec une alternance des vues longues entre certaines haies et des vues plus fermées du fait de la densité variable des haies qui forment de véritables écrans végétaux. Dans ce contexte de semi-ouverture des milieux, l'agriculture et l'élevage ont fortement façonné le paysage qui ne présente pas de caractère sensible. Ainsi qu'il a été dit, des zones de visibilité ont été identifiées, dans l'aire d'étude immédiate, à savoir depuis la route départementale RD 39, depuis une habitation du hameau de la Guillaumière et depuis des chemins agricoles longeant l'ouest du site. Pour apprécier les incidences du projet depuis ces points de vue, des photomontages ont été réalisés, notamment depuis le chemin empierré longeant le nord du site d'étude ainsi que du jardin d'une des maisons d'habitation du hameau de la Guillaumière. Si les boisements et haies fourragères apportent un masque visuel, il apparaît que certaines vues demeurent. Des mesures de réduction ont toutefois été prévues par la plantation de haies propres à masquer toute visibilité, ainsi que cela ressort des simulations jointes à l'étude d'impact. En outre, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement a considéré, dans son avis du 18 mai 2022 que l'intégration paysagère du projet photovoltaïque est satisfaisante. Dans ces conditions, en estimant, pour refuser le permis sollicité, que le parc photovoltaïque est de nature à porter atteinte à la sauvegarde des paysages et ne permet pas une bonne intégration dans son environnement, le préfet a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme et du règlement afférent à la zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune.

16. Toutefois, l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

17. Pour établir que la décision contestée est légale, le préfet a fait valoir, devant les premiers juges, que le projet méconnaît les dispositions de l'article L. 111-29 du code de l'urbanisme dès lors que le projet est implanté en zone A, en-dehors des surfaces identifiées dans un document-cadre arrêté par décision préfectorale.

18. Aux termes de l'article L. 111-29 du code de l'urbanisme, créé par l'article 54 de la loi n° 2023-175 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (APER), adoptée le 10 mars 2023 et entrée en vigueur le 12 mars suivant, soit quatre mois avant l'édiction de l'arrêté contesté : " Pour l'application des articles L. 111-4, L. 151-11 et L. 161-4, la compatibilité avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière des ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire s'apprécie à l'échelle de l'ensemble des terrains d'un seul tenant, faisant partie de la même exploitation agricole, pastorale ou forestière, au regard des activités agricoles, pastorales ou forestières qui y sont effectivement exercées ou, en l'absence d'activité effective, qui auraient vocation à s'y développer. Aucun ouvrage de production d'électricité à partir de l'énergie solaire, hors installations agrivoltaïques au sens de l'article L. 314-36 du code de l'énergie, ne peut être implanté en dehors des surfaces identifiées dans un document-cadre arrêté en application du deuxième alinéa du présent article. /Un arrêté préfectoral, pris après consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, des organisations professionnelles intéressées et des collectivités territoriales concernées, établit un document-cadre sur proposition de la chambre départementale d'agriculture pour le département concerné. Ce document-cadre définit notamment les surfaces agricoles et forestières ouvertes à un projet d'installation mentionnée au présent article et à l'article L. 111-30 ainsi que les conditions d'implantation dans ces surfaces. (...) Seuls peuvent être identifiés au sein de ces surfaces des sols réputés incultes ou non exploités depuis une durée minimale, antérieure à la publication de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, définie par le décret en Conseil d'Etat mentionné au dernier alinéa du présent article. (...) / Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article ".

19. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué par le préfet qu'un document-cadre identifiant, dans le département de la Loire-Atlantique, les surfaces pouvant accueillir les ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire, hors installations agrivoltaïques, aurait été arrêté ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 111-29 du code de l'urbanisme qui, en outre, renvoient, pour son application, à l'édiction d'un décret qui n'est intervenu que le 8 avril 2024, soit postérieurement à l'arrêté préfectoral du 21 juillet 2023 contesté, et qui, dans son chapitre V relatif aux dispositions transitoires, précise qu'il s'applique aux installations dont la demande de permis est déposée à compter d'un mois après la date de sa publication. La substitution de motifs demandée par le préfet ne peut, dès lors, être accueillie.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société CPENR de Lusanger est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. L'exécution du présent arrêt, qui censure l'ensemble des motifs ayant fondé le refus de permis de construire contesté, implique nécessairement que le préfet de la Loire-Atlantique délivre, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, à la société CPENR de Lusanger le permis de construire qu'elle sollicite. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de la société CPENR de Lusanger en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 mai 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 21 juillet 2023 du préfet de la Loire-Atlantique est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à la société CPENR de Lusanger le permis de construire qu'elle sollicite, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société CPENR de Lusanger une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société CPENR de Lusanger, au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUET

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. MARCHAND

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chacun en ce qui les concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02061
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;24nt02061 ?
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