Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 22 mars 2024 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a prononcé leur transfert aux autorités portugaises.
Par un jugement nos 2405679,2405683 du 30 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juin 2024, M. A... et Mme C..., représentés par Me Neraudau, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 avril 2024 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 22 mars 2024 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert au Portugal ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de leur délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a insuffisamment motivé sa décision au sujet du défaut de justification de la qualification de l'agent conduisant l'entretien au titre de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a omis de viser la note en délibéré produite le 24 avril 2024 ;
- le signataire des arrêtés contestés est incompétent ;
- les arrêtés contestés sont insuffisamment motivés ;
- le préfet de Maine-et-Loire n'a pas examiné précisément leur situation personnelle ;
- il a méconnu les article 3, 4, 5, 6 et 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
- il a méconnu l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il a méconnu l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a méconnu le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme C..., ressortissants guinéens, nés respectivement les 18 mars 1990 et 30 août 1994, ont sollicité l'asile, le 26 janvier 2024. Par deux arrêtés du 22 mars 2024, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné leur transfert aux autorités portugaises. M. A... et Mme C... relèvent appel du jugement du 30 avril 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le jugement attaqué répond avec la précision nécessaire, au point 9, alors que le premier juge n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de M. A... et Mme C..., au moyen, qu'il a visé, tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.
3. En second lieu, il ressort du dossier de première instance que M. A... et Mme C... n'ont produit postérieurement à l'audience qu'une pièce et non une note en délibéré comme ils le soutiennent. Il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes aurait dû viser distinctement cette pièce. Au demeurant, comme, ils l'indiquent eux-mêmes, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a tenu compte de cette pièce pour rendre sa décision, comme cela ressort du point 17 du jugement attaqué. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le jugement litigieux serait irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, par un arrêté du 28 février 2024, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme D... G..., cheffe du pôle régional Dublin et signataire des arrêtés contestés, à l'effet de signer les décisions relevant de la compétence de son bureau, notamment " les décisions d'application du règlement Dublin III (arrêtés de transfert, assignations à résidence) ", en cas d'absence ou d'empêchement de M. E..., directeur de l'immigration et des relations avec les usagers, dont il n'est pas soutenu qu'il n'aurait pas été absent ou empêché. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés doit être écarté.
5. En deuxième lieu les arrêtés contestés portant transfert aux autorités portugaises comportent les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et sont, par suite, suffisamment motivés en droit et en fait, contrairement à ce que soutiennent M. A... et Mme C....
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle des requérants. Le moyen tiré de l'insuffisance d'un tel examen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". Aux termes de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. ".
8. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... et Mme C... se sont vus remettre le 26 janvier 2024, le jour même de l'enregistrement de leurs demandes d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dont ils ont signé les pages de garde, qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées. Il ressort en outre du compte-rendu de leurs entretiens du 26 janvier 2024, qu'ils ont reconnu comprendre, qu'ils ont déclaré " le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires m'ont été remis dans une langue que je déclare comprendre. ", " je reconnais que les informations contenues dans le guide du demandeur d'asile, ainsi que dans les brochures A et B m'ont été communiquées oralement et je reconnais les avoir comprises " et que " l'information sur les règlements communautaires m'a été remise ". Il ressort du compte-rendu des entretiens du 26 janvier 2024 que M. A... et Mme C... ont eu le temps de s'exprimer sur leur situation. Enfin, dès lors que l'information prescrite à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 leur a été remise lors de l'introduction du dépôt de leur demande d'asile et au plus tard lors de l'entretien qui a été conduit à cette occasion, quand bien même cette information a été remise postérieurement à la prise d'empreintes, ils ne sont pas fondés à soutenir que cette information ne leur aurait pas été donnée en temps utile. Dans ces conditions, leur droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 n'a pas été méconnu.
10. Par ailleurs, les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ont pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun, notamment par la remise de brochures d'information lors de l'entretien individuel. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par le demandeur d'asile ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Il en va de même de la méconnaissance de l'obligation d'information résultant des dispositions des articles 12, 13 et 14 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 du règlement général sur la protection des données doit être écarté.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".
12. Il ressort des mentions figurant sur les comptes-rendus signés par M. A... et Mme C... qu'ils ont bénéficié, le 26 janvier 2024, soit avant l'intervention des décisions contestées, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Il ressort des comptes-rendus des entretiens du 26 janvier 2024 que M. A... et Mme C... ont été mis à même de s'exprimer sur leurs situations. Aucun élément du dossier n'établit que ces entretiens n'auraient pas été menés par une personne qualifiée en vertu du droit national, du seul fait que l'agent qui a procédé à ces entretiens n'est identifié que par la mention " Préfecture de la Loire-Atlantique - L'agent habilité " et ses initiales manuscrites. En tout état de cause, l'absence de plus de précision sur l'identité dudit agent n'a pas privé les intéressés de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
13. En sixième lieu, selon le paragraphe 2 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...). " Selon le paragraphe 4 de ce même article : " Si le demandeur est seulement titulaire (...) d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres. (...). ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... et Mme C... étaient titulaires d'un visa valable du 20 décembre 2023 au 18 janvier 2024, délivré le 23 octobre 2023 par les autorités consulaires portugaises en Angola. Par suite, conformément à l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et quand bien même ce visa n'aurait pas été effectivement apposé sur leurs documents de voyage qu'ils disent s'être faits dérober, le Portugal était responsable de l'examen de la demande de protection internationale des requérants contrairement à ce qu'ils soutiennent. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les autorités portugaises ont explicitement accepté de prendre en charge les intéressés le 19 mars 2024.
15. En septième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
17. M. A... et Mme C... soutiennent qu'il n'est pas garanti que les autorités portugaises traiteront leurs demandes conformément aux exigences du droit d'asile, notamment du fait qu'ils ne disposeraient pas de visa en cours de validité, qu'ils ne seraient pas enregistrés comme demandeurs d'asile et que le système de demande d'asile au Portugal est engorgé. Toutefois, ils n'établissent pas la réalité de leurs allégations. Les documents qu'ils produisent à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que leurs propres demandes d'asile seraient exposées à un risque sérieux de ne pas être traitées par les autorités portugaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que le Portugal est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les autres éléments avancés, en particulier tirés des problèmes de santé de leur enfant née le 11 janvier 2024, n'établissent pas qu'eux ou leurs enfants se trouvaient à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire leurs demandes d'asile en France. Enfin, M. A... et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir des risques auxquels ils seraient exposés en Guinée alors que la décision contestée n'a pas pour objet de les éloigner vers ce pays. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire aux articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi qu'à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement doivent être écartés.
18. En huitième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". L'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose : " 1. L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement. (...) 3. Lorsqu'ils évaluent l'intérêt supérieur de l'enfant, les États membres coopèrent étroitement entre eux et tiennent dûment compte, en particulier, des facteurs suivants : (...) le bien-être et le développement social du mineur ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
19. Il ressort des pièces du dossier que M. A... et Mme C... sont accompagnés de leurs enfants, nés le 11 avril 2017 et le 11 janvier 2024, et que la présence de ces derniers a été signalée aux autorités portugaises qui ont explicitement accepté de les prendre en charge avec leurs parents. Les éléments produits par M. A... et Mme C... permettent d'établir que leur fille cadette souffre d'une sténose pulmonaire d'allure valvulaire, dont la gravité n'est pas établie et qui n'a appelé qu'une indication de suivi par un cardio-pédiatre le 16 mai 2024. Il n'est pas établi que cette enfant ne pourrait pas voyager et être prise en charge médicalement au Portugal. Les arrêtés contestés n'impliquant pas de séparer les intéressés, les enfants de M. A... et de Mme C... ont vocation à les suivre au Portugal, où la scolarisation de l'ainé pourra se poursuivre. Si les requérants soutiennent que le préfet n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur des enfants en prononçant leur transfert vers le Portugal, ils n'apportent pas d'éléments suffisamment probants pour établir que cet Etat ne serait pas en mesure d'assumer leur prise en charge et celle de leurs deux enfants dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, en adoptant les arrêtés contestés, le préfet de Maine-et-Loire n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni les dispositions de l'article 6 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
21. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A... et Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions des intéressés aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... et Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à M. B... C..., à Me Neraudau et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24NT01972