Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SELARL Athéna a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le titre exécutoire n° 2019-7-10 du 25 novembre 2019 par lequel Montfort communauté a mis à sa charge la somme de 162 341,22 euros au titre de la remise en état du site à la suite de la résiliation de la convention d'affermage et de location de gérance libre du domaine de Trémelin et de la décharger de l'obligation de payer cette somme. La communauté de communes Montfort Communauté, a, quant à elle, demandé au tribunal administratif, à titre principal, de constater l'existence de la créance qu'elle a déclarée pour un montant de 162 341,22 euros dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société ID Organisation et, à titre subsidiaire, de dire qu'elle est fondée.
Par un jugement nos 2103268,2103395 du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la SELARL Athéna ainsi que celle qui avait été présentée par Montfort Communauté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2024, la SELARL Athéna, représentée par
Me Plateaux, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 mai 2024 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler le titre exécutoire n° 2019-7-10 du 25 novembre 2019 par lequel Montfort communauté a mis à sa charge la somme de 162 341,22 euros au titre de la remise en état du site à la suite de la résiliation de la convention d'affermage et de location de gérance libre du domaine de Trémelin et de la décharger de l'obligation de payer cette somme ;
3°) de mettre à la charge de Montfort Communauté le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance n'était pas irrecevable au motif que dès réception du titre litigieux par le mandataire liquidateur de la société ID Organisation, la créance a fait l'objet d'une opposition, devant le tribunal de commerce, au sens de l'article L. 622-24 alinéa 4 du code de commerce et, par une ordonnance du 26 mai 2021, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Rennes a sursis à statuer sur l'opposition, en invitant le créancier à saisir le tribunal administratif de Rennes avant le 25 juin 2021, une telle saisine prorogeant le délai de recours ; en outre, le titre exécutoire litigieux se rattache à la détermination des obligations financières des parties au contrat, à l'issue de sa résiliation unilatérale par Montfort Communauté et le juge du contrat était déjà saisi d'un tel litige, à l'initiative de la SELARL Athéna, sur le fondement de la requête n° 1905389, enregistrée auprès du tribunal dès le 30 octobre 2019 ; aucune tardiveté ne pouvait donc lui être opposée ;
- le titre litigieux est dépourvu de toute base légale, sur le fondement de l'exception de recours parallèle, dans la mesure où le juge administratif était déjà saisi du présent litige, à la date de l'émission du titre déféré, soit le 25 novembre 2019 ;
- l'administration n'a pas engagé, au préalable, un débat contradictoire, tant vis-à-vis de la Société ID Organisation que vis-à-vis de son liquidateur judiciaire, notamment sur le fondement de l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'administration n'a pas mentionné, sur le titre émis, les considérations de droit et de fait suffisantes, de nature à définir les modalités de calcul de la créance alléguée ;
- l'administration n'a pas justifié de la base légale de sa créance, sur un fondement contractuel adéquat, notamment au regard du principe de loyauté, compte tenu des stipulations relatives au contrat initialement conclu, entre Montfort Communauté et la société ID Organisation ;
- l'administration n'a pas justifié de la matérialité de sa créance, au regard des mentions relevées lors de la seule visite des lieux, opérée au cours du mois de juillet 2019 ;
- la décharge de la somme litigieuse s'impose dès lors que Montfort Communauté ne justifiait d'aucun fondement contractuel, pour justifier du bien-fondé de la créance alléguée.
La clôture de l'instruction est intervenue le 15 novembre 2024.
Un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2025, présenté pour la communauté de communes Montfort Communauté, représentée par Me Santos Pires, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Jamot, substituant Me Plateaux, représentant la SELARL Athena.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention d'affermage et de location gérance libre du 28 février 2010 conclue sur le fondement de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, pour une durée de quinze ans, la communauté de communes de Montfort a confié à la société
ID Organisation la gestion et l'exploitation du domaine de Trémelin, base de loisirs comprenant un plan d'eau, des bois et forêts, un camping, des gîtes ruraux, des salles de réception, des activités de loisirs et commerciales et un restaurant. Par une délibération de son conseil communautaire du 28 mars 2019, Montfort communauté a résilié la convention attribuée à la société ID Organisation pour motif d'intérêt général, avec effet à compter du
30 septembre 2019. Par un arrêt n° 22NT02651 du 19 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé légale cette décision en rejetant la requête de la SELARL Athena contre le jugement rejetant les demandes d'annulation et d'indemnisation de celle-ci devant le tribunal administratif, et cet arrêt est devenu définitif du fait de la non admission du pourvoi en cassation de la SELARL Athena par une décision du Conseil d'Etat n° 492776 du
6 novembre 2024. Par un jugement du 18 septembre 2019, le tribunal de commerce de Rennes a placé la société ID Organisation en procédure de liquidation judiciaire et désigné la société Athéna en qualité de liquidateur judiciaire. Par un titre exécutoire du 25 novembre 2019, Montfort communauté a mis à la charge de la société ID Organisation la somme de 162 341,22 euros au titre des frais de remise en état des installations à la suite du terme de la convention. La société Athéna a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de ce titre et la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par ailleurs, le 27 novembre 2019, Montfort communauté a déclaré à la société Athéna sa créance d'un montant total de 195 807,95 euros, dont la somme de 162 341,22 euros pour la remise en état des lieux. Par une ordonnance du 26 mai 2021, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Rennes s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'admission de la créance d'un montant de 162 341,22 euros de Montfort communauté et l'a invitée à saisir le tribunal administratif. Montfort communauté a donc demandé au tribunal de constater l'existence et le montant de cette créance. Par un arrêt du 23 mai 2023, la chambre commerciale de la cour d'appel de Rennes a infirmé cette ordonnance et a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif. Par un jugement du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, rejeté la demande de la SELARL Athéna et d'autre part rejeté la demande de Montfort communauté. La SELARL Athéna fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire (...) ". Aux termes de l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la date du jugement du 18 septembre 2019 du tribunal de commerce ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société ID Organisation : " A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié (...) / La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance (...) / La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre (...). / Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles mentionnées au I de l'article L. 622-17 sont soumises aux dispositions du présent article. Les délais courent à compter de la date d'exigibilité de la créance (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 624-1 du même code : " Dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire (...). ". Selon l'article L. 624-2 de ce code, dans sa rédaction applicable : " Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission. ". L'article R. 624-5 de ce code dispose que : " Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte. ".
3. Il résulte de ces dispositions que le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur l'acte par lequel une personne morale de droit public déclare une créance au représentant des créanciers d'une entreprise en liquidation judiciaire, dès lors qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire, en vertu des articles L. 624-2 à L. 624-4 du code de commerce, de statuer sur l'admission ou le rejet des créances déclarées. En revanche, le juge administratif est compétent pour statuer sur l'existence et le montant d'une créance publique.
4. Un débiteur qui saisit la juridiction judiciaire, alors que la juridiction administrative était compétente, conserve le bénéfice du délai de recours contentieux dès lors qu'il a introduit cette instance avant son expiration. Il est recevable à saisir la juridiction administrative jusqu'au terme d'un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction judiciaire s'est, de manière irrévocable, déclarée incompétente.
5. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire en litige, émis le 25 novembre 2019, comportait la mention des délais et voies de recours et a été notifié au liquidateur judiciaire, la société Athéna, le 28 juillet 2020. La demande de première instance de la société Athéna dirigée contre ce titre exécutoire a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes le 23 juin 2021, soit au-delà du délai de deux mois du recours contentieux. Une procédure de déclaration de la créance de 162 341,22 euros, qui a fait l'objet du titre exécutoire en litige, a été initiée par Montfort communauté, cette créance ayant été contestée par le mandataire judiciaire de la société ID Organisation, la société Athéna. Cette procédure a donné lieu à deux décisions du juge judiciaire des 26 mai 2021 et 23 mai 2023, le pourvoi en cassation étant pendant. Cette procédure judiciaire a été engagée avant l'expiration du délai de recours contentieux contre le titre exécutoire. Toutefois, d'une part, la société Athéna ne peut se prévaloir d'une procédure qu'elle n'a pas elle-même initiée pour proroger les délais de recours d'une action contentieuse qu'elle a introduite. D'ailleurs, le juge judiciaire s'est déclaré incompétent " pour statuer sur une créance déclarée à titre de recette " et a invité le créancier, Monfort Communauté, à saisir la juridiction administrative. D'autre part, la procédure de déclaration de créances devant le juge judiciaire et la demande d'annulation d'un titre exécutoire devant le juge administratif n'ont pas les mêmes fins, la première portant sur l'admission d'une créance au passif de la liquidation, en vue de son recouvrement, et la seconde portant sur le bien-fondé de la créance d'une collectivité publique.
6. Par ailleurs, la SELARL n'est pas fondée à soutenir qu'aucun délai de recours ne lui serait opposable au motif que le tribunal administratif était déjà saisi du litige par sa requête enregistrée le 30 octobre 2019 sous le n° 1905389 et que le titre exécutoire litigieux se rattacherait à la détermination des obligations financières des parties au contrat à l'issue de la résiliation unilatérale de celui-ci par Montfort Communauté, dès lors que sa précédente requête, dont le rejet a d'ailleurs été confirmé par l'arrêt de la cour du 19 janvier 2024 mentionné au point 1, tendait uniquement à la condamnation de Monfort Communauté à lui verser une somme de 541 356 euros en réparation des préjudices résultant selon elle de la résiliation de la convention d'affermage conclue en 2010, résiliation par ailleurs contestée par une autre demande jointe tendant à la reprise des relations contractuelles, et ne concernait pas le litige distinct de la créance mise en recouvrement par le titre de recette du 25 novembre 2019 relatif aux travaux de remise en état du domaine de Trémelin.
7. Il résulte des points 2 à 6 que la société Athéna n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier en ayant à tort rejeté sa demande de première instance dirigée contre le titre exécutoire du 25 novembre 2019, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes le 23 juin 2021, comme étant irrecevable car tardive.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Athéna n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation du titre exécutoire n° 2019-7-10 du 25 novembre 2019 par lequel Montfort communauté a mis à sa charge la somme de 162 341,22 euros au titre de la remise en état du site à la suite de la résiliation de la convention d'affermage et de location de gérance libre du domaine de Trémelin et de décharge de l'obligation de payer cette somme.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Monftort Communauté, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Athéna demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Athéna est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Athéna, à la communauté de communes Montfort communauté et à la direction régionale des finances publiques Bretagne et Ille-et-Vilaine.
Copie en sera adressée pour information à la cour d'appel de Rennes.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01798