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11/04/2025 | FRANCE | N°24NT00894

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 11 avril 2025, 24NT00894


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 1er février 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités croates et l'arrêté du 12 février 2024 par lequel il l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement nos 2402362,2402668 du 1er mars 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 22 mars 2024 et un mémoire, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 1er février 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités croates et l'arrêté du 12 février 2024 par lequel il l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement nos 2402362,2402668 du 1er mars 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2024 et un mémoire, enregistré le 14 mars 2025 et non communiqué, M. H..., représenté par Me Guerin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2024 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Maine-et-Loire des 1er et 12 février 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, dans le délai de trois jours à compter de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

s'agissant de l'arrêté du 1er février 2024 :

- l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile limite les possibilités de faire appel à un interprète par téléphone aux " cas de nécessité " ;

- la mention de l'itinéraire emprunté était indispensable en application de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 dans un cas de cessation de la responsabilité de la Croatie dans le cadre d'une reprise en charge ;

- il ressort de cet article qu'en cas de nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable, l'article 11 du même règlement était applicable et excluait qu'il soit considéré comme ayant déposé une première demande d'asile en Croatie ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autorités croates ne sont plus responsables en application du 5 de l'article 20 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013

- la décision contestée est insuffisamment motivée et résulte d'un défaut d'examen précis de sa situation ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu les articles 3, 4, 5, 7 10 et 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

s'agissant de l'arrêté du 12 février 2024 :

- son signataire est incompétent ;

- il est insuffisamment motivé et résulte d'un défaut d'examen précis de sa situation ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté du 12 février 2024 est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 1er février 2024.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 avril et 17 mai 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2024.

Par une lettre du 18 mars 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert attaqué en raison de l'expiration du délai de 6 mois prévu à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., ressortissant russe, né le 6 juillet 1999 a sollicité l'asile, le

26 décembre 2023. Par un arrêté du 1er février 2024 le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un arrêté du 12 février 2024, il l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. H... relève appel du jugement du 1er mars 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'étendue du litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. / (...) ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de M. H... vers la Croatie a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration, le jour même, du jugement du 1er mars 2024 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt et la France est devenue responsable de la demande d'asile du requérant sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 rappelées ci-dessus. Dans ces conditions, les conclusions de M. H... tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre cet arrêté sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

5. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressée ayant été exécuté, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation présentées par M. H....

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert :

6. En premier lieu, l'arrêté de transfert litigieux comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé en droit et en fait, contrairement à ce que soutient M. H....

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. H....

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " (...) En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication (...) ".

9. Si M. H... soutient que l'interprète qui a traduit ses propos lors de son entretien en préfecture étant intervenu par téléphone, la procédure serait irrégulière au regard des dispositions précitées il n'établit pas que l'usage du téléphone n'aurait pas été justifié en l'espèce par la nécessité. Au contraire, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de son entretien du 26 décembre 2023, qu'il a compris les questions qui lui ont été posées et qu'il a été en mesure d'y répondre précisément et de faire valoir tous éléments utiles.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article

5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

12. Il ressort des pièces du dossier que M. H... s'est vu remettre, le

26 décembre 2023, le jour de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, en langue russe, dont il a signé les pages de garde et qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées. Il ressort en outre du compte-rendu de son entretien du même jour, conduit avec l'aide d'un interprète en langue russe, qu'il a déclaré que " le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires m'ont été remis dans une langue que je déclare comprendre. ", " je reconnais que les informations contenues dans le guide du demandeur d'asile, ainsi que dans les brochures A et B m'ont été communiquées oralement et je reconnais les avoir comprises " et que " l'information sur les règlements communautaires m'a été remise ". Dans ces conditions, M. H... n'est pas fondé à soutenir que ces informations ne lui auraient pas été remises et que son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 aurait été méconnu.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

14. Il ressort des mentions figurant sur le résumé signé par M. H... qu'il a bénéficié le 26 décembre 2023, soit avant l'intervention de la décision litigieuse, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Aucun élément du dossier ne permet d'établir que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

15. En sixième lieu, contrairement à ce que soutient M. H... les dispositions de l'article 19 du règlement n° 604/2013 n'imposent aucune mention obligatoire de l'itinéraire emprunté par le demandeur d'asile dont le défaut entraînerait l'irrégularité de la décision de transfert. Un tel moyen ne peut qu'être écarté.

16. En septième lieu, aux termes de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. / (...) 5. L'État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour (...) ".

17. Il ressort des pièces du dossier que les empreintes digitales de M. H... ont été enregistrés dans le système Eurodac en tant que demandeur d'asile en Croatie le 18 juin 2023 et que les autorités croates ont explicitement accepté, le 17 janvier 2024, sur la demande des autorités française, de le reprendre en charge. Il ne peut utilement soutenir que les autorités françaises ont sollicité cette reprise en charge sur le fondement des dispositions du b du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que les autorités croates ont accepté la reprise en charge au titre des dispositions précitées du 5 de l'article 20 du même règlement, ce qui suffit à fonder la décision de transfert.

18. En huitième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) g) " membres de la famille", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable (...) /- les enfants mineurs (...)/- lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte (...) /-lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'état membre dans lequel le bénéficiaire se trouve (...) ". L'article 10 du même règlement dispose que : " Si le demandeur a, dans un État membre, un membre de sa famille dont la demande de protection internationale présentée dans cet État membre n'a pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". Aux termes de l'article 11 du même règlement " Lorsque plusieurs membres d'une famille (...) introduisent une demande de protection internationale dans un même État membre simultanément, ou à des dates suffisamment rapprochées pour que les procédures de détermination de l'État membre responsable puissent être conduites conjointement, et que l'application des critères énoncés dans le présent règlement conduirait à les séparer, la détermination de l'État membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes: a) est responsable de l'examen des demandes de protection internationale de l'ensemble des membres de la famille (...) l'État membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d'entre eux (...) ".

19. Il ressort des pièces du dossier, que M. H... a déposé une première demande d'asile auprès des autorités croates le 18 juin 2023 alors que M. F..., qu'il déclare être son père, a fait sa demande de protection internationale le 5 janvier 2024 auprès des autorités françaises. Ainsi, ils ne pouvaient être regardés comme ayant déposé une demande d'asile simultanée ou comme ayant déposé leur demande d'asile à des dates suffisamment rapprochées, au sens de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. M. H... ne peut donc soutenir que le préfet aurait dû procéder à une instruction conjointe de leur demandes d'asile prévue à l'article 10 du même règlement. De plus, cette personne n'est en tout état de cause pas un membre de la famille de M. H... au sens du g) de l'article 2 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, et celui-ci ne relevait donc pas des prévisions de l'article 10 et de l'article 11 de ce règlement. Si M. H... se prévaut de la présence de cette personne et d'un frère en France, qui auraient vocation à y séjourner s'ils obtenaient l'asile, eu égard à son âge de 24 ans à la date de la décision litigieuse, au fait qu'il est célibataire, sans charge de famille en France, où il ne résidait même pas depuis deux mois, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en prenant la décision litigieuse de transfert. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 10 et 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

20. En neuvième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

21. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article

3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

22. M. H... soutient que la Croatie n'accueille pas les demandeurs d'asile dans des conditions dignes et ne traite pas leurs demandes conformément aux exigences du droit d'asile, notamment en se livrant à des " push-back " et à des mauvais traitements et violences policières. Toutefois, les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités croates dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Croatie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les autres éléments avancés, notamment tirés de la présence en France de son père et d'un frère, n'établissent pas qu'ils se trouvaient à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Enfin, M. H... ne peut utilement se prévaloir des risques auxquels il serait exposé en Russie alors que la décision contestée n'a pas pour objet de l'éloigner vers ce pays. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire aux articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi qu'à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement doivent être écartés.

23. Il résulte de ce qui a été aux points 6 à 22 que M. H... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de l'arrêté de transfert du 1er février 2024 à l'encontre de l'arrêté d'assignation à résidence du 12 février 2024.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant assignation à résidence :

24. En premier lieu, le préfet de Maine-et-Loire a, par un arrêté SG/MICCSE n° 2024-02 du 24 janvier 2024, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 10 du 24 janvier 2024, donné délégation à M. E... G..., adjoint à la cheffe du pôle régional Dublin à la direction de l'immigration et des relations avec les usagers à la préfecture, signataire de la décision contestée, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B... D..., directeur de l'immigration et des relations avec les usagers, et de Mme C... I..., cheffe du pôle, à l'effet de signer les décisions d'application du règlement " Dublin III " prises à l'égard des ressortissants étrangers, notamment les décisions d'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant assignation à résidence doit être écarté.

25. En deuxième lieu, l'arrêté contesté portant assignation à résidence comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé en droit et en fait, contrairement à ce que soutient M. H....

26. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. H....

27. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse uniquement aux institutions et organes de l'Union. Le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un État membre est donc inopérant. Toutefois, il résulte également de cette jurisprudence que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il n'implique toutefois pas systématiquement l'obligation pour l'administration d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, l'étranger soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

28. Le préfet de Maine-et-Loire ne conteste pas ne pas avoir invité M. H... à présenter, préalablement à l'édiction de la décision l'assignant à résidence, ses observations écrites ou orales. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. H... a été mis à même de faire valoir toutes observations lors de l'entretien du 26 décembre 2023 au cours duquel lui a été remis la documentation précitée lui permettant de comprendre la procédure engagée à son encontre. Il ne pouvait ainsi ignorer qu'il était susceptible de faire l'objet de mesures de police comme une assignation à résidence et a disposé jusqu'à la date du 12 février 2024 de la possibilité de présenter ses observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

29. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. / (...) / En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. / L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée. / (...) ". Par ailleurs, l'article L. 751-5 du même code dispose que : " L'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 751-2 se présente aux convocations de l'autorité administrative, doit répondre aux demandes d'information et se rendre aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ou de l'exécution de la décision de transfert. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité, dans les conditions prévues à l'article L. 814-1. / (...). ". Aux termes de l'article R. 733-1 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure :/ 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".

30. M. H... soutient que la décision l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique, pendant une durée de quarante-cinq jours, serait disproportionnée du fait de l'obligation qui lui est imposée de se présenter tous les mercredis et jeudis à 8 heures, au commissariat de police à Nantes. Toutefois, il n'est pas démontré que cette obligation et ses modalités présenteraient pour l'intéressé un caractère disproportionné au regard de sa situation alléguée de sans domicile fixe. Fondé sur une décision de transfert aux autorités croates, qui ont accepté de le reprendre en charge, au motif qu'il ne dispose pas des moyens financiers lui permettant de se rendre de lui-même en Croatie, ni de garanties de représentation suffisantes, l'arrêté du 12 février 2024 satisfait aux conditions prévues à l'article L. 751-2 précité, et apparaît adapté, nécessaire et proportionné à la finalité qu'il poursuit. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation à cet égard doit être écarté.

31. En sixième et dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 19, M. H... était à la date de la décision litigieuse, âgé de 24 ans, célibataire, sans enfant à charge et résidait en France depuis moins de deux mois. Par suite, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en l'assignant à résidence. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

32. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire une mesure d'instruction pour établir les faits, que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du

12 février 2024 prononçant son assignation à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

33. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. H... aux fins d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

34. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. H... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. H... aux fins d'annulation et d'abrogation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 1er février 2024 portant transfert auprès des autorités croates.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. H... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... H..., à Me Guerin et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00894
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : GUERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;24nt00894 ?
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