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11/04/2025 | FRANCE | N°23NT03660

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 11 avril 2025, 23NT03660


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 décembre 2023 et 15 mai 2024, la société SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :



1°) à titre principal, d'annuler, ou abroger, l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le maire de la commune de Landivisiau a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la SAS Landi Distribution ;



2°) à titre subsidiaire, d'ordonner au maire de Landivisiau d'abroger cette décision,

dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter de la notifica...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 décembre 2023 et 15 mai 2024, la société SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler, ou abroger, l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le maire de la commune de Landivisiau a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la SAS Landi Distribution ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner au maire de Landivisiau d'abroger cette décision, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) à titre très subsidiaire, d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) de rendre un nouvel avis sur le projet, dans un délai de trois mois et au maire de Landivisiau de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire, dans un délai de trois mois suivant ce nouvel avis ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Landivisiau le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ elle a intérêt à agir dès lors qu'il est fait application d'un temps de parcours de

30 minutes maximum pour déterminer la zone de chalandise ; son activité sera significativement affectée par le projet ;

­ le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale délivré le 6 juin 2023 est devenu illégal du fait de l'intervention de l'avis défavorable de la CNAC, le 14 septembre 2023 ; il appartient alors au juge, saisi de conclusions en ce sens, d'en prononcer l'annulation ;

­ la commune ne peut contester l'avis du 14 septembre 2023 que par un recours direct contre le refus de permis de construire pris en conséquence ; la cour n'est pas compétente pour se prononcer sur la légalité de cet avis ;

­ en tout état de cause, la CNAC devait, en application des articles R. 752-10-1 et

R. 752-13 du code de commerce constater l'absence d'avis conforme du préfet.

Par deux mémoires, enregistrés les 18 avril et 28 mai 2024, la commune de Landivisiau, représentée par Me Mailhé, demande à la cour de rejeter la requête de la SAS Distribution Casino France, à titre subsidiaire, d'ordonner à la CNAC de rouvrir l'instruction et de se prononcer dans le délai de trois mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son maire a signé l'arrêté contesté avant d'avoir pu être avisé du recours de la SAS Distribution Casino France, et, a fortiori, avant l'avis substitutif de la CNAC ;

- le recours est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir de la SAS Distribution Casino France ;

- en rectifiant la zone de chalandise dans son avis du 14 septembre 2023, pour admettre la recevabilité du recours, la CNAC a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la qualification juridique des faits et méconnu ses attributions ;

- elle devait solliciter du préfet l'avis prévu au V de l'article L. 752-6 du code de commerce, complété par les articles R. 752 et R. 752-6 du même code ;

- le permis de construire litigieux est légalement fondé par l'avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Finistère du 28 avril 2023 ; le recours devant la CNAC étant irrecevable, le permis est définitif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Landi Distribution exploite, sous l'enseigne E. Leclerc, un ensemble commercial à Landivisiau, comprenant un hypermarché et une galerie commerciale. Elle a déposé une demande d'extension de 1 235 m² de la surface de vente de cet hypermarché de

4 265 à 5 500 m² et de régularisation de 459 m² de surface de vente de la galerie marchande. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Finistère a émis, le 28 avril 2023, un avis favorable à ce projet. Le maire de Landivisiau a délivré le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sollicité par la SAS Landi Distribution le 6 juin 2023. Toutefois, sur recours de la SAS Distribution Casino France, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a, lors de sa séance du 14 septembre 2023, émis un avis défavorable sur le projet porté par la société Landi Distribution. La SAS Distribution Casino France demande à la cour d'annuler le permis de construire du 6 juin 2023 en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête et du recours devant la CNAC :

2. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, (...) tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet (...) peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 752-3 du même code : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. ".

3. Pour l'application de l'article L. 752-17 du code de commerce précité, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale puis, en cas d'autorisation à nouveau donnée par la commission nationale, un recours contentieux. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.

4. D'une part, la zone de chalandise de l'équipement commercial de la SAS Landi Distribution a été déterminée par un consultant indépendant, sur une base isochrone de 20 minutes maximum de temps d'accès au site, limitée à l'est par l'attraction commerciale exercée par un hypermarché à l'enseigne E. Leclerc de 5 996 m² à Morlaix et un ensemble commercial de

36 000 m² à Saint-Martin-des-Champs, à l'ouest de Morlaix comprenant en particulier un hypermarché à l'enseigne Géant Casino de 9 000 m². Toutefois, il n'est pas contesté que le projet ne se trouve qu'à 18 minutes de cet hypermarché Géant Casino et de cet ensemble commercial au moyen d'une route nationale qui a un rôle structurant sur l'axe Brest-Morlaix. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet ensemble commercial, et en particulier cet hypermarché, malgré leur importance et leur localisation exerceraient effectivement un pouvoir d'attraction commerciale tel qu'ils réduiraient l'attractivité du magasin de la SAS Landi Distribution et limiteraient sa zone de chalandise, ce qui justifierait de les exclure, ainsi que plus globalement la commune de Saint-Martin-des-Champs, de la zone de chalandise.

5. D'autre part et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les zones de chalandise des deux sociétés se chevauchent partiellement et que l'activité développée par la SAS Landi Distribution après l'extension en cause aura une incidence significative sur l'activité de la SAS Distribution Casino France, compte tenu en particulier de l'attraction que le magasin exercera nécessairement sur une partie de la clientèle de cette dernière circulant de manière habituelle sur la route nationale n° 12 reliant Landivisiau et Saint-Martin-des-Champs.

6. Il en résulte que la CNAC a pu légalement déduire de l'article L. 752-17 du code de commerce, dès lors qu'elle est nécessairement compétente pour apprécier la recevabilité d'un recours exercé devant elle, que la SAS Distribution Casino France avait intérêt à former un recours contre l'autorisation donnée au projet de la SAS Landi Distribution par la CDAC du Finistère.

En ce qui concerne la légalité du permis de construire litigieux :

7. Il résulte des dispositions de l'article L. 752-17 du code de commerce que, dans tous les cas où intervient un avis, exprès ou tacite, de la commission nationale, cet avis se substitue à l'avis de la commission départementale. Dans le cas où l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial fait l'objet d'un recours devant la commission nationale, le troisième alinéa de l'article R. 752-32 du code de commerce prévoit que : " (...) dans les sept jours francs suivant la réception du recours, le secrétariat de la commission nationale informe, par tout moyen, l'autorité compétente en matière de permis de construire du dépôt du recours ". Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article R. 752-42 du même code dispose qu'en cas d'auto-saisine de la commission nationale, son président notifie la décision de se saisir d'un projet " (...) au préfet du département de la commune d'implantation, au demandeur et, si le projet nécessite un permis de construire, à l'autorité compétente en matière de permis de construire ". Ces dispositions ont pour effet d'organiser l'information de l'autorité compétente en matière de permis de construire, dans tous les cas où l'avis de la commission départementale compétente est porté devant la Commission nationale d'aménagement commercial.

8. Ainsi, en cas de recours introduit devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale compétente, ou en cas d'auto-saisine de la commission nationale, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, qui bénéficie d'un délai d'instruction prolongé de cinq mois en vertu des dispositions de l'article R. 423-36-1 du code de l'urbanisme, doit attendre l'intervention de l'avis, exprès ou tacite, de la commission nationale pour délivrer le permis. En effet, cet avis se substituant, ainsi qu'il a été dit, à l'avis de la commission départementale, le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ne saurait légalement intervenir avant qu'il ait été rendu.

9. En revanche un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale délivré avant l'expiration des délais d'un mois prévus par les I et V de l'article L. 752-17 du code de commerce ne se trouverait pas entaché d'illégalité de ce seul fait. L'insécurité qui résulterait de ce que sa légalité pourrait être mise ultérieurement en cause à raison d'un avis négatif de la commission nationale, que celle-ci soit saisie d'un recours ou qu'elle s'autosaisisse, conduit toutefois à recommander à l'administration d'éviter de délivrer le permis avant l'expiration de ces délais.

10. Le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale délivré par le maire de Landivisiau à la SAS Landi Distribution le 6 juin 2023 est fondé sur l'avis favorable du 28 avril 2023 de la CDAC, auquel s'est toutefois substitué l'avis négatif du 14 septembre 2023 de la CNAC. Il est donc illégal. La commune de Landivisiau ne peut, en tout état de cause, pas contester la légalité de l'avis de la CNAC par voie d'exception dès lors que l'autorisation d'exploitation commerciale a été délivrée antérieurement à l'avis de la CNAC et n'a pas été prise pour l'application de cet avis défavorable, qui n'en constitue ainsi pas la base légale. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la CNAC aurait dû solliciter du préfet l'avis conforme prévu au V de l'article L. 752-6 du code de commerce en cas de dérogation à l'interdiction de délivrer l'autorisation d'exploitation commerciale " pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols ", cet avis devant ainsi qu'elle l'a constaté être produit devant la CDAC compétente pour rendre l'avis sur lequel la commission nationale doit se prononcer. Il en résulte que le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale délivré par le maire de Landivisiau à la SAS Landi Distribution le 6 juin 2023 doit être annulé.

11. Dans le cadre du présent litige, aucun des autres moyens de la SAS Distribution Casino France n'est susceptible d'entraîner, en l'état du dossier soumis à la cour, l'annulation de la décision contestée pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Il est loisible à la SAS Landi Distribution de déposer une nouvelle demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, qui sera examinée le cas échéant par la CDAC au vu de l'avis prévu au V de l'article L. 752-6 du code de commerce. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les conclusions présentées par la commune de Landivisiau au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors qu'elle a la qualité de partie perdante.

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Landivisiau à verser à la SAS Landi Distribution, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le maire de la commune de Landivisiau a délivré à la SAS Landi Distribution un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale est annulé.

Article 2 : La commune de Landivisiau versera une somme de 2 000 euros à la SAS Landi Distribution, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, à la SAS Landi Distribution, à la commune de Landivisiau et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée, pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au préfet du Finistère, chacun en ce qui les concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03660
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;23nt03660 ?
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