Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire enregistrée le 21 juillet 2023 et des mémoires enregistrés les 29 septembre 2023 et 27 août 2024, M. B... E..., l'EARL du Bonnec, Mme et M. D... et Michel Vallée, Mme et M. A... C..., le GAEC C... et l'association Aveladenn, représentés par Me Le Guen, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 du préfet du Finistère fixant à la Société Les Energies du Poher des prescriptions complémentaires s'agissant d'un projet de parc éolien dont la construction est envisagée sur la Commune de Kergloff ;
2°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt à agir contre l'arrêté du préfet dès lors que les prescriptions contenues dans l'arrêté sont insuffisantes pour prévenir les dangers ou inconvénients que peut présenter l'installation du projet ;
- le signataire de la décision attaquée est incompétent ;
- le dossier de porter à connaissance est incomplet et devait contenir une nouvelle étude d'impact permettant de renforcer la connaissance de l'activité des espèces amenées à fréquenter la zone d'implantation étant précisé qu'une zone Natura 2000 se situe à proximité du projet ; il en est de même du volet paysager dès lors que le projet est modifié et que le paysage a nécessairement évolué depuis la délivrance du permis de construire ; l'étude acoustique est insuffisante ;
- les prescriptions émises dans l'arrêté sont insuffisantes ;
- une enquête publique aurait dû également être réalisée compte tenu des modifications substantielles opérées et du caractère obsolète des études réalisées dans le cadre du projet ;
- l'arrêté porte atteinte à la commodité du voisinage et aux paysages compte tenu des caractéristiques du projet et de la topographie des lieux ;
- l'arrêté porte atteinte à la faune et la flore les prescriptions émises étant insuffisantes ; l'autorité administrative ne peut édicter des prescriptions pour reporter à une instruction ultérieure ;
- l'arrêté aurait dû être précédé d'une demande de dérogation prévue par le 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
Par un mémoire enregistré le 1er aout 2023 et des mémoires enregistrés les 11 décembre 2023 et, 24 septembre 2024, la société les énergies du Poher, représentée par Me Gossement conclut au rejet de la requête et à ce que les requérants soient condamnés à lui verser la somme de 4000 euros en application des dispositions d l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que la requête est irrecevable et que les moyens ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2024 et le 5 septembre 2024, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
- et les observations de Me Le Guen représentant l'association Avelladen, M. E... et autres, et Me Le Juez substituant Me Gossement représentant la SARL Les énergies du Poher.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 février 2010, la société " Les Energies du Poher ", a déposé une demande de permis de construire pour un parc de trois éoliennes d'une hauteur de 125,58 mètres développant une puissance globale de 6 mégawatts et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Kergloff, au lieu-dit " Magoarem ". Une décision tacite de refus de délivrance du permis de construire éolien est née le 5 février 2012. La société " Les Energies du Poher " a alors saisi le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement du 28 mars 2014 a annulé cette décision implicite. Par arrêté du 2 juin 2014, la SARL " Les Energies du Poher " s'est vue délivrer un permis de construire pour trois éoliennes et un poste de livraison au lieu-dit " Magoarem " sur le territoire de la commune de Kergloff. La commune de Kergloff, M. B... E... et autres ont déposé des requêtes en annulation de ce permis de construire qui ont été rejetées par le tribunal administratif de Rennes par des jugements du 14 avril 2017. L'appel formé par M. E... et autres a été rejeté par la cour administrative d'appel de Nantes dans un arrêt du 12 novembre 2018. Le recours en cassation contre cet arrêt a été rejeté par le Conseil d'Etat le 21 juillet 2019. Par arrêté du 19 août 2022, le préfet a prorogé la durée de validité de l'autorisation d'exploiter le parc éolien par la société " Les Énergies du Poher " jusqu'au 21 août 2027. Le 28 septembre 2022, la société a déposé en application de l'article L. 181-14 du code de l'environnement un dossier de porter à connaissance concernant des modifications apportées à l'autorisation du 2 juin 2014, valant autorisation environnementale en application de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, au regard des nouvelles prescriptions techniques constructeur et en raison du changement d'avis d'un propriétaire terrien à propos de l'installation d'éolienne sur sa parcelle. Les modifications projetées consistent en la suppression de l'éolienne la plus à l'est, au déplacement d'environ 20 mètres de l'éolienne Nord sur la même parcelle qu'initialement et au changement de modèle d'éolienne. Le 10 mars 2023, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) a émis un rapport concluant que les modifications déclarées ne sont pas substantielles et ne nécessitent pas la réalisation d'une évaluation environnementale. Par arrêté du 20 mars 2023, le préfet du Finistère a délivré à la société " Les Énergies du Poher " une autorisation environnementale fixant les prescriptions complémentaires au permis de construire du 2 juin 2014. C'est la décision attaquée.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 20 mars 2023 :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée :
2. Par un arrêté du 26 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Finistère a donné délégation à M. Christophe Marx, secrétaire général de la préfecture du Finistère et signataire de la décision attaquée, à l'effet de signer, en toutes matières, tous les actes relevant des attributions du préfet, à l'exclusion des arrêtés de délégations de signature et des évaluations des directeurs et chefs de service de l'État. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 181-14 du code de l'environnement :
3. En vertu de l'article L. 181-14 du code de l'environnement, toute modification substantielle d'un projet qui relève de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, tandis qu'en dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente, qui peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire. Aux termes de l'article R. 181-46 du code de l'environnement : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; / 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. / II. - Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. / S'il y a lieu, le préfet, après avoir procédé à celles des consultations prévues par les articles R. 181-18, R. 181-19, R. 181-21 à R. 181-32 et R. 181-33-1 que la nature et l'ampleur de la modification rendent nécessaires et, le cas échéant, à une consultation du public dans les conditions de l'article L. 123-19-2 ou, lorsqu'il est fait application du III de l'article L. 122-1-1, de l'article L. 123-19, fixe des prescriptions complémentaires ou adapte l'autorisation environnementale dans les formes prévues à l'article R. 181-45.(...) ".
4. Il résulte de l'instruction que l'arrêté contesté autorise la modification du nombre d'éoliennes implantées qui passent de trois à deux, modifie la position d'une des deux éoliennes d'une vingtaine de mètres, modifie le modèle d'éolienne, fixe les garanties financières exigées, impose des mesures spécifiques liées à la préservation des enjeux environnementaux locaux et des mesures de surveillance.
5. En premier lieu, les requérants font valoir que la suppression d'un aérogénérateur et le déplacement d'un second aérogénérateur sont de nature à aggraver l'impact du projet sur l'environnement et donc de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement. Cependant, la circonstance qu'une des trois éoliennes initialement autorisées soit supprimée n'est pas de nature à établir que l'implantation des deux autres éoliennes dans l'arrêté contesté aggraverait l'impact du projet sur l'environnement alors que le nombre réduit des éoliennes à implanter diminue l'impact de l'ensemble du projet sur son environnement. Par ailleurs, le changement de modèles d'aérogénérateurs sans modification des caractéristiques physiques par rapport au modèle initialement autorisé, n'aura pour effet ni de modifier les rapports d'échelle des éoliennes, ni d'aggraver leur impact visuel sur les paysages et les habitations et n'aura pas d'impact sur la faune et les chiroptères autres que ceux identifiés lors de l'instruction de l'autorisation initiale. Enfin, les requérants n'établissent pas et il ne résulte pas de l'instruction que le déplacement de l'éolienne la plus au nord serait de nature à porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement.
6. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que les diverses études effectuées en amont du projet sont trop anciennes ce qui est de nature à les rendre inexploitables de sorte qu'il n'était pas possible pour le préfet du Finistère d'apprécier objectivement le dossier, notamment au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et qu'il aurait donc fallu une nouvelle étude d'impact. Cependant, Il résulte des dispositions des articles L. 181-14 et R. 181-46 que le pétitionnaire sollicitant la modification d'un projet pour lequel une autorisation environnementale a d'ores et déjà été délivrée est seulement tenu d'adresser au préfet l'ensemble des éléments permettant à ce dernier d'apprécier le caractère éventuellement substantiel ou notable de cette modification. Par suite, M. E... et autres ne sont pas fondés à soutenir que l'étude d'impact réalisée pour l'instruction de l'autorisation initialement délivrée par le préfet le 2 juin 2014 aurait dû faire l'objet d'une actualisation complète, en raison de son caractère obsolète.
7. En troisième lieu, les requérants font valoir que le préfet ne pouvait se contenter de fixer des prescriptions complémentaires, lesquelles sont nécessairement insuffisantes pour permettre le fonctionnement des installations dans des conditions qui respectent les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du Code de l'environnement. Cependant, la teneur et la pertinence des prescriptions complémentaires imposées dans l'autorisation attaquée n'est pas de nature à démontrer le caractère substantiel des changements opérés au sens des dispositions de l'article R. 181-46 du code de l'environnement.
8. En dernier lieu, les requérants soutiennent que les prescriptions émises dans l'arrêté attaqué par le préfet sont substantielles et nécessitaient le dépôt d'une nouvelle autorisation avec une actualisation des données. Cependant, s'agissant du volet faune/flore et du volet paysage, et ainsi qu'il a été dit, les modifications apportées, tenant à la suppression d'une d'éolienne, au léger déplacement d'une autre et au changement de modèle des aérogénérateurs sans aucune modification des caractéristiques physiques par rapport à celui initialement autorisé ne sont pas susceptibles d'entraîner de danger ou d'inconvénient significatif supplémentaire mais, au contraire, de les réduire quant aux nuisances visuelles et à l'impact sur la faune par rapport aux effets qui avaient été identifiés dans le cadre de l'autorisation initialement délivrée. Ainsi, les prescriptions supplémentaires prévues par l'arrêté attaqué ne sont pas substantielles. Par ailleurs, s'agissant du volet acoustique, il résulte de l'instruction que l'étude acoustique initiale complétée en tenant compte du changement de modèle d'aérogénérateur conclut à un niveau sonore calculé sur le périmètre de mesure est inférieur aux seuils maximums de 70 dB(A) le jour et 60 dB(A) la nuit. Ainsi, l'administration n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 181-14 du code de l'environnement.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de porter à connaissance :
9. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de la délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.
10. Par ailleurs, le II de l'article R. 181-46 du code de l'environnement précité impose au bénéficiaire de l'autorisation de porter à la connaissance du préfet les modifications notables qu'il entend apporter " avec tous les éléments d'appréciation ". Figurent parmi ces éléments d'appréciation, lorsqu'ils sont de nature à avoir une influence sur la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, les éventuels effets cumulés des modifications notables apportées à un parc éolien avec d'autres projets existants ou approuvés.
11. En premier lieu, les requérants se bornent à soutenir que la déclaration de modifications des installations révèle l'insuffisance des études précédemment conduites. Cependant, les modifications envisagées qui consistent en la suppression d'une éolienne, au changement de modèle d'aérogénérateur dont le gabarit demeure néanmoins identique à celui autorisé initialement et au déplacement de l'éolienne nord d'une vingtaine de mètres sur la même parcelle que celle autorisée initialement ne portent aucune atteinte supplémentaire au paysage ou à l'environnement et sont sans portée sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
12. En deuxième lieu, les requérants soulignent le manque de sérieux du porter à connaissance sur le plan acoustique qui admet que le plan de bridage initial ne permet plus de garantir la conformité du projet modifié avec la réglementation du fait de l'évolution de la signature acoustique du modèle tout en ne fournissant aucun nouveau relevé et aucune nouvelle étude. Cependant, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier de porter à connaissance est accompagné d'un complément d'analyse acoustique relatif au nouveau modèle d'éolienne envisagé qui conclut à l'absence de dépassement des seuils règlementaires. Ainsi, l'administration a pu, à bon droit, retenir l'absence d'atteinte à l'un des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
En ce qui concerne l'atteinte aux intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code l'environnement :
13. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ainsi qu'à l'article L. 161-1 du code minier selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...)".
14. En premier lieu, M. E... et autres soutiennent que l'impact paysager pourra être qualifié de fort dès lors que les éoliennes créeront de nouveaux points d'appel visuel. Cependant, et alors que dans le cadre d'un recours contre un arrêté modificatif d'une autorisation précédemment accordée, les requérants ne peuvent soulever que des moyens tirés des vices propres aux modifications autorisées par la nouvelle décision ou ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation, ils se bornent à invoquer l'impact du projet sur le paysage, sans démontrer en quoi les modifications qui ont été autorisées par l'arrêté entrepris seraient de nature à aggraver un tel impact.
15. En deuxième lieu, les requérants se bornent une nouvelle fois à souligner le caractère ancien de l'étude chiroptérologique mais n'apportent aucun élément qui tendrait à démontrer que l'environnement naturel du site aurait évolué. Par ailleurs, le nombre d'éoliennes étant ramené de trois à deux sans modification de leur gabarit, l'impact sur la faune volante sera nécessairement amoindri. Enfin, l'arrêté attaqué prescrit au pétitionnaire d'actualiser les inventaires pour la biodiversité.
En ce qui concerne la dérogation " espèces protégées " :
16. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ;/ 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (... ) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement (...) ".
17. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés, parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
18. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés ministériels du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.
19. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
20. Pour établir la nécessité pour la société d'obtenir une dérogation espèces protégées, les requérants se bornent à préciser que l'inventaire établi à l'occasion de l'instruction de l'autorisation initiale date de 2007 et a mis en évidence la présence d'une espèce protégée sur le site. Cependant, les modifications autorisées par la décision attaquée ne remettent pas en cause le niveau d'impact du parc projeté et tendent même à le réduire par la suppression d'une éolienne sur les trois initialement autorisées. En outre, l'arrêté impose des prescriptions complémentaires parmi lesquelles se trouvent la réalisation d'un inventaire " faune flore " à proximité des installations sur un cycle biologique annuel complet avant le début des travaux et impose un plan de bridage des éoliennes et un suivi environnemental. Il s'ensuit qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un risque suffisamment caractérisé subsisterait après application des mesures d'évitement et de réduction prévues dans la décision attaquée. Enfin, si les requérants considèrent que l'arrêté initial ne comportant pas de mesures d'évitement et de compensation, l'arrêté de prescriptions complémentaires méconnaitrait les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, cette branche du moyen qui ne porte pas sur l'objet de l'arrêté attaqué mais sur l'autorisation initiale doit être écartée comme inopérante.
21. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. E... et autres tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2023 du préfet du Finistère doivent être rejetées sans qu'il besoin d'examiner la fin de non-recevoir articulée en défense et par la société " les énergies du Poher ".
Sur les frais de justice :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. E... et autres de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants la somme que la société " les énergies du Poher " demande au même titre.
D E C I D E :
Article 1er: La requête M. B... E... et autres est rejetée.
Article 2: Les conclusions de la société " énergies du Poher " tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., représentant unique des requérants, à la société des énergies du Poher et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23NT0224102