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04/04/2025 | FRANCE | N°24NT02722

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 04 avril 2025, 24NT02722


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société CPENR de Guémené-Penfao a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol composée de 35 937 modules photovoltaïques, 2 postes de livraison et 4 postes de transformation dans une enceinte de 25,4 hectares sur les parcelles cadastrées à la section YR sous les n°s 32, 33 et 39 ainsi qu'à la sectio

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CPENR de Guémené-Penfao a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol composée de 35 937 modules photovoltaïques, 2 postes de livraison et 4 postes de transformation dans une enceinte de 25,4 hectares sur les parcelles cadastrées à la section YR sous les n°s 32, 33 et 39 ainsi qu'à la section ZX sous les n°s 32, 33, 34, 43, 44, 45, 63 et 70 au lieu-dit Le Haut Guillet à Guémené-Penfao.

Par un jugement n° 2317749 du 9 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 septembre 2024 et 14 janvier 2025, la société CPENR de Gémené-Penfao, représentée par Me Versini-Campinchi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de droit, en ce que le préfet a fondé à tort sa décision sur l'article L. 314-36 du code de l'énergie ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation ; le projet n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité agricole ; il respecte les prescriptions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme et du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il est entaché d'appréciation quant au caractère suffisant de l'étude d'impact.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2024, le ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,

- et les observations de Me Louis, substituant Me Versini-Campinchi, représentant la société CPENR de Guémené-Penfao.

Une note en délibéré présentée par la société CPENR a été enregistrée le 25 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 9 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société CPENR de Guémené-Penfao tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol composée de 35 937 modules photovoltaïques, de 2 postes de livraison et de 4 postes de transformation, dans une enceinte de 25,4 hectares sur les parcelles cadastrées à la section YR sous les n°s 32, 33 et 39 ainsi qu'à la section ZX sous les n°s 32, 33, 34, 43, 44, 45, 63 et 70 au lieu-dit Le Haut Guillet à Guémené-Penfao. La société CPENR de Guémené-Penfao relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " Si la société CPENR de Guémené-Penfao relève que le tribunal a commis une erreur de fait dans l'identification des mesures de compensation collective prévues dans le cadre de son projet de centrale photovoltaïque et soutient que cette erreur a eu une incidence sur l'appréciation portée par les premiers juges quant au respect, par son projet, des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, cette circonstance n'est pas de nature à caractériser une insuffisance de motivation du jugement attaqué, ni à en affecter la régularité. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation de ce jugement doit dès lors être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, applicable aux demandes de permis de construire, dispose : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 (...) ". L'arrêté contesté cite l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, ainsi que les deux décisions du Conseil d'Etat ayant précisé les critères au regard desquels l'autorité administrative doit porter son appréciation pour l'application de cet article. Il comporte l'énoncé des motifs de fait pour lesquels le préfet de la Loire-Atlantique a estimé que l'étude d'impact est insuffisante, s'agissant du choix du site d'implantation et des atteintes à l'avifaune et aux paysages, que le projet porte atteinte à la sauvegarde des paysages et qu'il est incompatible avec l'exercice d'une activité agricole significative. La circonstance, invoquée par la société CPENR de Guémené-Penfao, qui ne conteste pas le caractère suffisant de la motivation de l'arrêté contesté s'agissant de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, que cet arrêté comporte également des motifs révélant un examen de sa demande au regard des critères de l'agrivoltaïsme définis à l'article L. 314-36 du code de l'énergie, est, alors même qu'elle ne se serait pas prévalue de ce régime juridique au soutien de sa demande de permis de construire, sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de l'arrêté contesté.

4. En deuxième lieu, il résulte de la motivation de l'arrêté contesté, rappelée au point précédent, que le préfet de la Loire-Atlantique a examiné la demande de la société CPENR de Guémené-Penfao au regard des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, combinées à celles du règlement du plan local d'urbanisme de Guémené-Penfao. La circonstance qu'il a, de manière superfétatoire, examiné cette demande également au regard du régime de l'agrivoltaïsme défini aux articles L. 314-36 et suivants du code de l'énergie et L. 111-27 du code de l'urbanisme ne suffit pas à entacher la décision contestée d'une erreur de droit. Le moyen tiré de ce que cette décision serait privée de base légale doit dès lors être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " I.- Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ". L'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Guémené-Penfao autorise de telles constructions et installations en zone agricole, en reprenant les termes de cet article du code de l'urbanisme.

6. Ces dispositions ont pour objet de conditionner l'implantation de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dans des zones agricoles à la possibilité d'exercer des activités agricoles, pastorales ou forestières sur le terrain où elles doivent être implantées et à l'absence d'atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. Pour vérifier si la première de ces exigences est satisfaite, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si le projet permet l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d'implantation du projet, au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d'urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s'y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l'emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain, d'une surface de 25,4 hectares, sur lequel doit s'implanter le projet de centrale photovoltaïque est constitué de terres agricoles effectivement exploitées comme prairies permanentes destinées à la production fourragère commercialisée pour la filière bovine et qu'il est inclus dans la " zone agricole protégée ", instituée sur le territoire de la commune de Guémené-Penfao en application de l'article L. 112-2 du code rural et de la pêche maritime et présentant, à ce titre, un intérêt général en raison soit de la qualité de sa production, soit de sa situation géographique, soit de sa qualité agronomique. Les avis rendus sur le projet tant par le maire de la commune de Guémené-Penfao le 29 avril 2022 que par la chambre d'agriculture de la Loire-Atlantique le 11 mai 2022 soulignent le haut potentiel agronomique de ces terres agricoles.

8. D'autre part, si le projet doit permettre l'exercice sur ces terres agricoles d'une activité de pâturage d'un troupeau d'ovins, tant entre les cellules regroupant les panneaux photovoltaïques qu'en-dessous de celles-ci, la société CPENR de Guémené-Penfao ne conteste pas que les revenus de cette activité, exercée pour un troupeau de 120 brebis environ, soit 4,8 brebis par hectare seulement, en raison des contraintes résultant de la présence de la centrale photovoltaïque, ne compenseront pas la perte pour l'économie agricole locale résultant de l'arrêt de la production fourragère exercée sur le site. A ce titre, si la perte de valeur ajoutée dans l'économie agricole est estimée par la société CPENR de Guémené-Penfao à 1 189 euros par an, il ressort des pièces du dossier que cette estimation, à partir de laquelle ont été définies les mesures de compensation collective, est, ainsi que l'ont fait valoir, dans leurs avis rendus sur le projet, tant la chambre d'agriculture de la Loire-Atlantique, le 11 mai 2022, que la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, le 16 décembre 2022, a été minorée en ce qu'elle est fondée sur le maintien des subventions accordées au titre de la politique agricole commune, que l'article L. 314-38 du code de l'énergie ne garantit que pour les installations agrivoltaïques au sens de l'article L. 314-36 du même code, dont il n'est pas établi ni même allégué que ce projet relèverait.

9. Ainsi, eu égard à la superficie importante du projet, à la qualité des terres agricoles sur lesquelles il s'implante, à la faible densité de l'activité d'élevage qui peut s'y développer du fait des contraintes résultant de la présence des cellules photovoltaïques et à la perte de valeur ajoutée qu'il engendre pour l'activité agricole locale, le préfet de Loire-Atlantique a fait une exacte application des dispositions précitées en estimant que le projet litigieux ne permettait pas l'exercice sur le site d'une activité agricole significative et ne pouvait, dès lors, être autorisé en application des dispositions de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

10. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Loire-Atlantique aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder sur ce seul motif. Les moyens invoqués à l'encontre des deux autres motifs de refus opposés par l'arrêté contesté doivent dès lors être écartés comme inopérants.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société CPENR de Guémené-Penfao n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de la société CPENR de Guémené-Penfao, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par la société CPENR de Guémené-Penfao doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la société CPENR de Guémené-Penfao au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société CPENR de Guémené-Penfao est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société CPENR de Guémené-Penfao, au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chacun en ce qui les concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02722
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-04;24nt02722 ?
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