Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCEA Ecurie Bruni a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 juillet 2020 par laquelle la commission supérieure de la Société d'encouragement à l'élevage du cheval français (SECF) lui a interdit d'engager et de faire courir tout cheval dans toutes les épreuves régies par le code des courses au trot jusqu'au 31 décembre 2020, l'a condamnée à une amende de 15 000 euros et a ordonné la publication de sa décision à son bulletin.
Par un jugement n°2009745 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars 2024, la SCEA Ecurie Bruni, représentée par Me Fallourd, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 janvier 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 29 juillet 2020 de la commission supérieure de la Société d'encouragement de l'élevage du cheval français prise à l'encontre de la SCEA Ecurie Bruni ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision, qu'elle soit considérée comme une mesure de police ou une sanction, est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision a été prise en méconnaissance du principe d'impartialité et du principe de loyauté de la preuve de l'infraction ;
- la décision est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de l'article 25 du code des courses au trot qui ne renvoie pas à l'article 96 du même code et ne détermine pas clairement les sanctions applicables à un propriétaire de chevaux de course en méconnaissance des principes d'accessibilité et d'intelligibilité en méconnaissance des principes de sécurité juridique et de légalité des délits et des peines ;
- la décision, qui est à la fois une mesure de police et une sanction administrative, est disproportionnée alors que l'interdiction d'engager et de faire courir tout cheval dans les épreuves régies par le code des courses au trot et l'amende de 10 000 euros ont de très lourdes conséquences financières contraignant la société à une inactivité de 10 mois.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2024, la Société d'encouragement à l'élevage du trotteur français, représentée par Me Beau, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCEA Ecurie Bruni sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SCEA Ecurie Bruni ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, modifiée par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;
- le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 ;
- le décret n° 2010-314 du 2 novembre 2010 ;
- le code des courses au trot, approuvé par le ministre chargé de l'agriculture ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marion,
- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,
- les observations de Me Beau, représentant la société d'encouragement à l'élevage du cheval français.
Considérant ce qui suit :
1. La SCEA Ecurie Bruni a été agréée en qualité de propriétaire de chevaux de course, titulaire de couleurs (casaques et toques), et d'une autorisation de faire courir qui lui a été délivrée le 16 mai 2019 par la société d'encouragement à l'élevage du cheval français (SECF), devenue en mai 2023 la société d'encouragement à l'élevage du trotteur français (SETF). A la suite d'une enquête ouverte pour déterminer si la SCEA Ecurie Bruni était impliquée dans l'entraînement de plusieurs chevaux de course sans être titulaire d'une autorisation d'entraîner, les commissaires de la SECF ont pris une décision le 14 mai 2020 à son encontre, d'interdiction d'engager et de faire courir tout cheval dans toutes les épreuves régies par le code des courses au trot jusqu'au 31 décembre 2020 et lui ont infligé une amende de 15 000 euros et ordonné la publication de la décision au bulletin de la SECF. Le 18 mai 2020, la SCEA Ecurie Bruni a saisi la commission supérieure de la SECF, qui a confirmé la sanction prononcée par les commissaires de la SECF par une décision du 29 juillet 2020. La SCEA Ecurie Bruni demande à la cour d'annuler le jugement du 26 janvier 2024 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande d'annulation de la décision du 29 juillet 2020.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; 2° Infligent une sanction... " et de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. La décision en litige vise le code des courses au trot, et notamment les articles 96, 99, 100 et 115 et mentionne que la SCEA Ecurie Bruni a exercé une activité d'entraînement de chevaux de course sans avoir préalablement obtenu l'autorisation délivrée par les commissaires de la SECF prévue par l'article 94 § II du code des courses au trot après enquête du service des courses et jeux du ministre de l'intérieur et a ainsi porté atteinte aux intérêts moraux de la SECF dont la mission est d'assurer le respect réglementation en matière de courses de chevaux. Par suite, la décision qui énonce les considérations de droit et de fait qui la fonde est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 99 du code des courses au trot : " La Commission Supérieure statue : " (...) comme instance d'appel des décisions prises par les Commissaires de la SECF... ". La requérante soutient que la décision serait entachée d'un défaut d'impartialité au motif que 4 des 5 commissaires de la SECF ayant pris la sanction du 14 mai 2020 prononcée à l'encontre de la SCEA ont déjà infligé le 5 mars 2020 une sanction à un salarié de la SCEA Ecurie Bruni pour avoir entraîné au trot des chevaux de course de l'écurie sans autorisation. La circonstance que M. B... A..., salarié de la SCEA Ecurie Bruni a été auparavant sanctionné pour avoir administré des substances interdites à trois chevaux de course de l'écurie Bruni et avoir entraîné quatre chevaux de course appartenant à la SCEA Ecurie Bruni ainsi que des chevaux de course appartenant à des tiers sans avoir disposé d'un agrément en qualité d'entraîneur de chevaux au trot n'est pas de nature à entacher la décision, sanctionnant son employeur, d'un défaut d'impartialité alors que la procédure de poursuite d'un salarié d'une société de courses est distincte de celle dirigée contre la société de courses qui l'emploie. En outre, les commissaires composant la commission supérieure de la SECF n'ont manifesté aucun préjugé défavorable ou animosité à l'encontre de la SCEA. Enfin, la commission supérieure de la SECF ne présentant pas le caractère d'une juridiction, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant.
5. En troisième lieu, la circonstance que pour établir que la SCEA Ecuries Bruni facturait à des propriétaires des chevaux qu'elle faisait courir des prestations d'entraînement sans être titulaire d'une autorisation, la SECF s'est fondée sur les factures émises par la SCEA Ecuries Bruni retrouvées dans sa comptabilité par le service des jeux et courses du ministère de l'intérieur ne saurait caractériser une méconnaissance du principe de loyauté de la preuve, l'ensemble de ces documents ayant été soumis à la procédure contradictoire préalable au prononcé des sanctions.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 25 du code des courses au trot, intitulé " sanctions applicables à un propriétaire " : " I Les sanctions applicables à un propriétaire et à toute personne possédant une part d'intérêt quelconque dans la propriété d'un cheval engagé ou courant dans une course régie par le présent Code sont : - l'amende ; l'interdiction temporaire, jusqu'à nouvelle décision, d'engager et de faire courir tout cheval dans de telles courses ; - l'exclusion, jusqu'à nouvelle décision, des locaux affectés au pesage, ainsi que des terrains d'entraînement appartenant aux Sociétés de courses. L'intéressé est toujours appelé à fournir ses explications... " et de l'article 96 du même code intitulé " Mesures conservatoires et pouvoirs disciplinaires des Commissaires de la SECF " du même code : " / (...) / II. Sanctions disciplinaires : " Les Commissaires de la SECF ont le pouvoir, dans le respect des droits de la défense, de : - donner un avertissement qui sera inséré dans le Bulletin de la SECF à toute personne soumise à leur autorité ; [...] - mettre une amende n'excédant pas cent mille euros, à toute personne soumise à leur autorité et porter à ce montant les amendes prononcées par les Commissaires des courses ; [...] - prononcer, suivant la gravité de l'infraction, une des sanctions entrant dans les limites de leurs pouvoirs, pour tout fait constituant une atteinte à l'autorité des sociétés de courses et, notamment, tout fait heurtant les intérêts moraux et matériels desdites sociétés, commis par une personne soumise à leur autorité [...] ".
7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les commissaires de la SECF sont habilités à prononcer à l'encontre des propriétaires d'un cheval de course ou de parts d'intérêt dans la propriété d'un cheval de course les sanctions administratives définies à l'article 25 du code des courses au trot, dans les conditions de quantum et de maximum précisées à l'article 96 de ce même code. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions des articles 25 et 96 du code des courses au trot violeraient l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme ainsi que les principes de sécurité juridique et de légalité des délits et des peines.
8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la SCEA Ecurie Bruni ne conteste pas la matérialité des faits d'entraînement sans autorisation de chevaux de course lui appartenant ou appartenant à des clients. Elle ne nie pas davantage que son gérant avait déjà été sanctionné en 2017 en raison de la présence de produits prohibés dans les analyses des prélèvements effectués sur deux chevaux déclarés à son effectif d'entraînement ni que le salarié, M. C... B... A..., qu'elle a employé afin d'entraîner les chevaux de son écurie, a été sanctionné pour avoir administré des substances interdites à trois des quatre chevaux de son écurie et avoir entraîné au total 17 chevaux de course appartenant à l'écurie ou mis en pension par leurs propriétaires sans avoir disposé d'un agrément en qualité d'entraîneur de chevaux au trot. Si la requérante fait valoir enfin que la décision en litige a eu pour effet de la conduire, en raison des conséquences économiques de la sanction, à mettre fin à son activité, cette circonstance, eu égard à la gravité des faits reprochés, ne permet pas de regarder la décision en cause comme étant disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède, que la SCEA Ecurie Bruni n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SETF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la SCEA Ecurie Bruni de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCEA Ecurie Bruni le versement à la SETF d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCEA Ecurie Bruni est rejetée.
Article 2 : La SCEA Ecurie Bruni versera à la SETF une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la SCEA Ecurie Bruni et à la société d'encouragement du cheval français .
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.
La rapporteure,
I. MARION
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00907