Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 août 2021 par lequel le directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) l'a promue à l'échelon 2 du grade d'infirmière spécialisée, l'arrêté du 10 septembre 2021 par lequel la même autorité l'a réintégrée pour ordre et radiée des cadres de l'APHP au 1er septembre 2019, ainsi que la décision du 14 décembre 2021 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2200851 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2024, Mme A..., représentée par Me Chevalier, demande à la cour :
1°) de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant le Conseil d'Etat ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 décembre 2023 ;
3°) d'annuler les arrêtés des 25 août 2021 et 10 septembre 2021 ainsi que la décision du 14 décembre 2021 rejetant son recours gracieux ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'alinéa II de l'article 110 de la loi du 5 septembre 2018, qui prévoient que seuls les fonctionnaires placés en position de disponibilité à compter du lendemain de la publication de ce texte et qui continuent une activité professionnelle bénéficient d'un droit à avancement pendant une période maximale de 5 ans, portent atteinte au principe constitutionnel d'égalité de traitement entre fonctionnaires d'un même corps ;
- l'article 17 du décret n°2019-234 du 27 mars 2019, pris pour l'application à certaines catégories de fonctionnaires des dispositions de l'alinéa II de l'article 110 de la loi du 5 septembre 2018, est de ce fait dépourvues de base légale, de même que, par voie de conséquence, les décisions litigieuses.
Par un mémoire distinct, enregistré au greffe de la cour le 12 février 2024, Mme A... a soulevé la question prioritaire de constitutionnalité tirée de la conformité du II de l'article 110 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Par une ordonnance n° 24NT00365 QPC du 28 mars 2024, la présidente de la 3ème chambre de la présente cour a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat
Par une décision du 5 juillet 2024, le Conseil d'Etat, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer devant le conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A..., qui ne présentait pas une question nouvelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2024, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), représentée par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Cet établissement soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 ;
- le décret n°88-976 du 13 octobre 1988 ;
- le décret n° 2019-234 du 27 mars 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de M. Catroux, rapporteur public.
Une note en délibéré, enregistrée le 21 mars 2025, a été produite pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. A compter du 8 janvier 2014, Mme A..., infirmière titulaire, a été nommée à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Par un arrêté du 8 décembre 2015, elle a été placée en disponibilité pour convenances personnelles, pour la période du 21 décembre 2015 au 20 décembre 2017. Par un arrêté du 1er décembre 2017, elle a été maintenue dans cette position statutaire jusqu'au 20 décembre 2019. Par un arrêté du 11 octobre 2019, l'intéressée a de nouveau été placée en disponibilité pour convenances personnelles au titre de la période allant du 21 décembre 2019 au 20 décembre 2021. Durant ces trois périodes, Mme A... a poursuivi son activité professionnelle d'infirmière auprès de sociétés privées ou en qualité de contractuelle auprès du département du Morbihan. La requérante, qui a été placée en arrêt de maladie à compter du 23 juillet 2020, puis en congé maternité jusqu'au 28 janvier 2021, a par un courrier du 28 juin 2021, demandé à l'AP-HP sa réintégration en vue d'obtenir sa mutation au département du Finistère. Par un arrêté du 25 août 2021, le directeur général de l'AP-HP l'a promue à l'échelon 2 de son grade d'infirmière spécialisée au 18 janvier 2020, sans ancienneté conservée. Par un arrêté du 10 septembre 2021, il l'a réintégrée pour ordre à l'échelon 2, avec une ancienneté conservée de 6 mois et 23 jours au 31 août 2021, et l'a radiée des cadres de l'AP-HP au 1er septembre 2019. Après avoir exercé un recours gracieux, Mme A... a contesté devant le tribunal administratif de Rennes ces deux décisions, qui lui ont été notifiées le 28 septembre 2021. Elle relève appel du jugement du 22 décembre 2023 par lequel les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions contestées :
2. Aux termes de l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son établissement, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite (...) ". Aux termes de l'article 110 de cette loi du 5 septembre 2018, qui a été publiée au Journal Officiel le 6 septembre 2018 : " I.- Après le premier alinéa de l'article 62 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 (...) sont insérés trois alinéas ainsi rédigés : " Par dérogation au premier alinéa, lorsqu'un fonctionnaire bénéficie d'une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l'avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps (...). II.- Le deuxième alinéa de l'article 62 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable aux mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité prenant effet à compter du lendemain de la publication de la présente loi. ".
3. En application de ces textes législatifs, l'article 36-1 du décret du 13 octobre 1988 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires hospitaliers, à l'intégration et à certaines modalités de mise à disposition, créé par l'article 13 du décret du 27 mars 2019 modifiant certaines conditions de la disponibilité dans la fonction publique, prévoit que : " Le fonctionnaire qui, placé en disponibilité dans les conditions prévues au 2° de l'article 31, à l'article 32, à l'article 33 et au titre des a et b de l'article 34, exerce, durant cette période, une activité professionnelle conserve ses droits à l'avancement d'échelon et de grade dans la limite de cinq ans (...). ". L'article 17 de ce décret du 27 mars 2019 précise que " II. - Les dispositions (...) des articles 36-1 et 36-2 du décret du 13 octobre 1988 précité, dans leur rédaction issue du présent décret, sont applicables aux mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité prenant effet à compter du 7 septembre 2018. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été placée en disponibilité pour convenances personnelles par trois arrêtés successifs, le premier pris le 8 décembre 2015, le deuxième le 1er décembre 2017, et le dernier en date du 11 octobre 2019. En application des dispositions législatives et règlementaires rappelées aux points 2 et 3, seules les années de service accomplies par l'intéressée alors qu'elle était placée en disponibilité de la fonction publique hospitalière en vertu de ce dernier arrêté, seul postérieur au 7 septembre 2018, pouvaient ainsi lui ouvrir droit à avancement dans son corps d'origine.
5. Si la requérante conteste la différence de traitement résultant de ces dispositions et la violation du principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, par une décision n° 493568 du 5 juillet 2024, le Conseil d'Etat, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a jugé qu'en adoptant des dispositions plus favorables pour les fonctionnaires qui demandaient un placement en disponibilité ou un renouvellement de disponibilité postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018, le législateur avait entendu inciter à la mobilité afin de faire bénéficier la fonction publique des compétences acquises dans un autre cadre professionnel et que ce dispositif poursuivait un objectif d'intérêt général, en rapport direct avec l'objet de la loi, tout en rappelant le caractère transitoire de cette différence de régime.
6. Par suite, la requérante ne peut utilement soutenir, dans le cadre de la présente instance, que les dispositions du II de l'article 110 de la loi du 5 septembre 2018 porteraient atteinte au principe constitutionnel d'égalité de traitement entre fonctionnaires d'un même corps et que, tant l'article 17 du décret du 27 mars 2019, que les décisions contestées, seraient de ce fait dépourvues de base légale. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas davantage lieu de mettre à la charge de Mme A... le versement à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris d'une somme au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2025.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00365