Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 7 août 2022 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 avril 2022 de l'autorité consulaire française à Alger refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint de Français.
Par un jugement n° 2213215 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours née le 7 août 2022 et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 août 2023, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes et de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que le mariage de M. A... avec une ressortissante française a été contracté à des fins étrangères à l'union matrimoniale en ce qu'il est établi qu'il n'y a pas de communauté de vie entre les époux.
Par lettre du 17 juillet 2024, M. A... a été mis en demeure de produire dans un délai de quarante-cinq jours ses observations en réponse à la communication de la requête, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision implicite née le 7 août 2022 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 avril 2022 de l'autorité consulaire française à Alger refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint de Français et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement, en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France née le 7 août 2022 et lui a fait injonction de délivrer le visa sollicité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 612-3 du code de justice administrative : " Sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 611-8-1, lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti en exécution des articles R. 611-10, R. 611-17 et R. 611-26, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut lui adresser une mise en demeure. (...) ". Aux termes de l'article R. 612-6 du même code : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier.
3. La cour a adressé à M. A..., sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, une mise en demeure de produire, dans le délai de quarante-cinq jours, ses observations en réponse à la requête d'appel du ministre de l'intérieur, enregistrée le 8 août 2023. Ce courrier, qui a été notifié le 17 juillet 2024, rappelait en outre que, à défaut de produire un mémoire en défense dans le délai imparti par la mise en demeure, il serait, en vertu de l'article R. 612-6 du même code, réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête du ministre de l'intérieur.
4. Aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.
5. Il ressort de l'accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire formé par M. A... à l'encontre de la décision du 6 avril 2022 de l'autorité consulaire à Alger, et adressé le 13 juin 2022 par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France que, pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par l'intéressé en qualité de conjoint de français, la commission de recours s'est appropriée le motif de refus opposé par l'autorité consulaire dans sa décision, tiré de ce que la demande de visa a été présentée à des fins étrangères à l'objet du visa sollicité en qualité de conjoint d'un ressortissant français et revêt ainsi un caractère frauduleux.
6. Le ministre de l'intérieur soutient dans sa requête d'appel que M. A... n'a eu aucune communauté de vie avec son épouse ni avant, ni après leur mariage, contracté le 27 octobre 2017. M. A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense avant la clôture de l'instruction, est réputé avoir acquiescé à ces faits, dont l'inexactitude ne ressort d'aucune pièce du dossier. En l'absence de tout élément produit par M. A..., en première instance comme en appel, susceptible d'établir la réalité de l'intention matrimoniale des époux, le ministre de l'intérieur doit être regardé comme établissant le caractère frauduleux de ce mariage. Ainsi, c'est à tort que, pour annuler la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France née le 7 août 2022, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce que la commission aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
8. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation (...) ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.
9. Lorsque, dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, le demandeur a été averti au préalable de ce que la décision implicite par laquelle la commission de recours rejetterait, le cas échéant, sa demande s'approprierait les motifs de la décision de l'autorité consulaire, l'intéressé peut utilement faire valoir devant le juge que cette décision consulaire est insuffisamment motivée, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement.
10. M. A... a été informé, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, de ce que la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France contestée devait être regardée comme s'appropriant le motif de la décision du 6 avril 2022 de refus de visa de l'autorité consulaire française à Alger, tiré de ce que la demande de visa a été présentée par l'intéressé à des fins étrangères à l'objet du visa sollicité en qualité de conjoint d'un ressortissant français et revêt ainsi un caractère frauduleux. Cette motivation a mis à même l'intéressé d'identifier les motifs fondant la décision contestée et de les discuter utilement devant le juge administratif. Le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit dès lors être écarté.
11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative n'aurait pas procédé à un examen de la situation particulière de M. A....
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Eu égard à ce qui a été dit au point 6 ci-dessus, M. A..., dont le mariage avec une ressortissante française revêt un caractère frauduleux, n'est pas fondé à se prévaloir de ce lien matrimonial pour soutenir que la décision contestée aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit dès lors être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision implicite née le 7 août 2022 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer le visa d'entrée et de long séjour sollicité.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02413