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28/03/2025 | FRANCE | N°24NT00995

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 28 mars 2025, 24NT00995


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par un jugement du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a ordonné, avant de se prononcer sur les conclusions de la requête présentée par M. et Mme E... et B... F..., tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale (CCAS) de Lanester à réparer l'intégralité des préjudices consécutifs à la contamination de leur fille, A..., par la bactérie Escherichia Coli au sein de la crèche municipale de Lanester, et après avoir retenu la responsabilité du c

entre communal d'action sociale de Lanester quant à cette contamination, qu'il soit procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a ordonné, avant de se prononcer sur les conclusions de la requête présentée par M. et Mme E... et B... F..., tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale (CCAS) de Lanester à réparer l'intégralité des préjudices consécutifs à la contamination de leur fille, A..., par la bactérie Escherichia Coli au sein de la crèche municipale de Lanester, et après avoir retenu la responsabilité du centre communal d'action sociale de Lanester quant à cette contamination, qu'il soit procédé à une expertise médicale afin d'évaluer l'étendue des préjudices invoqués. L'expert désigné a déposé son rapport le 27 juin 2023. M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre communal d'action sociale de Lanester à verser à leur fille A..., une somme de 15 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices, ainsi qu'à eux-mêmes une somme de 5 000 euros chacun à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices propres. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère demandait, pour sa part, la condamnation du CCAS à lui rembourser la somme de 8 597,81 euros versée au titre des prestations de santé reçues par la jeune A... F..., ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 2002079 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a condamné le CCAS de Lanester à verser à M. et Mme F..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leur fille A..., la somme totale de 20 000 euros à titre de provision et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère la somme de 8 597,81 euros, assortie des intérêts au taux légal, outre la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge définitive du CCAS de Lanester les frais de l'expertise médicale liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions présentées par M. et Mme F....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2024, le CCAS de Lanester, représenté par Me Phelip, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 février 2024 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme F... devant le tribunal administratif de Rennes ou, à titre subsidiaire, de constater le caractère injustifié et excessif des sommes réclamées ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme F... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune faute de service n'a été commise, la contamination du patient zéro au sein du cercle familial étant hautement probable, les règles d'hygiène étaient scrupuleusement respectées par le personnel de la crèche ; dès les premiers jours de l'apparition des symptômes des communiqués ont été adressés aux familles pour préciser le nom de la maladie, les signes cliniques et les personnes à contacter pour assurer la prise en charge médicale des enfants ;

- la contamination de la jeune A... n'étant par ailleurs pas de nature à créer une rupture d'égalité devant les charges publiques, sa responsabilité sans faute ne peut être engagée ; aucun préjudice anormal et spécial n'est établi ;

à titre subsidiaire :

- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, une juste indemnité ne saurait excéder 1 310 euros ;

- concernant les souffrances endurées, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant aux requérants une indemnité de 2 400 euros ;

- la somme de 3 000 euros réclamée au titre du remboursement de la facture du docteur C... est exorbitante et devra être ramenée à de plus justes proportions ;

- le préjudice d'attente et d'inquiétude des parents de la jeune A... n'est pas établi ;

- le préjudice d'affection de M. et Mme F... n'est pas établi ;

- eu égard aux imprécisions de l'attestation d'imputabilité et à l'absence de justification probante des frais hospitaliers, aucune somme ne saurait être allouée à la CPAM du Finistère.

Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2024, M. et Mme F..., représentés par Mes Bibal et Mahieu, concluent :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit fait droit à l'intégralité de leur demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) à ce que soit mise à la charge du CCAS de Lanester la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- à titre principal, le CCAS n'a pas fait appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 avril 2022 statuant sur la responsabilité et leur droit à réparation et il n'est donc pas recevable à solliciter l'annulation du jugement du 8 février 2024 en ce qu'il a retenu sa responsabilité, alors que ce dernier jugement ne statue que sur les préjudices subis et leur évaluation ;

- à titre subsidiaire, le CCAS a commis une faute dès lors que les règles d'hygiène n'étaient pas respectées, notamment lors du change des enfants, ce qui a permis la contamination d'un très grand nombre d'entre eux, qu'il y a eu un retard de la crèche à informer les parents de la contamination en cours et qu'elle n'a pas pris les mesures de nature à prévenir les risques et à s'assurer du bien-être des enfants dont elle avait la charge ; la contamination de la jeune A... constitue une rupture d'égalité engageant la responsabilité sans faute du CCAS ; la contamination dont la jeune A... a été victime au sein de la crèche " Lucie Aubrac " est en lien direct et certain avec la dégradation de son état de santé, son hospitalisation et les soins qui ont été et seront nécessaires ;

- le déficit fonctionnel temporaire de leur fille, qui doit être évalué sur la base d'un taux de 30 euros par jour, s'élève à 14 143,50 euros ;

- l'évaluation à 2,5/7 des souffrances endurées par leur fille doit conduire à une indemnisation à hauteur de 6 000 euros ;

- les frais divers exposés dans le cadre de la présente procédure, incluant l'assistance à l'expertise, dont ils devront être indemnisés, s'élèvent à 3 000 euros ;

- ils ont eux-mêmes été, en tant que parents, très impactés par les conséquences de la faute du centre communal d'action sociale de Lanester ;

- leur préjudice d'attente et d'inquiétude s'élève, pour chacun d'eux, à 15 000 euros ;

- leur préjudice d'affection, réactivé à chaque examen médical subi par leur fille, s'élève, pour chacun d'eux, à 15 000 euros.

Par des mémoires, enregistrés les 23 octobre et 3 décembre 2024, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, représentée par Me Paublan, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que l'indemnité forfaitaire de gestion qui doit lui être versée par le CCAS de Lanester soit portée de 1 162 euros à 1 191 euros ;

3°) et à ce que soit mise à la charge du CCAS de Lanester la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a justifié par le relevé versé aux débats ainsi que l'attestation d'imputabilité, qu'elle avait dû supporter des frais pendant l'hospitalisation de la jeune A... F... ;

- l'indemnité forfaitaire de gestion a été actualisée par un arrêté du 18 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 18 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

- et les observations de Me Boone, substituant Mes Bibal et Mahieu, pour M. et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Alors qu'elle était âgée de 6 mois et fréquentait la crèche municipale de Lanester, la jeune A... F... a été victime d'une infection à la bactérie Escherichia Coli, à l'origine du syndrome hémolytique et urémique (SHU) qui a conduit à son hospitalisation. Par un jugement du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a constaté que le centre communal d'action sociale (CCAS) de Lanester avait méconnu ses obligations de prévoir et d'organiser des conditions d'accueil des enfants inscrits à la crèche municipale, garantissant leur santé et leur sécurité, conformément aux exigences de l'article R. 2324-17 du code de la santé publique et que cette faute était de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, le tribunal a décidé, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme F..., parents A..., de faire procéder à une expertise afin de compléter et d'actualiser les opérations d'expertise déjà réalisées, sur ordonnance du 18 novembre 2019 du tribunal judiciaire de Lorient. Le docteur de H..., expert désigné par le président du tribunal, a remis son rapport le 27 juin 2023. Les époux F... ont demandé au tribunal administratif de Rennes, la condamnation du CCAS de Lanester à leur verser une provision, à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices subis, s'élevant à la somme de 15 000 euros concernant leur fille et à la somme de 5 000 euros pour chacun d'eux. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère demandait, pour sa part, la condamnation du CCAS de Lanester à lui rembourser la somme de 8 597,81 euros versée au titre des prestations de santé reçues par la jeune A... F..., ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par un jugement du 8 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a condamné le CCAS de Lanester à verser à M. et Mme F..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leur fille A..., la somme totale de 20 000 euros à titre de provision et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère la somme de 8 597,81 euros, assortie des intérêts au taux légal, outre la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge définitive du CCAS de Lanester les frais de l'expertise médicale liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions présentées par M. et Mme F.... Le CCAS de Lanester fait appel de ce jugement et la CPAM du Finistère forme des conclusions d'appel incident tendant à ce que l'indemnité forfaitaire de gestion qui lui a été accordée soit portée à la somme de 1 191 euros.

Sur la responsabilité du CCAS de Lanester :

2. Aux termes de l'article L. 214-1-1 du code de l'action sociale et des familles : " I. -L'accueil du jeune enfant consiste à prendre régulièrement ou occasionnellement soin d'un ou de plusieurs jeunes enfants à la demande de leurs parents ou responsables légaux en leur absence ou, en tant que de besoin ou de manière transitoire, en leur présence. L'accueil de jeunes enfants au sens du premier alinéa est assuré, selon leur mode respectif, par : (...) 2° Les établissements et services mentionnés à l'article L. 2324-1 du code de la santé publique, à l'exception des pouponnières à caractère sanitaire et des accueils mentionnés au troisième alinéa du même article, ainsi que les services d'accueil collectif recevant des enfants âgés de plus de deux ans scolarisés, avant et après la classe ; (...) II. -Les personnes physiques ou morales qui assurent l'accueil du jeune enfant : 1° Veillent à la santé, la sécurité, au bien-être et au développement physique, psychique, affectif, cognitif et social des enfants qui leur sont confiés ; (...) ". L'article R. 2324-28 du code de la santé publique précise que : " (...) Les personnels des établissements y accomplissent leurs tâches dans des conditions satisfaisantes de sécurité, d'hygiène et de confort, en portant aux enfants une attention constante et en organisant de manière adaptée à leurs besoins les repas, le sommeil, le repos, les soins corporels et les activités de jeu et d'éveil. (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, le 5 novembre 2012, le pédiatre de la crèche municipale de Lanester a alerté l'Institut de veille sanitaire (IVS) de la survenue sur une période de quinze jours de trois cas de SHU pédiatrique. La crèche a été fermée les 12 et 13 novembre 2012 afin de procéder à un bionettoyage et de donner le temps au personnel de revoir les mesures d'hygiène stricte permettant d'éviter une transmission de personne à personne. Toutefois, les résultats du plan de nettoyage et de désinfection entrepris s'étant avérés insatisfaisants, il a été décidé une nouvelle fermeture de la structure à compter du 19 novembre jusqu'au 2 décembre 2012. Le rapport de l'Institut de veille sanitaire indique que " l'investigation menée auprès des trois cas de SHU, deux filles de 6 et 10 mois, un garçon de 15 mois, n'a pas permis d'identifier d'autres expositions à risque commun que la fréquentation de la structure. Ces trois cas n'avaient pas le même régime alimentaire au sein de la crèche, du fait de leur âge, les enfants avaient une alimentation plus ou moins lactée et l'enfant le plus jeune ne mangeait pas de viande. (...) Aucun cas de diarrhée n'a été identifié dans l'entourage familial de ces trois enfants. (...) Dix-huit cas ont été identifiés dont six cas confirmés d'infection à E. Coli, un cas probable et onze cas possibles. (...). Aucun cas n'a été identifié dans l'entourage familial des cas confirmés ou probables. (...) Compte tenu des éléments recueillis lors des investigations, l'hypothèse d'une contamination interhumaine a été retenue, l'origine du premier cas restant indéterminée. ". Un rapport de visite du 7 novembre 2012 rédigé par une infirmière de santé publique et un technicien sanitaire, de l'agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, a relevé plusieurs anomalies au sein de la crèche : " de nombreux documents faisant référence aux modalités de nettoyage et de désinfection des surfaces et des équipements sont incomplets, obsolètes et l'information est beaucoup trop éparpillée, exemple (...) les fiches de nettoyage des jouets n'indiquent pas de façon précise le roulement mis en place pour que l'ensemble des jouets soient régulièrement désinfectés. (...) La traçabilité des opérations de nettoyage n'est pas assurée : pas de document émargé par le personnel une fois la tâche effectuée. Aucun autocontrôle bactériologique de surface ne permet de vérifier l'efficacité des opérations de nettoyage et de désinfection. Certaines bouches de VMC sont très empoussiérées et aucun document permettant d'attester de l'entretien régulier des gaines de ventilation n'a été présenté ", " les stockages de matériels, produits, gênent le nettoyage des surfaces. Les chaussures du personnel (...) entravent également les opérations d'entretien. ". S'agissant de l'espace " change ", " des distributeurs de savon et de serviettes ne sont pas installés à proximité immédiate de chaque plan de change et aucun affichage ne rappelle des règles de lavage hygiénique des mains. ". Des anomalies dans la sécurité sanitaire des aliments ont également été constatées. Alors que les investigations menées par l'IVS confirment que la contamination des enfants s'est faite à la crèche, le CCAS se borne à produire une simple liste des mesures d'hygiène et des formations en matière d'hygiène mises en place à partir d'avril 2011, un protocole de lavage des mains non daté et quatre analyses d'échantillons alimentaires en 2012, ce qui n'est pas suffisant pour infirmer les éléments précités. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le CCAS de Lanester a méconnu ses obligations de prévoir et d'organiser des conditions d'accueil des enfants garantissant leur santé et leur sécurité et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

4. En second lieu, il résulte du rapport d'expertise rédigé le 18 septembre 2020 à la demande du tribunal judiciaire de Lorient qu'Adèle F... a été victime d'un syndrome hémolytique et urémique typique avec une anémie ayant nécessité la transfusion de concentrés globulaires sans élément de mauvais pronostic et à l'origine d'une protéinurie transitoire, qui est imputable de manière directe et certaine à l'infection à la bactérie E. Coli contractée en fin d'année 2012, dans le contexte épidémique constaté à Lanester, marqué par de nombreuses anomalies constatées dans l'application des règles d'hygiène, comme il a été dit au point 3. S'il est vrai que la contamination du " patient zéro " demeure inexpliquée, il ne résulte d'aucun des éléments du dossier que la contamination de la fille de G... et Mme F..., deuxième cas constaté, aurait pu intervenir en dehors de la crèche municipale. Le CCAS de Lanester n'est dès lors pas fondé à soutenir que le lien de causalité entre la faute tenant à la méconnaissance, par le CCAS de Lanester, de ses obligations de prévoir et d'organiser des conditions d'accueil des enfants garantissant leur santé et leur sécurité et les préjudices subis par la jeune A... F... et ses parents liés à la contamination de l'enfant par la bactérie E. Coli au sein des locaux de la crèche n'est pas établi. Par conséquent, le CCAS de Lanester doit être condamné à réparer les préjudices qui en résultent.

Sur les conclusions subsidiaires du CCAS de Lanester tendant à la réduction de l'indemnisation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de la jeune A... F... :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

5. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 8 juin 2022 qu'Adèle a d'abord souffert d'une gastro entérite pendant la période du 25 octobre au 1err novembre 2012, entrainant un déficit fonctionnel temporaire de 50 % pendant 7 jours, puis que ses symptômes s'étant aggravés, elle a été hospitalisée du 2 au 15 novembre 2012, son déficit étant alors total pendant 13 jours. Après son retour à domicile, elle a fait l'objet d'une surveillance et n'a pu faire l'objet d'une garde à l'extérieur du domicile avant le 1er octobre 2013, de sorte qu'elle peut être regardée comme ayant souffert d'un déficit fonctionnel temporaire de 25 % pendant cette période de 319 jours. L'expert a également retenu un déficit fonctionnel temporaire de

10 % depuis le 1er octobre 2013, les premiers juges ayant comptabilisé 3 782 jours à la date de mise à disposition du jugement attaqué, le 8 février 2024, à l'exclusion de 12 journées au cours desquelles l'enfant a consulté le Dr D... et a fait l'objet d'évaluations psychologiques pour lesquelles son déficit fonctionnel temporaire est évalué à 50 %. Sur la base d'un taux de 20 euros par jour, ce préjudice pouvait être évalué à la somme globale de 9 585 euros, comme l'a indiqué le tribunal.

S'agissant des souffrances endurées :

6. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par A... ont été évaluées par l'expert à 2,5 sur une échelle de 7 degrés, en tenant compte des symptômes dont elle a souffert, de son état de fatigue, de son hospitalisation avec des soins reçus par transfusion, puis de la surveillance médicale dont elle a fait l'objet. L'expert a relevé que la jeune A... n'avait pas conservé de souvenir de cet épisode. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 2 500 euros, comme l'a jugé le tribunal administratif de Rennes.

En ce qui concerne les préjudices des parents A... F... :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

7. M. et Mme F... ont produit une facture du docteur C..., correspondant à la consultation du dossier médical, à la consultation préparatoire avec eux, au déplacement du docteur C... et à l'assistance à l'expertise organisée à Rennes. Contrairement à ce que soutient le CCAS de Lanester, la seule circonstance que par une ordonnance du 9 janvier 2023 le président du tribunal administratif de Rennes a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert et de son sapiteur à la somme totale de 1 000 euros ne suffit pas à établir que le montant de la facture du docteur C... serait manifestement trop élevé ou que l'intervention de ce praticien n'aurait pas été utile. Ainsi, comme l'a jugé le tribunal, M. et Mme F... sont fondés à solliciter le remboursement de la somme de 3 000 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

Quant au préjudice " d'attente et d'inquiétude " :

8. L'expert judiciaire a indiqué dans son rapport : " il convient de reconnaître l'inquiétude initiale (...) ". Le CCAS de Lanester n'apporte aucun élément permettant d'infirmer l'appréciation faite par le tribunal administratif, dans le jugement attaqué, du préjudice, que M. et Mme F... qualifient " d'attente et d'inquiétude ", qu'ils ont subi, s'agissant de l'incertitude quant à l'évolution de l'état de santé de leur enfant et de son hospitalisation en urgence, en l'ayant estimé à la somme de 1 500 euros pour chacun des parents.

Quant au préjudice d'affection :

9. Compte tenu des douleurs subies par la jeune A... F..., en particulier avant son hospitalisation, le CCAS de Lanester n'apporte aucun élément permettant d'infirmer l'appréciation faite par le tribunal administratif, dans le jugement attaqué, du préjudice d'affection subi par M. et Mme F... en leur ayant accordé à chacun une somme de 1 000 euros.

En ce qui concerne les débours de la CPAM du Finistère :

10. En premier lieu, la CPAM du Finistère a justifié, par une attestation d'imputabilité de son médecin conseil du 22 octobre 2024 et un relevé provisoire des débours, suffisamment précis, des frais d'hospitalisation liés à la prise en charge A... F... au CHU de Lorient du 2 au 13 novembre 2012 et au GHBS de Lorient du 13 au 15 novembre 2012, et des honoraires médicaux, pour un montant total de 8 597,51 euros. Ces frais, qui ont été accordés dans le jugement attaqué, peuvent être regardés comme directement et strictement imputables à la contamination bactérienne de l'enfant à la crèche municipale de Lanester, comme l'a jugé le tribunal.

11. En second lieu, il résulte des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le montant de l'indemnité forfaitaire qu'elles instituent est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Lorsque le plafond de l'indemnité forfaitaire de gestion est relevé entre le moment où la caisse présente ses conclusions tendant à ce qu'elle lui soit attribuée et le moment où le juge statue, la caisse n'a pas à actualiser le montant de ses conclusions, le droit à cette indemnité étant en outre attaché à l'action par laquelle la caisse obtient une indemnisation de ses débours, et non comme attaché à chaque instance juridictionnelle. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, le montant maximum de cette indemnité forfaitaire de gestion est de 1 191 euros et son montant minimum de 118 euros pour l'année 2024.

12. Le présent arrêt ne portant pas à un montant supérieur à celui qui lui a été accordé par les premiers juges les sommes revenant à la CPAM au titre de ses débours, les conclusions de cette caisse tendant à la révision de l'indemnité forfaitaire de gestion à laquelle elle a droit ne peuvent qu'être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée partiellement à la requête d'appel, que le CCAS de Lanester n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes, par le jugement attaqué, l'a condamné à verser à M. et Mme F..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leur fille A..., la somme totale de 20 000 euros à titre de provision et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère la somme de 8 597,51 euros et la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Les conclusions d'appel incident présentées par la CPAM du Finistère doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme F..., qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, versent au CCAS de Lanester la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS de Lanester une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme F... et une somme de 1 000 euros à verser à la CPAM du Finistère au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du CCAS de Lanester est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère sont rejetées.

Article 3 : Le CCAS de Lanester versera à M. et Mme F... la somme de 1 500 euros et à la CPAM du Finistère la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale de Lanester, à M. et Mme E... et B... F..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00995


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00995
Date de la décision : 28/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LAURET PAUBLAN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-28;24nt00995 ?
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