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25/03/2025 | FRANCE | N°24NT02233

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 25 mars 2025, 24NT02233


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.





Considérant ce qui suit :



1. M. A..., qui a pour activités principales

l'élevage et l'entraînement de chevaux de course, a perçu au cours des années 2018, 2019 et 2020 des gains versés par la société d'encouragement à l'él...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui a pour activités principales l'élevage et l'entraînement de chevaux de course, a perçu au cours des années 2018, 2019 et 2020 des gains versés par la société d'encouragement à l'élevage du cheval français (SECF) en raison du classement de chevaux gagnants à l'occasion de courses hippiques, qui ont été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Il a présenté une réclamation contentieuse par laquelle il a demandé la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au cours des années 2018 à 2020, pour un montant de 41 971 euros.

Il a par ailleurs reporté un crédit de taxe d'un montant de 22 274 euros sur la déclaration rectificative qu'il a déposée au titre du troisième trimestre 2021. La demande de restitution et d'imputation du crédit reportable a fait l'objet d'une décision de rejet notifiée le 24 janvier 2022.

Le tribunal administratif de Caen a rejeté le recours de M. A... par un jugement du 17 mai 2024. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens. Si les premiers juges n'ont pas répondu à tous les arguments soulevés par M. A..., ceux-ci venaient à l'appui du moyen tiré de ce que l'administration ne peut lui opposer le défaut de production d'une facture rectificative sur le fondement des dispositions du 3 de l'article 283 du code général des impôts, ces dispositions n'étant applicables qu'en cas d'erreur de facturation et non pas lorsque la taxe a été mentionnée en application d'une législation contraire au droit de l'Union européenne. Par suite, le tribunal a suffisamment motivé son jugement.

Sur le bien-fondé des demandes de restitution :

En ce qui concerne l'assujettissement des gains de course à la taxe sur la valeur ajoutée :

3. Par un arrêt du 10 novembre 2016 Odvolací financní reditelství contre Pavlína Baštová (C-432/15), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que ne constitue pas une prestation de services effectuée à titre onéreux, au sens de cette disposition, la mise à disposition d'un cheval par son propriétaire, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, à l'organisateur d'une course hippique aux fins de la participation dudit cheval à cette course, dans l'hypothèse où elle ne donnerait pas lieu au versement d'un cachet de participation ou d'une autre rémunération directe et où seuls les propriétaires des chevaux s'étant classés en ordre utile à l'arrivée de la course reçoivent un prix, fût-il déterminé à l'avance, une telle mise à disposition d'un cheval ne constituant une prestation de services effectuée à titre onéreux que dans l'hypothèse où elle donne lieu au versement, par l'organisateur, d'une rémunération indépendante du classement du cheval en cause à l'arrivée de la course. Il en résulte que les dispositions du 4° du III de l'article 257 du code général des impôts alors applicables, et abrogé depuis le 1er janvier 2021, en vertu desquelles ces gains étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, sont incompatibles avec l'article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, qui impose d'écarter ces dispositions aux gains perçus par la société requérante au cours de la période en litige, ce que, au demeurant, l'administration ne conteste pas en défense.

En ce qui concerne la restitution :

4. Aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts : " toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation ". Toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 13 décembre 1989 Genius Holding BV (C-342/87), le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, sans que cette régularisation ne dépende d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale. La Cour a également dit pour droit, notamment dans son arrêt du 18 juin 2009 Staatssecretaris van Financiën c/ Stadeco BV (C-566/07), que les mesures que les Etats membres ont la faculté d'adopter afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude ne doivent pas aller

au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et qu'elles ne peuvent, dès lors, être utilisées de manière telle qu'elles remettraient en cause la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue un principe fondamental du système de cette taxe. Ce principe ne s'oppose toutefois pas à ce qu'un État membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée par erreur sur une facture à la condition que l'émetteur de la facture initiale ait envoyé à son destinataire une facture rectifiée ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée si cet émetteur n'a pas éliminé, en temps utile, complètement le risque de pertes de recettes fiscales.

5. Il résulte de l'instruction, notamment du courrier de la société d'expertise comptable FITECO et des extraits de relevés établis par la société d'encouragement à l'élevage du cheval français que M. A... a collecté et déclaré du 1er octobre 2018 au 31 décembre 2020,

64 205 euros de taxe sur la valeur ajoutée sur des gains de courses versés par la société d'encouragement à l'élevage du cheval français (SECF).

6. Cependant, et, d'une part, la circonstance que la Cour de justice de l'Union européenne ait jugé que le prix, le cas échéant, remporté par un assujetti du fait du classement de l'un de ses chevaux à l'arrivée d'une course hippique, ne doit pas être inclus dans la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée, ne fait pas obstacle à l'application du 3 de l'article 283 du code général des impôts et ce alors même que la taxe sur la valeur ajoutée aurait été collectée par application d'une règlementation nationale incompatible avec l'article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006.

7. D'autre part, M. A... ne soutient pas, et a fortiori n'établit pas, avoir éliminé totalement le risque de perte de recettes fiscales, c'est-à-dire avoir évité que la SECF déduise, de son côté, la taxe acquittée. M. A... ne produit aucun élément relatif aux démarches nécessaires à une régularisation de la taxe ainsi facturée et notamment ne produit aucune preuve de l'émission d'une facture rectificative ou de toute démarche de même portée.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24NT0223302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02233
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET KING & SPALDING INTERNAT. LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;24nt02233 ?
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