Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 juin 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2202059 du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 17 juin 2021 et a enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à
Mme E..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'une année.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juillet 2024, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande de Mme E....
Il soutient que :
- le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu dès lors que les premiers juges se sont appuyés sur une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui ne figure dans les pièces versées au dossier ;
- Mme E... n'ayant pas produit de documents probants permettant de justifier de son d'état civil, il ne pouvait dès lors pas faire droit à sa demande de titre de séjour ; c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors que les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile ne peuvent être considérés comme des documents justifiant de la nationalité du requérant ;
- il s'en remet également aux observations présentées devant le tribunal administratif.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2024, Mme E..., représentée par Me Roilette, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés.
Mme A... E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... E... qui se déclare ressortissante russe née en 1996 est entrée en France le 20 décembre 2016. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 mars 2018 et son recours contre cette décision a été rejeté par un arrêt de la cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 10 novembre 2020. Mme E... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant étranger, sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Loire-Atlantique, par un arrêté du 17 juin 2021, a refusé de faire droit à sa demande. Par un jugement du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté. Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'article L. 5 du code de justice administrative rappelle que : " L'instruction des affaires est contradictoire. ".
3. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges se sont fondés sur " les décisions de l'OFPRA et de la CNDA " pour retenir comme établie la nationalité russe de la requérante. Il ressort des pièces du dossier de première instance que si la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande d'asile Mme E... n'a pas été versée au débat, il est constant que le greffe du tribunal administratif a communiqué le 4 juin 2024 au préfet de la Loire-Atlantique la décision du 21 mars 2018 par laquelle la cour nationale du droit d'asile a refusé la demande d'asile présentée par Mme E... et qui a été produite par celle-ci. Par suite, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu et le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit en conséquence être écarté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
4. D'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; (...) La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...)".
6. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a retenu qu'en refusant le titre de séjour sollicité par Mme E..., alors même qu'elle ne justifierait pas de son identité, le préfet de la Loire-Atlantique avait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Le préfet de la Loire-Atlantique fait valoir en appel que Mme E... n'a pas produit de documents probants permettant de justifier de son d'état civil et qu'il ne pouvait dès lors pas faire droit à sa demande de titre de séjour.
8. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée n'a pas produit de pièces d'état civil établissant sa nationalité dès lors que son acte de naissance, au demeurant non traduit, n'indique pas sa nationalité et que l'attestation d'immatriculation auprès des autorités belges n'est pas un document pouvant être regardé comme établissant la nationalité d'une personne étrangère. Enfin, alors qu'elle n'établit pas l'impossibilité d'obtenir un justificatif de sa nationalité auprès des autorités russes compte tenu du rejet opposé à sa demande d'asile, le préfet de la Loire-Atlantique a pu, sans entacher d'erreur de fait ou de droit sa décision, considérer que la demande de titre de séjour de Mme E... ne satisfaisait pas aux exigences de l'article R. 431-10 précité.
9. Lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l'absence de production par le demandeur de justificatifs probants de son identité, celui-ci ne peut se prévaloir, à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de cette décision. Il en va notamment ainsi du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'est, toutefois, pas en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour et peut, s'il l'estime justifié, procéder à la régularisation de la situation de l'intéressé.
10. Il suit de là que Mme E..., dès lors qu'elle n'a pas mis à même l'autorité préfectorale de vérifier son état civil, et, par suite, de pouvoir étudier sa demande de titre de séjour dans les formes requises par l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondée à se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision lui refusant un titre de séjour. Par suite, le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision de refus de titre de séjour du 17 juin 2021 a été prise en méconnaissance de ces stipulations.
11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
Sur les autres moyens soulevés par Mme E... :
12. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. F... B..., adjoint à la directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Loire-Atlantique. Par un arrêté du 18 mars 2021 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Loire-Atlantique a donné délégation à Mme D..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de titre de séjour en cas d'absence ou d'empêchement de Mme D..., à M. B..., chef du bureau du séjour. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige, manque en fait.
13. En deuxième lieu, la décision portant refus de délivrer un titre de séjour vise les articles la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application et comporte des éléments relatifs à la biographie et la situation personnelle et professionnelle de Mme E.... Elle est, par suite, suffisamment motivée tant en droit qu'en fait.
14. En troisième lieu, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C... sur le fondement de l'article L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé à juste titre ainsi qu'il a été dit sur la circonstance que Mme E... n'a pas produit de documents permettant d'établir sa nationalité et son état civil, notamment un passeport en cours de validité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
15. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
16. La décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants mineurs de leurs parents. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 17 juin 2021. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par Mme E... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2202059 du 3 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que les conclusions présentées par celui-ci devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à
Mme A... E....
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Vieville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT02202 2
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