La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2025 | FRANCE | N°24NT01995

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 25 mars 2025, 24NT01995


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 mai 2024 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, ainsi que son signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2407172 du 31 mai 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nan

tes a annulé l'arrêté du 7 mai 2024 du préfet de la Sarthe.



Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 mai 2024 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, ainsi que son signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2407172 du 31 mai 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 7 mai 2024 du préfet de la Sarthe.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2024, le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 avril 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 août 2024, M. B..., représenté par Me Bengono, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il conclut par ailleurs, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 7 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant gabonais né le 18 septembre 2002, est entré en France le 31 mai 2007 à l'âge de 4 ans. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance entre le 11 avril 2008 et le 30 juin 2016. Le 13 avril 2018, il a bénéficié d'un document de circulation pour étranger mineur valable jusqu'au 17 décembre 2020 avant d'obtenir un titre de séjour en qualité de jeune majeur valable du 11 janvier 2021 au 10 janvier 2022. Il a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " parent d'enfant français " le 11 janvier 2022. Cette demande a été rejetée le 5 mai 2022. Le 26 janvier 2023, il a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour en cette même qualité. Par décision du 10 juillet 2023, le préfet de la Sarthe a rejeté cette nouvelle demande. En exécution d'un jugement prononcé par le tribunal correctionnel du Mans du 17 juin 2022 le condamnant à six mois d'emprisonnement, M. B... a été écrouté le 6 février 2024 au centre pénitentiaire du Mans. Par un arrêté du 7 mai 2024, le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, ainsi que son signalement dans le système d'information Schengen. Par un jugement du 24 avril 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté. Le préfet de la Sarthe relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2007 accompagné de sa mère et de sa sœur alors qu'il était âgé de 4 ans. M. B... est père de deux enfants de nationalité française respectivement nés les 1er novembre 2021 et 12 janvier 2024 de son union avec une ressortissante française née le 22 mars 2001. Il ressort aussi des pièces que M. B... a maintenu des liens réguliers avec la mère de ses enfants comme en témoigne l'historique produit des parloirs du centre pénitentiaire du Mans ainsi qu'avec ses enfants. Dans ces circonstances très particulières, en dépit de ce que M. B... est défavorablement connu des services de police et a fait l'objet d'une condamnation à une peine d'emprisonnement d'une durée de 6 mois pour des faits de détention non autorisée de stupéfiants et tentative de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu ainsi que de trois condamnations à des amendes pour des faits de vol et usage illicite de stupéfiants, compte tenu de ses attaches familiales anciennes en France, l'arrêté du 7 mai 2024 a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Sarthe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 7 mai 2024.

Sur les conclusions de M. B... aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend en substance les dispositions de l'article L. 512-4 du même code dans sa version applicable antérieurement au 1er mai 2021 : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. L'annulation de l'arrêté du 7 mai 2024 prononcée par le tribunal administratif de Nantes implique nécessairement que le préfet de la Sarthe munisse M. B... d'une autorisation provisoire de séjour, et réexamine sa situation. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Sarthe de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que l'avocat de l'intimé réclame en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Sarthe est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à

M. A... B....

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Vieville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N°24NT01995 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01995
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL BENGONO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;24nt01995 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award