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25/03/2025 | FRANCE | N°24NT01631

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 25 mars 2025, 24NT01631


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société coopérative agricole Isigny-Sainte-Mère a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2020 à raison de ses locaux situés sur le territoire de la commune d'Osmanville (Calvados).



Par un jugement n° 2201935 du 29 mars 2024 le tribunal administratif de Caen a rejeté

sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société coopérative agricole Isigny-Sainte-Mère a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2020 à raison de ses locaux situés sur le territoire de la commune d'Osmanville (Calvados).

Par un jugement n° 2201935 du 29 mars 2024 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin 2024 et 15 janvier 2025, la société coopérative agricole Isigny-Sainte-Mère, représentée par Me Baboulat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal a statué ultra petita en opposant la circonstance non relevée par l'administration qu'elle n'apportait aucun élément relatif au dimensionnement de ses installations pour justifier le refus opposé à sa demande d'exonération fondée sur l'article 1450 du code général des impôts ;

- le tribunal a statué ultra petita en opposant la circonstance non relevée par l'administration que les activités de transformation sont distinctes des activités de soutien à la production agricole et n'ont pas pour objet de favoriser la production agricole pour justifier le refus opposé à sa demande d'exonération fondée sur le 3° du I de l'article 1451 du code général des impôts ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- elle est en droit de bénéficier de l'exonération prévue par l'article L. 1451-I-3° du code général des impôts dès lors qu'elle est reconnue comme une organisation de producteurs ayant pour objet de favoriser la production agricole de ses membres ; il ressort de l'article 18 de son règlement intérieur que le stockage, la transformation et le conditionnement du lait et des produits laitiers issus du lait collecté auprès de ses membres sont au nombre des missions ayant pour objet de favoriser la production agricole de ses membres ce qu'ont d'ailleurs reconnu la commission européenne et la et la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ;

- elle est en droit de bénéficier de l'exonération prévue par l'article 1450 du code général des impôts y compris pour ses tours de séchage et son laboratoire qui concourent dans leur ensemble à la collecte du lait et son écoulement en lait UHT ; ayant une activité à plus de 91 % avec ses adhérents, les moyens importants mis en œuvre par la coopérative sont en rapport avec l'importance de cette activité avec ses associés coopérateurs ; l'activité de production de lait en poudre infantile constitue le prolongement normal des opérations agricoles de ses membres ;

- à titre subsidiaire, si les installations de production de poudre de lait n'étaient pas reconnues au nombre des activités exonérées de cotisation foncière des entreprises, il est demandé de prononcer l'exonération de cotisation foncière des entreprises au regard des articles 1450, 1453-I 3° du code général des impôts et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'article 1586 ter II 1 alinéa du même code pour les installations relatives aux productions de beurre, crème, fromage, babeurre et sérum ; à ce titre, elle entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée BOI-TFP-10-50-20-10, n°520 ;

- à titre subsidiaire, si les activités de production à partir du lait provenant de tiers non-associés n'étaient pas considérées comme étant exonérées soit au titre de l'article 1450 ou du 3° du I de l'article 1451 du code général des impôts, il convient de les imposer au titre de l'année 2018 à hauteur de 8,31% des installations de fabrication de beurre, crème, fromage, sérum, babeurre ; à ce titre, elle entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée BOI-IF-CFE-20-20-10-10, n°100.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2024 et un mémoire enregistré le 3 mars 2025, ce dernier non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me Baboulat, pour la société coopérative agricole Isigny

Sainte-Mère.

Une note en délibéré, présentée pour la Société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère, a été enregistrée le 19 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. La société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère a saisi l'administration fiscale de deux demandes tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2020 à raison de ses locaux situés à Osmanville (Calvados). L'administration fiscale a par une décision du 20 juin 2022 rejeté ses réclamations. La société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la même décharge. Par un jugement du 29 mars 2024, le tribunal a rejeté sa demande. La société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si l'appelante soutient que s'agissant du bénéfice des exonérations prévues aux articles 1450 et 1451 du code général des impôts, les premiers juges ont statué ultra petita en relevant respectivement à tort des arguments tirés du dimensionnement de ses installations et du caractère distinct des activités de transformation, la méconnaissance d'une telle règle, qui s'apprécie au regard des conclusions et non des moyens des parties, ne peut en l'espèce être utilement invoquée. En tout état de cause, le tribunal, en relevant ces éléments pour rejeter les demandes d'exonérations fondées sur les dispositions susvisées a exercé son office. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'ultra petita ou de ce que les premiers juges auraient à tort soulevé des moyens d'office, ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. (...) ". Aux termes de l'article 1586 ter de ce code : " I. - Pour la détermination de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, on retient la valeur ajoutée produite (...), à l'exception (...) de la valeur ajoutée afférente aux activités exonérées de cotisation foncière des entreprises en application des articles 1449 à 1463 (...) ".

4. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.

S'agissant du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 1451 du code général des impôts :

5. Aux termes de l'article 1451 du code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions du II, sont exonérés de la cotisation foncière des entreprises : / (...) 3° Les organismes suivants, susceptibles d'adhérer aux caisses de crédit agricole mutuel en vertu des dispositions législatives et réglementaires qui régissent le crédit mutuel et la coopération agricole : (...) / sociétés d'élevage, associations agricoles reconnues par la loi et dépendant du ministère de l'agriculture, qui ont pour objet de favoriser la production agricole, ainsi que leurs unions et fédérations ; (...) ".

6. Les organisations de producteurs régies par l'article L. 551-1 du code rural et de la pêche maritime doivent être regardés comme étant au nombre des organismes visés par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 1451 du code général des impôts. Dès lors, elles ne peuvent être exonérées de la cotisation foncière des entreprises que dans la mesure où les opérations qu'elles réalisent ou les services qu'elles fournissent à leurs membres ont pour objet de favoriser la production agricole, à l'exclusion des activités, notamment industrielles ou commerciales, qui ne procèdent pas de cet objet.

7. La société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère, à qui a été reconnue la qualité d'organisation de producteurs pour le secteur du lait de vache par arrêté du ministre de l'agriculture et de l'alimentation du 12 juin 2017, est un groupement régi par les articles L. 551-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime. Il résulte de l'instruction que la société coopérative a pour activité sur le site situé à Osmanville la fabrication, le conditionnement et la commercialisation de produits issus du traitement du lait (beurre, fromage, crème, yaourts et poudres de lait notamment infantile) à partir du lait qu'elle acquiert auprès de ses adhérents. Ces opérations n'ont pas pour objet de favoriser la production agricole. Par suite, alors même qu'elles sont prévues par l'article 18 de son règlement intérieur, la société coopérative ne peut bénéficier de l'exonération de taxe professionnelle ou de cotisation foncière des entreprises prévue par le 3° du I de l'article 1451 du code général des impôts ni a fortiori pour une partie de ces activités.

S'agissant du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 1450 du code général des impôts :

8. Aux termes de l'article 1450 du code général des impôts : " Les exploitants agricoles, y compris les propriétaires ou fermiers de marais salants, sont exonérés de la cotisation foncière des entreprises. ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de cette exonération s'applique non seulement aux exploitants agricoles mais également aux sociétés coopératives agricoles dont l'activité constitue le prolongement normal des opérations agricoles de ses membres. Pour les sociétés coopératives agricoles, le bénéfice de cette exonération s'étend ainsi aux opérations qui sont réalisées habituellement par les agriculteurs eux-mêmes. Ces opérations doivent néanmoins être réalisées avec des moyens techniques qui n'excèdent pas les besoins collectifs des adhérents. Enfin, lorsqu'une société coopérative agricole procède de façon habituelle à des achats auprès de personnes autres que ses adhérents, le bénéfice de l'exonération est également conditionné au fait que ces achats n'aient pas rendu nécessaires des investissements supérieurs à ceux qu'exige la satisfaction des seuls besoins des adhérents.

9. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le site d'Osmanville a pour activité principale la production de lait en poudre infantile qui ne saurait être regardée comme étant habituellement réalisée par les agriculteurs eux-mêmes et ne constitue ainsi pas le prolongement normal des opérations agricoles de ses membres. En tout état de cause, la société requérante ne justifie pas notamment par des éléments comptables ou de montants de chiffres d'affaires, l'exonération sollicitée pour les seules activités liées au conditionnement du lait et la production de beurre, de crème, de fromage, de sérum et de babeurre. La société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère n'est dès lors pas fondée à revendiquer le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 1450 du code général des impôts, y compris pour les seules activités liées au conditionnement du lait et la production de beurre, de crème, de fromage, de sérum et de babeurre.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. En premier lieu, la société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère ne peut utilement se prévaloir de la doctrine fiscale référencée BOI-IF-TFB-10-50-20-10 qui a trait aux seuls bâtiments des exploitations rurales.

11. En second lieu, la société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 100 de l'instruction administrative référencée BOI-IF-CFE-20-20-10-10. Toutefois, ce paragraphe concerne uniquement les personnes qui exercent conjointement une activité imposable et une activité exonérée dans les mêmes locaux, et dont il n'est pas établi qu'il s'applique à la situation de la société coopérative requérante.

12. Il résulte de ce qui précède que la société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société coopérative agricole Isigny Sainte-Mère et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01631
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : BABOULAT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;24nt01631 ?
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