Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 mars 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2401626 du 17 juin 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Semino, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2024 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler cet arrêté du 19 mars 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son fils s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié, il ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 4 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 18 mars 2000 à Boke (Guinée), est entré en France en 2016. Le 31 mai 2018, à sa majorité, il a présenté une demande d'asile. Par une décision du 28 septembre 2018, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 28 août 2019. Par un arrêté du 19 mars 2024, le préfet
d'Ille-et-Vilaine, constatant que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français, que sa demande d'asile a été définitivement rejetée et qu'il a travaillé de manière irrégulière sur le territoire français, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 17 juin 2024 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnue en application du livre V se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans ". Aux termes de l'article
L. 424-3 du même code : " La carte de résident prévue à l'article L. 424-1, délivrée à l'étranger reconnu réfugié, est également délivrée à : (...) 4° Ses parents si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié, sans que la condition de régularité du séjour ne soit exigée. / L'enfant visé au présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger. ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui a été reconnu réfugié bénéficie de plein droit d'une carte de résident et que, lorsque celui-ci est un enfant mineur non marié, ses ascendants directs au premier degré bénéficient également de plein droit de cette carte.
3. Par une décision du 12 février 2021, le directeur général de l'OFPRA a reconnu à
M. C... A..., né le 23 avril 2019 à Evreux (Eure), le statut de réfugié. La filiation de cet enfant, mineur non marié, avec M. A... est établie par la copie de son acte de naissance produite par le requérant. M. A... entre ainsi dans la catégorie des personnes pouvant bénéficier de plein droit de la carte de résident en application du 4° de l'article L. 424-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire français implique seulement que le préfet d'Ille -et-Vilaine procède au réexamen de la situation de M. A... et lui délivre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais de l'instance :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que
Me Semino, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 17 juin 2024 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du
19 mars 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Semino une somme de 1 200 euros hors taxe en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2025.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON
Le président-assesseur,
G-V. VERGNE
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT030562