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21/03/2025 | FRANCE | N°24NT02702

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 21 mars 2025, 24NT02702


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du

24 octobre 2022 par laquelle le directeur du centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux a mis fin à son stage, a refusé sa titularisation et l'a radiée des cadres.



Par un jugement n° 2202854 du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 5 s

eptembre 2024, Mme C..., représentée par Me Gisserot, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du

24 octobre 2022 par laquelle le directeur du centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux a mis fin à son stage, a refusé sa titularisation et l'a radiée des cadres.

Par un jugement n° 2202854 du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2024, Mme C..., représentée par Me Gisserot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 3 juillet 2024 ;

2°) d'annuler la décision du 24 octobre 2022 ;

3°) d'ordonner au directeur du centre hospitalier de prononcer sa titularisation et de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 9 décembre 2020 ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Lisieux le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée, qui constitue une sanction disciplinaire déguisée, a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que seule la commission administrative paritaire n° 8 était compétente pour se prononcer sur sa titularisation ;

- la commission administrative paritaire n° 5 a rendu son avis sans l'avoir entendue et au visa d'éléments " irrecevables " ;

- cette décision méconnaît les droits de la défense et est entachée d'un détournement de procédure dès lors qu'elle n'a bénéficié d'aucune des garanties attachées à la procédure disciplinaire ;

- cette décision est entachée d'illégalité dès lors que son stage ne pouvait être prolongé au-delà d'une période de deux ans ;

- elle conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2025, le centre hospitalier de Lisieux, représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public.

- les observations de Me Gisserot représentant Mme C... ;

- et les observations de Me Lietavova, substituant Me Lacroix, représentant le centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux ;

Considérant ce qui suit :

1. A compter du1er septembre 2019 Mme C... a été nommée aide-soignante stagiaire au centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux pour y exercer ses fonctions au sein de l'équipe de nuit de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) rattaché à l'hôpital. Par un courrier du 9 janvier 2020, l'encadrement de nuit du secteur médico-social de l'EHPAD a porté à la connaissance du directeur du centre hospitalier des faits de harcèlement moral et de dégradation de biens personnels à l'encontre d'une aide-soignante contractuelle. Une enquête administrative a révélé des dysfonctionnements dans le service et un climat dégradé entre les agents de l'EHPAD. Mme C..., qui était accusée notamment d'avoir agressé verbalement une collègue contractuelle, a été entendue dans le cadre de cette enquête mais aucune sanction disciplinaire n'a été prononcée à son encontre. Lors de sa séance du 7 décembre 2020, la commission administrative paritaire locale a cependant émis un avis défavorable à sa titularisation et, par une décision du 9 décembre 2020, le directeur du centre hospitalier a suivi cet avis et décidé de ne pas titulariser l'intéressée et de la radier des cadres. Cette décision a été annulée par un jugement du 11 mai 2022 du tribunal administratif de Caen au motif que Mme C... n'avait pas été mise à même de faire valoir ses observations préalablement à cette décision. Le 8 août 2022, l'établissement a réintégré juridiquement Mme C... tout en l'informant simultanément qu'il était envisagé de ne pas la titulariser. Lors de sa séance du 19 octobre 2022, la commission administrative paritaire locale a émis un avis favorable à l'unanimité contre la titularisation de cette aide-soignante stagiaire. Par une décision du 24 octobre 2022, le directeur du centre hospitalier de Lisieux a mis fin au stage de Mme C..., a refusé sa titularisation et l'a radiée des cadres. L'intéressée a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Caen. Elle relève appel du jugement du 3 juillet 2024 par lequel les premiers juges ont rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée :

2. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne.

3. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

4. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.

5. Pour refuser la titularisation de Mme C... dans le grade d'aide-soignante le directeur du centre hospitalier de Lisieux s'est fondé sur son comportement " inadapté de nature à mettre en danger la sécurité des patients " en faisant référence à sa participation à des fêtes et à sa consommation d'alcool et de denrées réservés aux résidents sur son lieu de travail et pendant son service. Il a également pris en compte son " attitude d'opposition " face aux changements dans l'organisation des soins mis en place par sa hiérarchie ainsi que son comportement le 6 janvier 2020 à l'encontre d'une collègue en soulignant ses difficultés relationnelles et de communication. La fiche de notation primaire de l'année 2020 de Mme C... mentionne ces mêmes manquements et la note du 9 janvier 2020 établie par les trois agents faisant fonction de cadres de nuit dans l'Ehpad où était affectée Mme C..., confirme que dans la nuit du 6 au 7 janvier 2020 l'une de ses collègues s'est plainte à plusieurs reprises d'une agression verbale de la part de l'intéressée à son encontre. Toutefois, si ces accusations ainsi que la dégradation des relations au sein du personnel de ce service ont conduit le centre hospitalier à diligenter une enquête administrative, aucune procédure disciplinaire n'a été engagée à l'encontre de la requérante alors que l'une au moins de ses collègues a fait l'objet en raison des mêmes faits d'une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois. De plus, Mme C... a produit ses évaluations professionnelles réalisées au titre des années 2017, 2018 et 2019, qui font apparaître une appréciation totalement différente de ses qualités professionnelles. En effet, au cours de ces trois années, le travail " consciencieux et rigoureux " de cette agente ainsi que ses bonnes relations tant avec les autres aides-soignantes qu'avec les infirmières et les résidents étaient soulignés. Elle était alors reconnue comme étant une " très bonne AS ". Lors de la commission administrative paritaire locale l'une des représentantes du personnel a d'ailleurs relevé que ses appréciations n'étaient pas défavorables. Les autres témoignages produits par le centre hospitalier font essentiellement état des fêtes auxquelles Mme C... participait et qui étaient organisées à l'occasion d'anniversaires. Seul le témoignage d'une collègue évoque de façon générale et non circonstanciée des " gestes brusques " et des " paroles déplacées " à l'encontre de résidents. Par suite, et compte tenu de l'ensemble de ces éléments et du fait que d'autres agents du service ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire à raison des mêmes faits, la requérante est fondée à soutenir que la décision contestée, qui se fonde sur les mêmes motifs, constitue une sanction déguisée prise au terme d'une procédure irrégulière faute pour le centre hospitalier d'avoir respecté la procédure disciplinaire, privant ainsi l'intéressée des garanties qui s'y attachent.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur l'injonction :

7. L'exécution du présent arrêt implique seulement, eu égard à ses motifs, d'enjoindre au centre hospitalier de Lisieux de réintégrer juridiquement Mme C... dans ses fonctions avec toutes les conséquences de droit et de réexaminer sa situation. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au directeur de cet établissement hospitalier de procéder à cette réintégration juridique et à cette régularisation de la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais d'instance :

8. Il y a lieu en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Lisieux le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2202854 du 3 juillet 2024 du tribunal administratif de Caen ainsi que la décision du 24 octobre 2022 par laquelle le directeur du centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux a mis fin au stage de Mme C..., a refusé sa titularisation dans le grade d'aide-soignante et l'a radiée des cadres sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier de Lisieux de réintégrer juridiquement Mme C... dans ses fonctions d'aide-soignante stagiaire avec toutes les conséquences de droit et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 4 : Le centre hospitalier de Lisieux versera à Mme C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au centre hospitalier de Lisieux.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2025.

La rapporteure,

V. GELARDLa présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02702
Date de la décision : 21/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE & ASSOCIEES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-21;24nt02702 ?
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