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21/03/2025 | FRANCE | N°23NT01819

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 21 mars 2025, 23NT01819


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCEA Potineau Le Bien Aimé a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le certificat d'urbanisme du 19 novembre 2019 par lequel le maire du Landreau a déclaré irréalisable l'opération consistant en un changement de destination du bâti existant avec extension en vue de la création d'un gîte qu'il projette sur le terrain cadastré à la section 79 BS sous les n°s 102 et 103, situé au Clos des Champs.



Par un jugement n° 2000547 du 18 a

vril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCEA Potineau Le Bien Aimé a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le certificat d'urbanisme du 19 novembre 2019 par lequel le maire du Landreau a déclaré irréalisable l'opération consistant en un changement de destination du bâti existant avec extension en vue de la création d'un gîte qu'il projette sur le terrain cadastré à la section 79 BS sous les n°s 102 et 103, situé au Clos des Champs.

Par un jugement n° 2000547 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, la SCEA Potineau Le Bien Aimé, représentée par Me Helier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 du maire ;

3°) d'enjoindre au maire du Landreau de lui délivrer un certificat d'urbanisme mentionnant que le bâtiment et le terrain en cause peuvent être utilisés pour la réalisation de l'opération visée, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Landreau la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le certificat d'urbanisme attaqué fait une inexacte application de la dérogation prévue par l'article A2 du plan local d'urbanisme au principe d'interdiction de tout changement de destination de bâtiments non nécessaires à l'activité agricole, dès lors qu'elle justifie du caractère permanent et principal de l'exploitation agricole, que l'opération en cause est nécessaire à l'exploitation agricole, qu'elle présentera un caractère accessoire et qu'elle concerne un bâti de caractère ;

- le motif de refus tenant à l'absence de desserte du terrain d'assiette par le réseau d'électricité est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2024, la commune du Landreau, représentée par Me Caradeux, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCEA Potineau Le Bien Aimé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,

- et les observations de Me Lesueur, substituant Me Caradeux, pour la commune du Landreau.

Considérant ce qui suit :

1. La SCEA Potineau Le Bien Aimé est propriétaire sur le territoire de la commune du Landreau de parcelles cadastrées à la section 79 BS sous les n°s102 et 103, supportant une dépendance en pierres à destination agricole au lieudit du Clos des Champs. Souhaitant transformer cette dépendance agricole en maison d'hôtes, elle a sollicité la délivrance d'un certificat d'urbanisme opérationnel auprès du maire de la commune. Par un arrêté du 19 novembre 2019, le maire du Landreau a déclaré irréalisable l'opération en cause. Par un jugement du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la SCEA Potineau Le Bien Aimé tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2019 du maire. La SCEA Potineau Le Bien Aimé relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus (...) ".

3. Le certificat d'urbanisme contesté est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que l'opération concernée méconnaît l'article A2 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune applicable à la zone Av, dès lors que le projet n'est ni lié ni nécessaire aux besoins d'une exploitation agricole ou viticole, qu'il n'identifie pas d'exploitation permanente et principale sur le site et qu'il n'est pas accessoire aux activités d'une telle exploitation et, d'autre part, de ce que l'ensemble des parcelles n'est pas desservi par le réseau électrique et que l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai cette extension du réseau pourra être réalisée.

4. En premier lieu, d'une part, aux termes du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / (...) 2° Désigner (...) les bâtiments qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. Le changement de destination est soumis, en zone agricole, à l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers (...) ". Aux termes de l'article R. 151-23 du même code : " Peuvent être autorisées en zone A : / (...) 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune du Landreau, applicable à la zone Av : " Sont interdits en tous secteurs, à l'exclusion des cas expressément prévus à l'article A : toute construction ou installation non directement liée et non nécessaire à l'activité agricole ou viticole, à l'exploitation agricole ou viticole; toute construction ou installation non liée et non nécessaire à un service public ou d'intérêt public collectif ; toute rénovation, reconstruction, changement de destination ou extension de bâtiment existant pour un usage non conforme aux objectifs relevant de la vocation de la zone (...) ". Aux termes de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune applicable à la zone Av : " A l'exception des zones humides identifiées au plan, sont admises sous réserve de ne pas porter atteinte au fonctionnement et au développement de l'activité et des exploitations agricoles et viticoles :/ I. Les constructions et installations directement liées et nécessaires aux besoins des exploitants agricoles ou viticoles, admises dans le cadre des conditions précisées ci-après:/(...)/ Les changements de destination de bâtiments existants nécessaires à des fins de diversification des activités d'une exploitation agricole, à condition que ces activités de diversification (gîtes ruraux, chambres d'hôtes) restent accessoires par rapport aux activités agricoles ou viticoles de l'exploitation et sous réserve qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une valorisation d'un patrimoine bâti de caractère et sous réserve que ce soit réalisé sur une exploitation permanente et principale ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCEA Potineau Le Bien Aimé porte sur un changement de destination et la surélévation partielle d'un bâtiment agricole d'une emprise au sol de 120 m², implanté sur la parcelle cadastrée section 79 BS n° 103, ainsi que sur la construction de deux extensions accolées, l'une de 70 m² afin d'augmenter la surface habitable de l'ensemble et l'autre, de 60 m², sur la parcelle contigüe cadastrée à la section 79 BS sous le n° 102, destinée à y accueillir un garage et un préau, afin de créer un gîte rural pour l'accueil de 16 personnes. Il est constant que le terrain d'assiette du projet en litige est situé dans le sous-secteur Av de la zone agricole A du plan local d'urbanisme de la commune, correspondant à un secteur agricole de très grande valeur, notamment viticole et/ou paysagère.

7. Il ressort des pièces du dossier que la société requérante gère une exploitation agricole dont l'objet est d'exploiter 2,10 ha de vignes, 0,9 ha de tournesol, 13,20 ha de blé tendre, 6,30 ha d'herbes en prairie permanentes et d'élever 25 brebis, pour une activité de transformation de lait de brebis en fromage et qu'elle projette de compléter ces activités par l'exploitation d'un gîte rural en vue de se procurer des revenus complémentaires à ses activités agricoles. Au regard de ces éléments, non contestés par la commune qui ne remet pas en cause le caractère effectif de l'activité agricole de la société pétitionnaire, l'activité de gîte rural que la requérante projette doit être regardée comme étant liée et nécessaire aux besoins d'une exploitation agricole et comme présentant un caractère accessoire à une activité agricole principale et permanente, alors même que la construction en cause est implantée sur une parcelle relevant de l'emprise de l'exploitation, distante de 300 m environ des bâtiments composant le siège de l'exploitation de la SCEA Potineau Le Bien Aimé. Dans ces conditions, en se fondant sur le motif tiré de ce que le changement de destination litigieux ne satisfait pas aux conditions prévues par les dispositions de l'article A2 du règlement du PLU précitées, le maire a fait une application inexacte de ces dispositions.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour fonder un refus de permis de construire sur l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, l'autorité compétente qui n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de services publics les travaux doivent être exécutés doit avoir accompli les diligences appropriées pour recueillir les indications nécessaires à son appréciation relative à ces travaux sur les réseaux publics.

9. Si la commune s'est également fondée, pour prendre la décision contestée, sur le motif tiré de ce que le terrain d'assiette du projet n'est pas desservi par le réseau électrique et impliquerait, pour son raccordement, une extension de 160 ml du réseau sans que l'autorité gestionnaire soit en mesure d'indiquer dans quel délai cette extension pourrait être réalisée, elle ne justifie pas, en l'absence de toute production de l'avis de l'autorité gestionnaire du réseau sur lequel elle se fonde, avoir accompli les diligences appropriées pour recueillir les indications nécessaires à son appréciation relative aux travaux d'extension du réseau d'électricité, alors que la société pétitionnaire produit un certificat d'urbanisme délivré le 23 mai 2007 précisant que la parcelle sur laquelle est implantée la construction en litige est desservie par ce réseau. Dans ces conditions, en se fondant sur l'absence de desserte de la parcelle en cause par le réseau d'électricité, le maire a fait une application inexacte des dispositions précitées.

10. En troisième lieu, toutefois, pour établir que la décision contestée est légale, la commune a invoqué, dans son mémoire en défense de première instance, un nouveau motif tiré de ce que l'article A2 du règlement du PLU de la commune n'autorise que le changement de destination d'une construction existante, sans possibilité d'extension ni de construction nouvelle.

11. L 'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

12. Il ressort de l'esquisse du projet de gîte rural joint à la demande de certificat d'urbanisme opérationnel que le projet litigieux consiste non seulement en un changement de destination du bâtiment agricole existant, mais aussi à en augmenter la surface habitable et à lui adjoindre une construction d'une emprise au sol de 60 m², sur la parcelle BS 102, en vue d'y aménager un garage et un préau, et une extension de 70 m², sur la parcelle BS 103. Toutefois, l'article A2 du règlement du PLU n'autorise que les changements de destination de bâtiments existants réalisés à des fins de diversification des activités d'une exploitation agricole, et non aussi les travaux d'extension de ces bâtiments. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Dans ces conditions, il y a lieu de procéder à la substitution de motifs demandée par la commune, qui ne prive la société requérante d'aucune garantie.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEA Potineau Le Bien Aimé n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de la SCEA Potineau Le Bien Aimé, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Landreau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCEA Potineau Le Bien Aimé demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCEA Potineau Le Bien Aimé une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune du Landreau et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA Potineau Le Bien Aimé est rejetée.

Article 2 : La SCEA Potineau Le Bien Aimé versera à la commune du Landreau une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Potineau Le Bien Aimé et à la commune du Landreau.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2025.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUET

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. MARCHAND

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01819


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01819
Date de la décision : 21/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : CABINET HUBERT HELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-21;23nt01819 ?
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