Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions implicites par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du
29 mars 2022 de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant de délivrer à Mme I... H..., à M. D... B... et aux enfants C..., E... et F... B... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.
Par un jugement n° 2211700, 2211701, 2211702, 2211720 et 2211721 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme H..., à M. D... B... et aux enfants E..., F... et C... B... les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. G... B... et M. D... B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont fondées sur la rupture de l'unité familiale, sur l'inéligibilité des demandeurs à obtenir des visas au titre de la réunification familiale et sur le doute raisonnable quant à la réalité des liens familiaux allégués.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 novembre 2023 et 10 janvier 2024,
M. G... B..., Mme I... H..., M. D... B..., M. E... B... et
M. F... B... concluent au rejet de la requête et demandent à la cour d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas demandés dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... B..., ressortissant de République démocratique du Congo, a obtenu la qualité de réfugié. Mme I... H..., sa compagne alléguée, et MM. D... B..., E... B..., F... B... ainsi que la jeune C... B..., ses enfants déclarés, ont demandé la délivrance de visas de long séjour au titre de la réunification familiale. Par un jugement du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à Mme I... H..., à M. D... B... et aux enfants C..., E... et F... B... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
2. Aux termes L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue. ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 561-5 du même code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ". Aux termes de l'article 311-1 du code civil : " La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. / Les principaux de ces faits sont : 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ;/ 2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ; /3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ; /4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ;/ 5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue. ".
3. Par ailleurs, la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.
4. L'accusé de réception du recours formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France informe les requérants qu'en l'absence de réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours, celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. Il ressort des pièces du dossier que les cinq décisions consulaires sont fondées sur le même motif tiré de ce que les déclarations des demandeurs conduisent à conclure à une tentative frauduleuse pour obtenir des visas au titre de la réunification familiale.
5. D'une part, s'agissant de Mme H..., il ressort des pièces du dossier et des déclarations de M. B... que celui-ci a entretenu des relations concomitantes, l'une avec Mme H... ayant donné lieu à la naissance de deux enfants nés en 2003 et 2007, l'autre avec Mme A... ayant donné lieu à la naissance de jumeaux nés en 2005. Dans ces conditions, Mme H... ne peut être regardée comme étant la concubine avec laquelle M. B... avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue. Par suite, Mme H... ne justifie pas être éligible à la procédure de réunification familiale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. D'autre part, s'agissant des enfants, il ressort des pièces du dossier que les déclarations de M. B... relatives aux dates de naissance de Mme H... et des enfants D... et C... sont incohérentes entre ses déclarations à l'OFPRA et celles de sa fiche familiale de référence. Ainsi il a déclaré à l'OFPRA que Mme H... était née le 9 octobre 1986, M. D... B..., le 2 août 2006 et l'enfant C..., le 8 août 2009 ; il a ensuite déclaré au bureau des familles de réfugiés que ces personnes étaient nées respectivement le 9 octobre 1984, le 22 novembre 2003 et le 25 septembre 2007. De plus, les demandeurs de visas n'ont pas produit leurs actes d'état civil et ne justifient dès lors pas de leur identité et de leurs liens familiaux avec M. B.... Enfin, les transferts d'argent ne permettent pas davantage à eux seuls d'établir l'identité des demandeurs de visas et leurs liens familiaux avec le réfugié.
7. Dans ces conditions, la commission de recours n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 2 en rejetant les demandes de visas des intéressés au motif que les déclarations des demandeurs conduisent à conclure à une tentative frauduleuse pour obtenir des visas au titre de la réunification familiale. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision de la commission de recours, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif que cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts B... devant le tribunal et devant la cour.
9. Dès lors que l'identité des demandeurs de visas et leurs liens familiaux avec le réfugié ne sont pas établis, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande des consorts B..., la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer les visas de long séjour sollicités. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement aux consorts B... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 20 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par les consorts B... devant le tribunal administratif de Nantes et leurs conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. G... B..., à Mme I... H..., à M. D... B..., à M. E... B... et à M. F... B....
Délibéré après l'audience du 27 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02390