Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 31 octobre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à Rennes a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.
Par un jugement n° 2406602 du 18 novembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2024, et un mémoire du 19 février 2025 qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Jeanmougin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 31 octobre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'OFII a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile ;
3°) d'enjoindre à l'OFII, à titre principal, de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à compter du 31 octobre 2024 ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 3000 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'a pas été informé par l'OFII que ce dernier envisageait de prendre une décision de refus des conditions matérielles d'accueil ; l'OFII ne l'a pas mis à même de présenter ses observations écrites, voire orales avant l'intervention de ladite décision ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'entretien de vulnérabilité n'a pas été mené par une personne qualifiée ;
- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'OFII a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation de vulnérabilité.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2024, l'OFII conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués sont infondés.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 janvier 2025, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabernaud,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Jeanmougin, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant congolais (RDC) né le 30 septembre 2001, a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 31 octobre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Par un jugement du 18 novembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête. M. A... fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil sont refusées, totalement ou partiellement, au demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : (...) 4° Il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° de l'article L. 531-27. (...) ". Le délai prévu au
3° de l'article L. 531-27 du même code pour présenter sa demande d'asile est de quatre-vingt-dix jours à compter de l'entrée en France du demandeur. La date de présentation de la demande d'asile correspond à celle de l'introduction de la demande de protection en vue de son enregistrement par l'autorité administrative compétente et de la remise de l'attestation de demande d'asile et non celle, postérieure, de la saisine de l'OFPRA.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant congolais (RDC) né le 30 septembre 2001, est entré régulièrement en France le 24 juillet 2024 afin de participer aux épreuves de natation des Jeux Olympiques de Paris avec sa sélection nationale. Il s'est ensuite maintenu en France et a sollicité téléphoniquement le service du 115 le 12 octobre 2024 afin de déposer une demande d'asile, ainsi qu'il ressort d'une attestation de ce service du 21 novembre 2024, qui l'a alors orienté vers le centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) de Rennes. M. A... a contacté ce dernier le même jour, lequel lui a indiqué, le 14 octobre suivant, qu'il avait un entretien avec un instructeur du centre le 25 octobre suivant. Lors de cet entretien, un rendez-vous avec la préfecture d'Ille-et-Vilaine a été pris le 31 octobre 2024, date à laquelle M. A... a pu effectivement déposer sa demande d'asile, laquelle été enregistrée en procédure dite normale. Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. A... doit donc être regardé comme ayant présenté sa demande d'asile le 12 octobre 2024, date à laquelle il a en effet saisi le CADA de Rennes afin que celle-ci soit enregistrée par l'autorité administrative, soit dans les 90 jours après son entrée en France. Dans ces conditions, en refusant, aux termes de la décision contestée du 31 octobre 2024, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à M. A... au motif qu'il n'avait pas respecté le délai de 90 jours pour déposer sa demande prévu au 3° de l'article L. 531-27 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la directrice territoriale de l'OFII a commis une erreur de droit. En conséquence, sa décision du 31 octobre 2024 doit être annulée pour ce motif.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la directrice territoriale de l'OFII du 31 octobre 2024.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint à l'OFII d'accorder à M. A... les conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile à compter du 31 octobre 2024, date à laquelle sa demande d'asile a été enregistrée. Dès lors, il y a lieu, pour la cour, de prononcer cette injonction dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de M. A....
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1200 euros à Me Jeanmougin dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 18 novembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La décision de la directrice territoriale de l'OFII du 31 octobre 2024 refusant le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à M. A... en qualité de demandeur d'asile est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à l'OFII d'accorder à M. A... les conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile à compter du 31 octobre 2024 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Jeanmougin la somme de 1200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Jeanmougin et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2025.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT03522