Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 et notamment ses articles 5 et 30 ;
- la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 et notamment son article 31 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a déposé le 14 juin 2012 une déclaration d'imputation d'une créance fiscale née du droit à restitution des impositions directes par lequel elle est devenue titulaire d'une créance d'impôt en application du " bouclier fiscal " d'un montant de 40 673 euros après imputation de la somme de 34 555 euros sur sa cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune de l'année 2012. Par une première réclamation du 30 décembre 2020, elle a sollicité la restitution de cette créance qu'elle n'a pas pu imputer sur l'impôt de solidarité sur la fortune des années postérieures à 2012 jusqu'à la suppression de l'impôt sur la fortune au 1er janvier 2018 par l'effet des dispositions du 34° du B du I de l'article 31 de la loi de finances pour 2018. Sa demande a été rejetée par décision du 29 janvier 2021 au motif de sa tardiveté. En outre, cette décision a précisé que le reliquat de la créance dont elle aurait pu se prévaloir ne s'élevait qu'à la somme de 12 616 euros. Mme B... a présenté une seconde réclamation qui a été rejetée par décision du 2 mars 2021 par laquelle le service a, d'une part, réaffirmé la tardiveté de la demande et, d'autre part, a fixé la créance fiscale dont aurait pu se prévaloir Mme B... à la somme de 37 506 euros. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la restitution du reliquat de sa créance fiscale sur l'État née du plafonnement des impôts directs afférents à ses revenus n'ayant pu être imputé sur la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012 pour un montant de 37 506 euros. Par un jugement du 26 juin 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête. Mme B... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 1er du code général des impôts, alors applicable : " Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus. Les conditions d'application de ce droit sont définies à l'article 1649-0 A. ". Selon l'article 1649-0 A du CGI, alors applicable, " 1. Le droit à restitution de la fraction des impositions qui excède le seuil mentionné à l'article 1er est acquis par le contribuable au 1er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4. / (...) / 8. Les demandes de restitution doivent être déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4. Les dispositions de l'article 1965 L sont applicables. / Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu même lorsque les revenus pris en compte pour la détermination du droit à restitution sont issus d'une période prescrite. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôt sur le revenu. / 9. Par dérogation aux dispositions du 8, le contribuable peut, sous sa responsabilité, utiliser la créance qu'il détient sur l'État à raison du droit à restitution acquis au titre d'une année, pour le paiement des impositions mentionnées aux b à e du 2 exigibles au cours de cette même année. / Cette créance, acquise à la même date que le droit à restitution mentionné au 1, est égale au montant de ce droit. / La possibilité d'imputer cette créance est subordonnée au dépôt d'une déclaration faisant état du montant total des revenus mentionnés au 4, de celui des impositions mentionnées au 2 et de celui de la créance mentionnée au premier alinéa, ainsi que de l'imposition ou de l'acompte provisionnel sur lequel la créance est imputée. / (...) ". Aux termes de l'article 5 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 : " Les contribuables qui sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2011 et qui n'exercent pas le droit à restitution acquis au 1er janvier de la même année en déposant une demande de restitution selon les modalités prévues au 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts avant le 30 septembre 2011 exercent ce droit à restitution, selon les modalités prévues au 9 du même article, en imputant le montant correspondant à ce droit exclusivement sur celui de la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due au titre de 2011. / La part du droit à restitution non imputée sur la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due par les contribuables, en application du premier alinéa du présent article, constitue une créance sur l'État imputable exclusivement sur les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre des années suivantes. / Par exception au deuxième alinéa, la restitution du reliquat de la créance née du droit à restitution acquis en 2011 peut être demandée par le contribuable ou ses ayants droit avant le 31 décembre de l'année au titre de laquelle : / - le contribuable titulaire de la créance n'est plus redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune ;/ - les membres du foyer fiscal titulaire de la créance font l'objet d'une imposition distincte à l'impôt de solidarité sur la fortune ; / - l'un des membres du foyer fiscal titulaire de la créance décède. ". Aux termes de l'article 30 de la même loi : " I.-Les articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts s'appliquent pour la dernière fois pour la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010. / II.-Les contribuables qui sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2012 exercent le droit à restitution acquis au 1er janvier de la même année en application de l'article 1649-0 A du code général des impôts, selon les modalités prévues au 9 du même article, en imputant le montant correspondant à ce droit exclusivement sur celui de la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due au titre de la même année. / La part du droit à restitution non imputée sur la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due par les contribuables, en application du premier alinéa du présent II, constitue une créance sur l'État imputable exclusivement sur les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre des années suivantes. / Par exception au deuxième alinéa du présent II, la restitution du reliquat de la créance née du droit à restitution acquis en 2012 peut être demandée par le contribuable ou ses ayants droit avant le 31 décembre de l'année au titre de laquelle : / 1° Le contribuable titulaire de la créance n'est plus redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune ; / 2° Les membres du foyer fiscal titulaire de la créance font l'objet d'une imposition distincte à l'impôt de solidarité sur la fortune ; / 3° L'un des membres du foyer fiscal titulaire de la créance décède. ".
3. Il résulte de l'instruction qu'en application de l'article 1649-0-A du code général des impôts rappelé ci-dessus dont les dispositions ont été précisées par l'article 5 et par le II de l'article 30 de la loi de finances rectificatives du 9 juillet 2011 qui a supprimé le bouclier fiscal, les contribuables qui n'avaient pas formé de demande de restitution de leur créance de bouclier fiscal avant le 30 septembre 2011 ne pouvaient en obtenir la restitution que par le biais d'une imputation de leur créance sur leurs cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) des années ultérieures. La suppression de l'ISF au 1er janvier 2018 par le 34° du B du I de l'article 31 de la loi de finances pour 2018 a rendu impossible l'imputation de la créance de bouclier fiscal détenue par les contribuables sur leurs cotisations d'ISF. Ainsi, cette loi a donc eu une incidence sur les modalités de restitution de la créance de bouclier fiscal détenue par Mme B... et par conséquent sur le régime de cette créance fiscale. Il s'ensuit que la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune constitue un évènement au sens des dispositions du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales rappelées ci-dessus, qui ouvrait à Mme B... un nouveau délai de réclamation jusqu'au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Il suit de là que le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 juin 2024 qui a rejeté la demande de Mme B... au motif que sa réclamation, présentée pour la première fois, le 30 décembre 2020 était tardive, doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes.
5. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire.". Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) ". Seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai prévu au c de de ce dernier article les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul.
6. Une demande de restitution de la fraction des impositions qui excède 50 % des revenus en application des dispositions alors applicables de l'article 1er du code général des impôts constitue une réclamation tendant à obtenir le bénéfice d'un droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Le délai particulier prévu par le 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts pour formuler une demande de restitution ne fait pas obstacle à ce que soit invoquée, après l'expiration de ce délai, la réalisation d'un événement qui motive la réclamation, au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.
7. Comme il a été dit précédemment, la suppression au 1er janvier 2018 de l'ISF constitue un évènement au sens des dispositions du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales rappelées au point 5. Ainsi, Mme B... était recevable à présenter aux services fiscaux le 30 décembre 2020, soit avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation de l'évènement que constitue la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune, le 1er janvier 2018, une réclamation tendant au remboursement de sa créance de bouclier fiscal d'un montant qu'elle ne conteste pas en appel, fixé en dernier lieu par l'administration fiscale à la somme de 37 506 euros dans la décision de rejet de sa seconde réclamation du 2 mars 2021. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de ce que l'article 1649-0 A du code général des impôts dans sa rédaction modifiée applicable au litige ouvrait au contribuable une simple possibilité de demander le remboursement d'une créance de bouclier fiscale et ne fixait aucune règle de forclusion, Mme B... est bien fondée à demander à l'administration de procéder à la restitution de sa créance de bouclier fiscal pour un montant de 37 506 euros.
8. Il résulte de tout ce qui précède et alors que l'administration fiscale ne se prévaut en appel d'aucun autre moyen que celui tiré de la tardiveté de la demande de remboursement de la créance en litige que Mme B... est en droit de prétendre à la restitution de la somme de 37 506 euros correspondant au montant de sa créance de bouclier fiscal.
Sur les frais de justice :
9. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 juin 2024 est annulé.
Article 2 : L'administration procédera à la restitution de la créance de bouclier fiscal de Mme B... d'un montant de 37 506 euros.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 14 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0232202