Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... C..., a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner, à titre principal, le centre hospitalier Bretagne Atlantique (CHBA) de Vannes à lui verser la somme de 426 880,70 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la dysphonie dont elle est restée atteinte après son opération de lobo-isthmectomie droite le 22 octobre 2009 ou, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 421 880,70 euros et le CHBA à lui verser une somme de 5 000 euros.
MM. et Mmes B..., Serge, Elisabeth et Yvonne C..., héritiers de F... C..., ont repris l'instance après son décès intervenu le 15 janvier 2020.
Par un jugement n°1901813 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'ONIAM à verser à la succession C... la somme de 42 826,28 euros au titre de l'engagement de la solidarité nationale et ordonné à la succession C... de restituer au CHBA la somme de 8 000 euros correspondant à la provision de 10 000 euros perçue par I... sous déduction d'une somme de 2000 euros correspondant à la condamnation du CHBA à indemniser le préjudice d'impréparation subi par F... C....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 août 2023 et le 17 juillet 2024, l'ONIAM, représenté par Me Sylvie Welsch, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 juin 2023 ;
2°) de condamner le CHBA en raison de la faute technique commise par le Dr H... à l'origine des préjudices subis par F... C... ;
3°) de rejeter les demandes indemnitaires présentées à son encontre en l'absence d'engagement de la solidarité nationale ;
4°) à titre subsidiaire, pour le cas où la responsabilité de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale serait retenue, de rejeter les demandes indemnitaires des consorts C... au titre des frais de déplacement, de l'assistance par tierce personne temporaire, du préjudice esthétique temporaire, de l'incidence professionnelle, du déficit professionnel permanent, du préjudice esthétique permanent de la perte de gains professionnels actuels, ou, subsidiairement, de l'évaluer à 1 669,62 euros, de la perte de gains professionnels future, ou subsidiairement de l'évaluer à 6 178,91 euros, de réduire les indemnisations à 500 euros pour le préjudice esthétique temporaire, 16 405 euros pour le déficit fonctionnel permanent et 363 euros pour le préjudice esthétique permanent, et de confirmer les montants accordés par le tribunal pour les autres postes de préjudice.
L'ONIAM soutient que :
- le Dr H... a bien eu un geste médical fautif au cours de la lobo-isthmectomie puisque le nerf récurrent droit a été partiellement sectionné alors que l'opération d'ablation d'un nodule pratiquée sur F... C... ne présentait pas de difficulté chirurgicale ;
- l'indemnisation des préjudices réclamée par les héritiers de F... C... est en tout état de cause excessive alors que son décès, qui n'a pas de lien avec l'opération chirurgicale en cause, n'est pas pris en compte pour certains postes de préjudice et que l'évaluation de l'indemnisation des différents postes de préjudice doit être faite à partir du référentiel ONIAM de 2022 et sous déduction des créances des organismes sociaux ; les frais de déplacement de F... C... pour se rendre aux rendez-vous médicaux et réunions d'expertise ne sont pas justifiés à hauteur de 1 429,18 euros, le poste de l'assistance par tierce personne temporaire n'aurait pas dû être indemnisé à hauteur de 6 321,10 euros alors que le Dr A... a indiqué qu'aucune aide temporaire humaine n'était nécessaire si ce n'est ponctuellement ; l'absence d'indemnisation par le tribunal du poste pertes de gains professionnels actuels doit être confirmé en l'absence de production de justificatifs attestant des pertes de rémunération ; la somme de 875 euros allouée par le tribunal pour le déficit fonctionnel temporaire doit être confirmée ; de même s'agissant de la somme de 3 000 euros pour les souffrances endurées, cotées à 2,5 sur 7 ; le préjudice esthétique temporaire coté 1,5 sur 7 ne doit pas excéder 500 euros ; le poste d'assistance par tierce personne permanente ne peut donner lieu à indemnisation ; le poste de perte de gains professionnels futurs n'est pas établi en l'absence de justificatifs et compte tenu du maintien du salaire par l'EHPAD employeur jusqu'à la mise en retraite anticipée et le versement d'une pension d'invalidité anticipée par la Caisse des dépôts et consignations ; le déficit fonctionnel permanent pour un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de 15 % doit être ramené de 21 751 euros à 16 405 euros ; le montant accordé pour le préjudice esthétique permanent, de 1,5 sur une échelle de 7, doit être réduit à 363 euros pour tenir compte du décès de F... C...; le montant de 1 000 euros accordé par le tribunal pour le préjudice d'agrément pourra être confirmé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 janvier et 14 août 2024, le CHBA, représenté par le cabinet Le Prado et Gilbert, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) au rejet des conclusions présentées à son encontre par la SA Relyens SPS et l'EHPAD La maison de retraite du Bois Joli.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par l'ONIAM ne sont pas fondés ;
- les interventions de la SA Relyens SPS, anciennement dénommée Sofaxis, et de l'EHPAD La maison de retraite du Bois Joli sont irrecevables et infondées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2024, les consorts C..., représentés par Me Podevin, concluent :
1°) à titre principal, au rejet de la requête et, par la voie d'un appel incident, à ce que la condamnation de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale soit portée à un montant total de 180 301,33 euros ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation du CHBA au lieu et place de l'ONIAM, à leur verser la somme totale de 180 301,33 euros et à la confirmation de la condamnation du CHBA à leur verser 2 000 euros au titre du préjudice d'impréparation retenu aux points 32 et 36 du jugement attaqué ;
3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du Centre hospitalier Bretagne Atlantique sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la lésion du nerf récurrent ayant généré la paralysie dont a été victime Mme F... C... constitue un aléa thérapeutique (risque accidentel inhérent à l'acte médical de lobo-isthmectomie) indemnisable au titre de la solidarité nationale eu égard à la rareté de cet accident (3% des cas de chirurgie thyroïdienne) et à l'anormalité du dommage, (durée de l'arrêt de l'activité professionnelle supérieure à 6 mois consécutifs au cours de la période de douze mois suivant l'accident médical) en application des dispositions de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ;
- subsidiairement, si la maladresse de l'acte chirurgical est regardée comme étant une faute médicale, le CHBA doit être condamné au lieu et place de l'ONIAM à leur verser la somme totale de 180 301,33 euros ;
- la condamnation du CHBA à la somme de 2 000 euros en raison du préjudice d'impréparation de F... C... doit être confirmée ;
- la condamnation à la somme totale de 180 301,33 euros de l'ONIAM ou du CHBA se décompose comme suit :
. les frais de déplacement pour se rendre aux opérations d'expertise de la CCI de la région Bretagne doivent être indemnisés à hauteur de 2 284,98 euros correspondant aux 3 084 kilomètres parcourus par F... C... avec son véhicule d'une puissance fiscale de 7 chevaux ;
. l'assistance à tierce personne temporaire doit être réévaluée à une heure par jour au lieu de 4 heures par semaine sur la période du 22 octobre 2009 au 21 septembre 2011, date de consolidation fixée par le Dr A..., et indemnisée à hauteur de 10 500 euros ;
. une perte de gains professionnels actuelle correspondant à la perte de la nouvelle bonification indiciaire, des primes de service et des primes des dimanches et jours fériés de F... C..., aide-médico psychologique en EHPAD sur la période de janvier 2010 à octobre 2014 doit être fixée à la somme évaluée par son employeur de 14 900 euros ;
. l'assistance à tierce personne permanente doit être indemnisée, sur la période postérieure au 21 septembre 2010 et jusqu'au décès de F... C... le 22 janvier 2020, à raison d'une heure par jour, à 15 euros, soit, pour 3046 jours, la somme de 45 690 euros ;
. la perte de gains professionnels de F... C... correspondant aux pertes de salaires depuis la date de consolidation le 21 septembre 2011 jusqu'à sa retraite pour invalidité en 2017 s'établit à 11 163 euros et sa perte de revenus de sa retraite pour invalidité jusqu'à son décès s'établit à 14 021,52 euros soit un total de perte de revenus de 25 184,52 euros ;
. l'incidence professionnelle doit être portée de 5 000 à 20 000 euros ;
. le déficit fonctionnel temporaire doit être porté de 875 à 2 741,83 euros ;
. les souffrances endurées doivent être portées de 3 000 à 5 000 euros ;
. le préjudice esthétique temporaire sera maintenu à la somme de 1 000 euros ;
. le déficit fonctionnel permanent provenant de son aphonie doit être porté de 15 % à 25 % et de 21 751 à 45 000 euros ;
. le préjudice esthétique permanent sera porté de 2 000 à 3 000 euros ;
. le préjudice d'agrément sera porté de 1 000 à 5 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 24 mai 2024, la SA Relyens SPS anciennement dénommée société SOFAXIS, gestionnaire du système d'assurance sociale obligatoire, et l'EHPAD " La maison de retraite du Bois Joli ", employeur de F... C..., représentés par Me Tanton, concluent :
1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 juin 2023 ;
2°) à la condamnation du CHBA à réparer les préjudices corporels de F... C... en fixant les postes de perte de gains professionnels actuels du 20 octobre 2009, date de l'opération, au 24 octobre 2014, date de consolidation, à 99 198,32 euros, et la perte de gains professionnels futurs du 25 octobre 2014 au 3 avril 2017, date de la mise en retraite anticipée pour invalidité, à 38 319,19 euros ;
3°) à la condamnation du CHBA à payer à l'EHPAD Maison de retraite du Bois Joli la somme de 78 213,22 euros au titre du remboursement des charges patronales afférentes aux salaires maintenus de la victime ;
4°) à la condamnation du CHBA à payer à Relyens SPS et à l'EHPAD Maison de retraite du Bois Joli la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité pour faute médicale est bien engagée à l'encontre du CHBA dans la mesure où le Dr H... a sectionné le nerf récurrent de F... C... au cours de l'opération d'ablation partielle de sa thyroïde du 22 octobre 2009, entraînant une aphonie quasi-totale ainsi qu'en ont conclu dans leurs rapports le Dr A... pour la CCI et le Dr D..., médecin conseil de F... C... ;
- le rapport médical du Dr G... qui concluait à un aléa thérapeutique ne pouvait, en tout état de cause, être pris en compte par le tribunal administratif de Rennes alors que le président de la Cour administrative d'appel de Nantes a annulé par une ordonnance du 3 septembre 2012 l'ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes ordonnant ladite expertise ; par ailleurs, il est dépourvu de fondement ;
- l'EHPAD Maison de retraite du Bois Joli, en sa qualité d'employeur, est en droit d'obtenir la condamnation du CHBA à lui rembourser l'ensemble des salaires maintenus au profit de F... C... pendant ses congés de longue maladie et temps partiel thérapeutique à hauteur d'un montant de 99 198,32 euros pour la période du 20 octobre 2009 au 24 octobre 2014 et de 38 319,19 euros pour la période du 25 octobre 2014 au 3 avril 2017.
La procédure a été communiquée à la Caisse des dépôts et consignations, qui n'a pas produit d'observations.
Vu l'ordonnance n° 1602250 du 17 octobre 2016 du président du tribunal administratif de Rennes condamnant le CHBA à verser une provision de 10 000 euros à F... C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marion,
- et les conclusions de M. Catroux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. F... C..., alors âgée de 44 ans, a subi, le 22 octobre 2009, une opération de lobo-isthmectomie thyroïdienne droite au Centre hospitalier de Bretagne Atlantique. Etant restée atteinte d'une dysphonie à l'issue de l'intervention chirurgicale, elle a saisi, le 18 janvier 2011, la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) de la région Bretagne, ainsi qu'en parallèle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes. Par une décision du 18 mars 2011, la CRCI de la région Bretagne a ordonné la réalisation d'une expertise confiée au docteur A..., spécialiste en oto-rhino-laryngologie (ORL), dont le rapport a été déposé le 4 janvier 2012. Par une ordonnance du 22 mars 2011, le juge des référés a ordonné la réalisation d'une expertise confiée au docteur G..., spécialiste en ORL. Toutefois, par une ordonnance du 3 septembre 2012, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal au motif que l'expertise judiciaire ordonnée ne présentait pas d'utilité. Par un avis du 26 avril 2012, la CRCI de la région Bretagne s'est prononcée en faveur de l'engagement de la responsabilité du CHBA. Par une ordonnance du 17 octobre 2016, le juge des référés provision du tribunal administratif de Rennes a condamné le CHBA à verser une provision de 10 000 euros à F... C... et de 1 737,55 euros à la CPAM du Finistère. Par un courrier daté du 16 janvier 2019, reçu le 22 janvier 2019, F... C... a adressé au CHBA une demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices. Cette demande ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, elle a alors demandé, le 12 avril 2019, au tribunal administratif de Rennes de condamner le CHBA à l'indemniser des conséquences dommageables de sa prise en charge par cet établissement. Par un jugement du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'ONIAM à verser à la succession C... la somme de 42 826,28 euros au titre de l'engagement de la solidarité nationale et ordonné à la succession C... de restituer au CHBA la somme de 8 000 euros correspondant à la provision de 10 000 euros perçue par F... C... en vertu de l'ordonnance du juge des référés du 17 octobre 2016, dont a été déduite la somme de 2 000 euros accordée à F... C... et mise à la charge du CHBA en réparation du préjudice d'impréparation ayant résulté du défaut d'information sur les conséquences possibles de l'opération de lobo-isthmectomie que devait subir l'intéressée. Par la requête visée ci-dessus, l'ONIAM relève appel du jugement du 23 juin 2023 et conclut à titre principal à la condamnation du CHBA à indemniser la succession C... des préjudices subis par F... C.... La succession C... conclut à titre principal au rejet de la requête, subsidiairement à la condamnation du CHBA à l'indemniser, et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement pour porter le montant de la réparation des préjudices de F... C... à la somme totale de 180 301,33 euros qu'elle avait initialement réclamée. L'EHPAD " La maison de retraite du Bois Joli ", employeur de F... C..., et son assureur, la Société Relyens, concluent à la réformation du jugement du 23 juin 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions et demandent, en leur qualité de tiers-payeurs, que les salaires bruts et charges patronales acquittés pour le compte de F... C... leur soient remboursés à hauteur de respectivement 99 198,32 euros, 38 319,19 euros et 78 213,22 euros.
Sur la responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " .
3. Il résulte de l'instruction et notamment des deux rapports d'expertise des Drs A... et G..., dont il y a lieu de tenir compte, s'agissant du second, pour les éléments de pur fait non contestés par les parties qu'il rapporte et pour les éléments d'information qu'il contient s'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier, que la paralysie du nerf récurrent à l'origine de la dysphonie sévère dont est restée atteinte F... C... à l'issue de son opération de lobo-isthmectomie du 22 octobre 2009 a pour origine la section partielle de plusieurs fibres du nerf récurrent, intervenue au cours de l'intervention chirurgicale en cause. Il résulte également de ces rapports d'expertise que l'état antérieur de F... C... n'a pas participé à la constitution du dommage alors que le nerf récurrent de l'intéressée ne présentait aucune anomalie morphologique et n'avait aucun lien avec la neuro-fibromatose de type II dont elle était, par ailleurs, atteinte. Dans ces conditions, la paralysie de la corde vocale dont elle est victime n'a pas pour origine un étirement ou une compression du nerf récurrent qui serait survenue de façon imprévisible au décours de l'opération. Par ailleurs, en l'absence de difficulté de visualisation du trajet du nerf récurrent et de difficultés apparues pendant l'intervention d'ablation des deux nodules situés sur le lobe droit et l'isthme de la thyroïde, la section partielle de certaines fibres du nerf récurrent n'était pas non plus inévitable dès lors qu'une visualisation préalable du trajet du nerf récurrent et une incision minutieuse auraient permis de préserver ce nerf. La paralysie vocale apparue postérieurement à l'intervention chirurgicale apparaît donc comme la conséquence d'un manquement d'ordre technique dans la réalisation du geste opératoire. Un tel manquement, consistant en une maladresse fautive de la part du chirurgien, ne peut être qualifié de " complication due à la paralysie récurrentielle imputable à l'opération en l'absence de geste médical fautif " au sens du rapport du conseil national de la société française d'ORL de 2008. Par suite, l'ONIAM est fondé à soutenir que la dysphonie dont a été atteinte Mme F... C... n'est pas la conséquence d'un aléa thérapeutique. Il en résulte que la solidarité nationale ne pouvait être engagée et que seule la responsabilité pour faute médicale du centre hospitalier Bretagne Atlantique trouve à s'appliquer en l'espèce.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires dirigées contre le centre hospitalier de Bretagne Atlantique :
4. Si la CRCI est saisie, avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification, par un établissement public de santé, d'une décision rejetant une demande d'indemnisation, ce délai se trouve suspendu conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique. Eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur en instituant une procédure de règlement amiable des litiges, la notification de la décision rejetant la demande d'indemnité doit indiquer non seulement que le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de deux mois mais aussi que ce délai est suspendu en cas de saisine de la CRCI. La notification ne fait pas courir le délai si elle ne comporte pas cette double indication.
5. Il résulte de l'instruction que la décision du directeur du Centre hospitalier de Bretagne Atlantique du 30 novembre 2010, notifiée à F... C... le 4 décembre 2010, qui rejetait une réclamation indemnitaire préalable non produite, se borne à mentionner que la requérante peut " saisir le Tribunal Administratif de Rennes (3 contour de la Motte 35044 RENNES Cedex) dans le délai de deux mois à compter de sa réception " sans préciser que ce délai est suspendu en cas de saisine de la CRCI. Par suite, en l'absence de cette double indication dans la lettre de rejet de la réclamation de F... C..., aucun délai de recours contentieux n'a pu commencer à courir. En conséquence, la requête de F... C... devant le tribunal administratif de Rennes n'était pas tardive et la fin de non-recevoir opposée par le CHBA doit donc être écartée.
Sur la réparation des dommages subis par F... C... :
En ce qui concerne les préjudices temporaires :
S'agissant des frais de médecin conseil :
6. Il y a lieu de mettre à la charge du CHBA le remboursement aux consorts C... des frais, dûment justifiés à hauteur de 450 euros, du médecin conseil de F... C..., qui était présent à la réunion d'expertise.
S'agissant des frais de déplacement pour se rendre aux rendez-vous médicaux et à la réunion d'expertise :
7. Il résulte de l'instruction que F... C... s'est déplacée en voiture entre le mois de décembre 2009 et le 9 septembre 2015 pour se rendre en consultation de phoniatrie à Rennes à 3 reprises, en consultation d'orthophonie à Auray à 9 reprises, et une fois au CHRU de Rennes pour y subir une opération d'injection de silicone dans les cordes vocales. La circonstance que l'ordonnance du 22 mars 2011, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a ordonné une expertise, a été annulée le 3 septembre 2012 par le président de la cour administrative d'appel de Nantes au motif de l'absence d'utilité de cette expertise, ne fait pas obstacle à l'indemnisation des frais exposés par l'intéressée pour se rendre à Brest le 6 mai 2011, alors que ce déplacement pour se rendre à la réunion à laquelle elle avait été convoquée par l'expert alors régulièrement désigné est à l'évidence en lien avec la faute caractérisée au point 3 ci-dessus. Les consorts C... sont aussi fondés à obtenir le remboursement des frais de déplacement exposés par F... C... pour se rendre à la réunion d'expertise qui a eu lieu à Saint-Denis le 1er décembre 2011. Compte tenu de la distance qui séparait son lieu de domicile de ces différents lieux de rendez-vous, ainsi que du barème kilométrique en vigueur en 2018 applicable pour un véhicule de 7 cv, il y a lieu d'évaluer à 3 084 km la distance totale parcourue soit, sur la base d'une indemnité de 0,595 euros du kilomètre, à la somme de 1 834,98 euros le montant de ses frais de déplacement pour se rendre aux rendez-vous médicaux et aux réunions d'expertise.
S'agissant de l'assistance par une tierce personne temporaire :
8. S'il résulte de l'instruction, notamment de l'avis de la CCI de la région Bretagne et du rapport d'expertise du Dr A..., que la paralysie récurrentielle droite dont a été victime F... C... rendait nécessaire l'assistance par une tierce personne pour réaliser certaines activités en raison de sa faible puissance vocale, cette assistance n'était néanmoins réellement nécessaire que pour passer des appels téléphoniques ou entreprendre des démarches administratives. Par suite, il y a lieu de retenir le besoin en assistance par tierce personne non spécialisée temporaire tel qu'il a été évalué par la CCI de la région Bretagne à 4 heures par semaine du 22 octobre 2009 au 21 septembre 2011, date de consolidation soit, par application d'un taux horaire de 14 euros et sur une base de 412 jours par an pour tenir compte des congés et des jours fériés, à la somme totale de 6 321,10 euros.
S'agissant de la perte de gains professionnels sur la période courant du 22 octobre 2009 au 24 octobre 2014 :
9. Il résulte de l'instruction que, si la date de consolidation a été fixée au 21 septembre 2011 par le Dr A..., expert, F... C... a bénéficié d'un traitement par injection de silicone dans sa corde vocale gauche, puis par la suite d'une opération de retrait des injections de silicone effectuée le 24 septembre 2014 par le Dr E..., médecin ORL au CHU de Rennes. Le Dr D..., médecin conseil de F... C..., a proposé de considérer que la date de consolidation de l'état de santé de F... C... était intervenue le 24 octobre 2014, date qu'il y a lieu de retenir, en l'absence de contestation sérieuse sur ce point en appel comme en première instance. Parallèlement, les traitements et accessoires de salaires de F... C... ont été maintenus par la société Sofaxis, devenue SA Relyens SPS, gestionnaire du système d'assurance sociale obligatoire, et par l'employeur de F... C..., l'EHPAD " La maison de retraite du Bois Joli ", durant toute son indisponibilité au travail, totale ou partielle, soit durant la période du 22 octobre 2009 au 24 octobre 2014. Il résulte également de l'instruction que F... C... qui a dû, en raison de son handicap, être affectée, lors de sa reprise d'activité, sur un emploi aménagé d'aide-soignante n'a pas pu bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire, des primes de service et des primes des dimanches et jours fériés qu'elle percevait lorsqu'elle exerçait l'emploi d'aide médico-psychologique. Une attestation de l'EHPAD " La maison de retraite du Bois Joli " fait état d'une perte sur la période courant du 1er janvier 2010 à la fin octobre 2014 de 14 900 euros. Toutefois, l'avis d'imposition 2010 pour les revenus perçus en 2009 produit par F... C... en première instance permet de constater une perte de revenu de 3 103 euros seulement sur la période courant de janvier 2010 à décembre 2011, soit 129,29 euros par mois. Il y a donc lieu par suite de mettre à la charge du Centre hospitalier Bretagne Atlantique pour la période de 58 mois courant de janvier 2010 à octobre 2014 la somme de 7 498,82 euros au titre du préjudice de perte de gains professionnels temporaire sur la période en cause.
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
10. Il résulte de l'instruction, notamment de l'avis de la CCI de la région Bretagne et du rapport d'expertise du Dr A... éclairé par le rapport du Dr D..., médecin conseil de F... C..., que celle-ci a subi un déficit fonctionnel temporaire strictement imputable à la faute médicale commise au cours de l'intervention chirurgicale du 22 octobre 2009 qu'il y a lieu de fixer de la manière suivante : déficit fonctionnel total (100 %) les 13 et 14 décembre 2010, déficit fonctionnel de classe II (25 %) du 22 novembre 2009 au 13 décembre 2010, et du 15 décembre 2010 au 20 septembre 2011. Par suite, il y a lieu d'accorder une somme de 2 745 euros à la succession C... au titre du déficit fonctionnel temporaire subi par F... C....
S'agissant du préjudice esthétique temporaire :
11. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique temporaire a été évalué à 1,5 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à 1 000 euros
En ce qui concerne les préjudices permanents :
S'agissant des souffrances endurées :
12. Les souffrances endurées ont été évaluées par le Dr A... et l'avis de la CCI de la région Bretagne à 2,5 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à 3 000 euros.
S'agissant de l'assistance par une tierce personne permanente :
13. Si le Dr D..., médecin conseil, a estimé que F... C... avait encore besoin d'une assistance par une tierce personne à raison d'une heure par jour après la date de consolidation, le Dr A... et le Dr G... n'ont retenu que des besoins ponctuels en ATP après le 21 septembre 2011. Par suite, il n'y a pas lieu de condamner le CHBA de ce chef.
S'agissant de la perte de gains professionnels après 2014 :
14. Il ressort des pièces du dossier que l'opération de réparation de la dysphonie du 24 septembre 2014 mentionnée ci-dessus au point 9 a été réalisée alors que F... C..., qui n'a jamais pu durablement retravailler à la suite de l'intervention fautive, se trouvait en congé de longue durée jusqu'au 11 janvier 2015. A compter du 12 janvier 2015, l'intéressée a été réintégrée et affectée sur un poste adapté d'hôtelière à l'EHPAD Maison de retraite de Questembert à temps partiel thérapeutique. Si elle a à nouveau été placée en arrêt maladie du 16 février 2015 au 18 février 2015 puis du 31 mars 2015 au 27 avril 2015 et enfin du 16 juillet 2016 au 3 avril 2017, aucune pièce du dossier ne permet d'établir un lien entre ces arrêts maladie et l'aphonie et les troubles dysphagiques dont elle est restée atteinte à l'issue de l'opération d'isthmectomie partielle subie le 22 octobre 2009. Par suite, la requérante, qui a repris sur des postes adaptés à son handicap une activité à temps partiel thérapeutique du 19 février au 30 mars 2015 et du 28 avril au 11 janvier 2016, n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre d'une perte de gains professionnels sur la période courant du 12 janvier 2015 au 4 avril 2017. Par ailleurs, l'imputabilité aux conséquence de l'intervention de 2009 de son placement en retraite pour invalidité n'est pas établie alors qu'il résulte de l'avis de la commission de réforme du 2 février 2017 que l'invalidité de F... C... était constituée à hauteur de 20 % de douleurs chroniques apparues en 2013 et sans lien avant l'intervention chirurgicale fautive du 22 octobre 2009 et que la décision de la CNRACL plaçant F... C... en retraite pour invalidité à compter du 4 avril 2017 ne retient un taux d'invalidité que de 55,20 %. Dans ces conditions, la demande d'indemnisation de la requérante présentée au titre de la perte de gains professionnels pendant sa retraite pour invalidité ne peut davantage être accueillie. Par suite, il n'y a pas lieu d'indemniser la succession C... à raison de pertes de gains professionnels subies par F... C... postérieurement à 2014.
S'agissant de l'incidence professionnelle :
15. Il résulte de l'instruction que F... C..., qui a commencé sa carrière comme agent hospitalier, est devenue aide médicopsychologique (AMP) à l'issue d'une formation diplômante de 18 mois dans le but de satisfaire un objectif professionnel. Il résulte de l'instruction que l'impossibilité totale d'exercer son métier d'aide médicopsychologique a pour cause la dysphonie sévère dont elle a été victime à la suite de l'intervention du 22 octobre 2009. F... C... a donc dû quitter des fonctions plus épanouissantes et valorisantes exercées à temps plein et qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 8, lui permettaient de percevoir certaines primes et bonifications. En outre, il résulte de l'instruction que la dysphonie et la dysphagie ayant résulté de l'intervention, associées à la maladie neurologique dont Mme F... C... était antérieurement atteinte, ne lui ont pas permis de retrouver une activité professionnelle durable et l'ont conduite à solliciter une mise à la retraite pour invalidité de façon anticipée. S'il est soutenu par l'ONIAM que la pension d'invalidité qui a été versée à partir de 2018, de même que, les années précédentes, le maintien de sa rémunération par son employeur doivent venir en déduction pour le calcul du préjudice d'incidence professionnelle dont elle doit être indemnisée, il n'en demeure pas moins qu'elle a subi, outre une incidence à caractère patrimonial, une pénibilité accrue dans son travail et le renoncement forcé à une carrière professionnelle, avec la perte des contacts sociaux et de l'épanouissement qui en découlent. Il sera fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle subie par F... C... non couverte par la pension et les revenus de remplacement susmentionnés, et notamment de la part de la part personnelle de cette incidence, en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
16. Il résulte de l'instruction que F... C..., née le 9 juillet 1965 et dont l'état a été regardé comme consolidé au 21 septembre 2010 à l'âge de 45 ans, est restée affectée d'un trouble de la phonation et a présenté, à compter de cette date et jusqu'à son décès, survenu le 15 janvier 2020 à l'âge de 55 ans, un déficit fonctionnel permanent en relation directe avec la faute médicale. Ce déficit a été évalué à 15 % par le Dr A..., premier expert, et par la CCI de la région Bretagne. Il a été évalué à 25 % par le Dr G..., second expert, mais ce taux est contesté et a été déterminé à l'issue d'une expertise diligentée en exécution d'une ordonnance du juge des référés annulée en appel. Enfin, le Dr D..., médecin conseil de F... C... a estimé quant à lui que la très faible intensité de la voix de F... C..., d'environ 20 décibels, alliée à des troubles de la déglutition peu fréquents justifiaient un taux de déficit fonctionnel permanent de 20 %. Compte tenu de ces éléments, d'une espérance de vie féminine de 85 ans en France, de l'âge de 45 ans de F... C... au 21 septembre 2010, date de sa consolidation, et de la période de 9 ans et 3 mois s'étant écoulée entre cette date et celle de son décès, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par l'intéressée au titre de ce déficit fonctionnel permanent jusqu'à son décès en l'évaluant à la somme de 7 000 euros.
S'agissant du préjudice esthétique permanent :
17. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique permanent a été évalué à 1,5 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à 2 000 euros.
S'agissant du préjudice d'agrément :
18. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément subi par F... C... en raison de l'arrêt de ses activités associatives, justifié par des attestations produites par les consorts C..., en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.
S'agissant du préjudice d'impréparation :
19. Si le CHBA soutient que F... C... a bénéficié d'une information sur les risques de l'intervention lors d'une consultation pré-opératoire et qu'une feuille d'information du collège français d'ORL mentionnant les risques de section paralysie récurrentielle lui a été remise, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer ces allégations. Il n'est plus soutenu en appel par les consorts C... que la méconnaissance par le CHBA de son obligation d'information aurait fait perdre à F... C... une chance d'éviter de se soustraire au risque qui s'est réalisé. En revanche, il résulte de l'instruction que cette patiente a été privée de la possibilité de se préparer à la survenance d'un tel dommage, préjudice d'impréparation dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à une somme de 2 000 euros mise à la charge de l'hôpital.
20. Il résulte de ce qui précède que le Centre hospitalier Bretagne Atlantique doit être condamné à verser aux ayants droit de F... C... la somme totale de 39 849,90 euros dont il faudra déduire, s'ils ont conservé cette provision, la somme de 10 000 euros qui leur a été versée en exécution de l'ordonnance du 17 octobre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes.
Sur les conclusions de la SA Relyens et de l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli " :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le CHBA :
21. Aux termes, d'une part, de l'article 1 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques dans sa version en vigueur à la date de la demande initiale de la SA Relyens et de l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli " : " I. - Lorsque (...), l'infirmité (...) d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite (...) de l'infirmité (...) II. - Cette action concerne notamment : Le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; Les frais médicaux et pharmaceutiques (...) ; Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ; Les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées, jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires ; (...) " et de l'article 7 de cette même ordonnance " Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux recours exercés par : 1° Les collectivités locales ; 2° Les établissements publics à caractère administratif ; 3° La caisse des dépôts et consignations agissant tant pour son propre compte, que comme gérante du fonds spécial de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat et comme gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ".
22. Aux termes, d'autre part, de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation : " Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur : 1. Les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale (...) ; 2. Les prestations énumérées au II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ; 3. Les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ; 4. Les salaires et les accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné le dommage ; 5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances. " et de l'article 32 de la même loi : " Les employeurs sont admis à poursuivre directement contre le responsable des dommages ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à la victime pendant la période d'indisponibilité de celle-ci. (...) ".
23. La SA Relyens, assureur gérant du régime obligatoire de sécurité sociale des agents de la fonction publique hospitalière, et l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli, en sa qualité d'établissement public à caractère administratif, employeur de F... C..., sont recevables, en leur qualité de tiers payeurs, même après l'expiration du délai d'appel, à exercer l'action subrogatoire organisée par les dispositions précitées des articles 1 et 7 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 pour obtenir le remboursement des traitements et accessoires qu'ils ont servis à la victime durant son incapacité temporaire de travail. Par ailleurs, ils sont également recevables à agir par voie d'action directe, en application des dispositions susmentionnées de l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985 pour obtenir le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues versées à la victime. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier Bretagne Atlantique à l'action exercée par la SA Relyens et l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli " ne peut qu'être écartée.
En ce qui concerne le bien-fondé des demandes de remboursement présentées par la SA Relyens et l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli " :
24. Les tiers payeurs sollicitent le remboursement des salaires bruts maintenus à F... C... à hauteur de 98 198,32 euros et 38 319,19 euros, pendant les jours d'arrêt de travail, sur les périodes courant du 20 octobre 2009 au 24 octobre 2014 et du 25 octobre 2014 au 3 avril 2017, date de la mise en retraite anticipée pour invalidité de F... C..., ainsi que les charges patronales acquittées au titre de ces deux périodes.
25. En premier lieu, le CHBA oppose à la SA Relyens et à l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli " la prescription de leur créance. Toutefois, il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique et du deuxième alinéa de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 que le législateur a entendu porter à dix ans le délai de prescription des créances en matière de responsabilité médicale, qui n'étaient pas déjà prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi. Faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances sur les collectivités publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. Au cas particulier, l'action introduite à l'encontre de l'ONIAM et du CHBA par les consorts C..., dont la requête a été enregistrée le 12 avril 2019 devant le tribunal administratif de Rennes, a eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription de dix ans. Il suit de là qu'à la date du 18 juin 2021 à laquelle la société Sofaxis, devenue SA Relyens, et l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli " ont présenté, dans le cadre de cette instance, les conclusions qu'ils reprennent en appel tendant au remboursement de l'ensemble des salaires et charges sociales exposés au profit de F... C... durant le temps de son indisponibilité au travail, la créance dont ils se prévalent n'était pas prescrite
26. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'en l'absence même de toute faute médicale du CHBA, l'opération de lobo-isthmectomie subie le 22 octobre 2009 par F... C... aurait nécessité un arrêt de travail d'une durée d'un mois. Par ailleurs, F... C..., à sa sortie d'hospitalisation, n'a jamais travaillé de manière continue et durable, alternant des congés maladie et des reprises d'activité sur des postes adaptés d'aide-soignante dans le cadre de placements à temps partiel thérapeutique. A cet égard, il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté par le centre hospitalier que l'arrêt partiel ou total de l'activité professionnelle de F... C... a été causé par la dysphonie et les troubles de la déglutition subis en lien avec l'intervention du 22 octobre 2009, qui a entraîné une dysphonie sévère et des troubles de la déglutition jusqu'au 11 janvier 2015. Les congés de maladie ordinaire, longue maladie et longue durée de l'intéressée sur les périodes du 22 novembre 2009 au 19 avril 2011, du 27 janvier 2012 au 22 février 2012, du 5 mars 2012 au 30 septembre 2012, et du 1er octobre 2012 au 11 janvier 2015 doivent donc être rattachés à l'opération chirurgicale de 2009, F... C... ayant néanmoins pu reprendre son activité professionnelle sur des postes adaptés à son handicap dans le cadre de temps partiels thérapeutiques à partir du 12 janvier 2015. Ainsi, et compte tenu de ce qui a déjà été dit ci-dessus aux points 9 et 14, seuls les arrêts de travail et temps partiels thérapeutiques courant jusqu'au 11 janvier 2015 sont imputables à la faute médicale commise le 22 octobre 2009.
27. Il y a donc lieu de condamner le centre hospitalier Bretagne Atlantique à rembourser les traitements maintenus à F... C... et les cotisations patronales pendant ses congés de maladie ordinaire, de longue maladie et de longue durée et pendant les jours d'arrêt correspondant aux périodes de temps partiel thérapeutique jusqu'au 11 janvier 2015. Le CHBA devra donc rembourser à la SA Relyens et à l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli " la somme totale de 101 952,20 euros au titre des traitements maintenus pendant l'indisponibilité médicale de F... C... du 22 novembre 2009 au 11 janvier 2015 et de 55 927,45 au titre des cotisations patronales correspondantes, soit un montant total de 157 879,65 euros.
28. Il résulte de ce qui précède que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à la succession C... la somme de 42 826,28 euros au titre de l'engagement de la solidarité nationale. Le CHBA doit, en revanche être condamné à verser la somme totale de 31 849,90 euros aux consorts C... et celle de 157 879,65 euros à la SA Relyens et à l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli ".
Sur les frais liés au litige :
29. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Centre hospitalier Bretagne Atlantique, d'une part, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts C... et, d'autre part, la même somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais exposés par la SA Relyens et l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli ".
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1901813 du 23 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Le CHBA est condamné à verser aux consorts C... la somme totale de 39 849,90 euros dont il faudra déduire, s'ils ont conservé cette provision, la somme de 10 000 euros qui leur a été versée en exécution de l'ordonnance du 17 octobre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes.
Article 3 : Le CHBA est condamné à rembourser la somme totale de 157 879,65 euros à la SA Relyens et à l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli ".
Article 4 : Le CHBA versera aux consorts C..., d'une part, et à la SA Relyens et à l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli ", d'autre part, une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au Centre hospitalier Bretagne Atlantique, aux consorts C..., à la SA Relyens, à l'EHPAD " Maison de retraite du Bois Joli " et à la Caisse des dépôts et consignations.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Vergne, président,
- Mme Marion, première conseillère,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2025.
La rapporteure,
I. MARION
Le président,
G.-V. VERGNE
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02541