Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Montauban-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement M. B... A..., la société OTEIS et la société B... Goic, liquidateur judiciaire de M. C... D..., à lui verser, en raison des préjudices résultant des désordres affectant son bâtiment à usage de médiathèque et d'espace jeunes, les sommes de :
1°) 42 978,31 euros toutes taxes comprises au titre des coûts de réparation des désordres affectant sa médiathèque, avec indexation sur l'indice BT01 à compter de la date du rapport d'expertise, intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
2°) 4 128 euros toutes taxes comprises au titre des investigations entreprises dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire, avec indexation sur l'indice BT01 à compter de la date du rapport d'expertise, intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
3°) 1 591,16 euros toutes taxes comprises au titre des frais de constat d'huissier, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
4°) 11 213,19 euros toutes taxes comprises au titre des dépens, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
5°) 16 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 2105076 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de commune de Montauban-de-Bretagne et a mis à sa charge définitive les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 10 146,89 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 août 2023 et 9 septembre 2024, la commune de Montauban-de-Bretagne, représentés par Me Grenard, demande à la cour d'annuler ce jugement du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes et de condamner solidairement M. B... A..., la société OTEIS et la société B... Goic, liquidateur judiciaire de M. C... D..., à lui verser les sommes de :
1°) 42 978,31 euros toutes taxes comprises au titre des coûts de réparation des désordres affectant sa médiathèque, avec indexation sur l'indice BT01 à compter de la date du rapport d'expertise, intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
2°) 4 128 euros toutes taxes comprises au titre des investigations entreprises dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire, avec indexation sur l'indice BT01 à compter de la date du rapport d'expertise, intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
3°) 1 591,16 euros toutes taxes comprises au titre des frais de constat d'huissier, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
4°) 11 213,19 euros toutes taxes comprises au titre des dépens, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
5°) 20 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.
Elle soutient que :
- la réalité, l'ampleur et la récurrence des infiltrations sont établies ;
- ces infiltrations dans un bâtiment qui accueillent des agents et des usagers et dans lequel sont entreposés des livres, des archives communales et des équipements informatiques mis à disposition par la collectivité publique, compromettent nécessairement la destination des lieux ;
- les bureaux, les salles d'archivages, la salle multimédia d'un bâtiment à usage de médiathèque doivent être étanches à l'eau ;
- ces infiltrations sont imputables à M. A... et à la Société ISATEG devenue OTEIS en qualité de co-traitants solidaires de missions de maîtrise d'œuvre de conception et de suivi d'exécution et à M. D..., en charge du lot " gros-œuvre " ;
- leur responsabilité solidaire doit être engagée à hauteur de 42 978,31 euros au titre des coûts de réparation des désordres, de 4 128 euros au titre des investigations entreprises dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire et de 1 591,16 euros au titre des frais de constat d'huissier et de 11 213,19 euros au titre des dépens.
Par des mémoires, enregistrés les 22 novembre 2023 et 3 octobre 2024, la société B... Goic, liquidateur judiciaire de M. C... D..., représentée par Me Massip, demande à la cour, à titre principal, de rejeter la requête et toutes conclusions à son encontre et de mettre à la charge solidaire de la commune de Montauban-de-Bretagne et de toute partie succombante une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, de limiter l'indemnisation du coût des réparations à la somme de 22 489,60 euros, de déduire la plus-value apportée et/ou d'appliquer un coefficient de vétusté et de condamner solidairement M. A... et la SAS Oteis à la garantir de toute condamnation.
Elle soutient que :
- la commune de Montauban-de-Bretagne n'a pas fait de déclaration de créance que ce soit au stade du redressement ou de la liquidation de M. D... ;
- l'existence et la persistance des désordres allégués ne sont pas démontrées ;
- l'impropriété à destination ou l'atteinte à la solidité de l'ouvrage n'est pas établie ;
- l'expert judiciaire a conclu qu'une simple reprise ponctuelle du défaut isolé constaté suffirait à remédier à la cause identifiée des infiltrations en cause ;
- ce n'est pas cette reprise dont l'indemnisation a été demandée ; ce défaut résulte d'un manquement aux règles de l'art dont il n'est pas démontré qu'il relevait de l'obligation contractuelle ;
- l'analyse de l'expert judiciaire sur ce point implique une plus-value pour la commune qui devrait en tout état de cause venir en déduction de son indemnisation ;
- l'expert aurait dû retenir le devis moins disant de 20 080 euros relatif à la réfection totale du complexe d'étanchéité verticale, ce qui compte tenu des frais annexes, devrait conduire à limiter toute indemnisation à la somme de 22 489,60 euros ;
- un coefficient de vétusté doit s'appliquer s'agissant d'infiltrations dénoncées neuf années après la réception ;
- M. A..., au titre de la maîtrise d'œuvre et la SAS Oteis, au titre du " gros-œuvre ", sont co-responsables des désordres, comme l'a estimé l'expert, et doivent la garantir de toute condamnation à ce titre.
Par des mémoires, enregistrés les 14 décembre 2023 et 11 octobre 2024, ce dernier non communiqué, M. A..., représenté par Me Groleau, demande à la cour, à titre principal, de rejeter la requête et toutes conclusions à son encontre et de mettre à la charge de la commune de Montauban-de-Bretagne ou de toute partie succombante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société B... Goic et la SAS Oteis à la garantir de toute condamnation.
Il soutient que :
- l'ampleur des désordres n'est manifestement pas démontrée par le rapport d'expertise ;
- il n'est pas établi que les infiltrations litigieuses rendent l'ouvrage impropre à sa destination ou compromettent sa solidité ;
- dans son pré-rapport l'expert judiciaire n'avait pas mis en cause la responsabilité de la maîtrise d'œuvre ;
- le système d'étanchéité posé a été validé par le bureau de contrôle Veritas et n'a pas été remis en en cause par l'expert judiciaire, même s'il n'était pas prévu au contrat ;
- la maîtrise d'œuvre a immédiatement réagi après avoir été informée d'une difficulté liée à un défaut de mise en œuvre en cours de chantier ;
- aucune erreur de conception ou de suivi du chantier n'a été commise ;
- l'étanchéité a quand même été efficace pendant neuf années ;
- la société B... Goic, liquidateur judiciaire de la société D..., au titre de la maîtrise d'œuvre et la SAS Oteis, au titre du " gros-œuvre ", sont co-responsables des désordres, comme l'a estimé l'expert, et doivent la garantir de toute condamnation à ce titre ; la part d'imputabilité de la société D... est majoritaire.
Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2024, la société Oteis, représentée par Me Yeu, demande à la cour, à titre principal, de rejeter la requête et toutes conclusions à son encontre et de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, de limiter l'indemnisation du coût des réparations à la somme de 22 096 euros et de condamner solidairement M. A... et la société B... Goic à la garantir de toute condamnation.
Elle soutient que :
- le caractère décennal des désordres n'est pas établi ;
- sa responsabilité contractuelle ne peut plus être engagée dès lors que le décompte général du marché n'est pas assorti de réserves ;
- l'expert judiciaire a conclu que les désordres résultent principalement de la non-conformité du complexe d'étanchéité mis en œuvre et que M. A... a été informé de son changement, sans s'y opposer ;
- la responsabilité de la maîtrise d'œuvre résulte d'erreurs de conception uniquement imputables à M. A... ;
- elle n'était en charge, ni de la conception de l'ouvrage d'étanchéité, ni principalement du suivi de travaux ; dans la mission résiduelle qui lui incombait à ce titre, elle a satisfait à ses obligations puisqu'elle a émis des réserves sur le changement de complexe d'étanchéité décidé en cours de chantier ;
- aux termes du contrat de maîtrise d'œuvre, elle n'était chargée que de 13,62% de la mission de direction et d'exécution des travaux et n'était pas en charge de la mission de maîtrise d'œuvre d'exécution ;
- M. A... et le bureau de contrôle ont validé le changement du complexe d'étanchéité alors qu'elle avait émis des réserves sur les travaux d'étanchéité ; le maître d'ouvrage n'a fait part d'aucune réserve à ce sujet ;
- M. A... n'a pas relevé la non-conformité du revêtement d'étanchéité inadapté qui a été posé par M. D... alors qu'il était visible lors des réunions de chantier, alors qu'il était titulaire de la mission assistance aux opérations de réception ;
- la société B... Goic, liquidateur judiciaire de la société D..., M. A... et le bureau de contrôle Bureau Veritas sont co-responsables des désordres, au titre de la maîtrise d'œuvre, et doivent la garantir de toute condamnation à ce titre ; sa part de responsabilité ne saurait excéder 5% ;
- le montant de l'indemnisation ne saurait dépasser la somme de 24 096 euros TTC résultant du devis SEO produit en annexe au dire n°3 du 22 février 2021.
Par une ordonnance du 25 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 octobre 2024.
Des mémoires produits pour la commune de Montauban-de-Bretagne ont été enregistrés les 22 et 25 octobre 2024, soit après la clôture de l'instruction, et n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange, président assesseur,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Renoul, substituant Me Grenard, pour la commune de Montauban-de-Bretagne.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Montauban-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) a décidé de construire une médiathèque et un espace jeunes en 2005. Elle en a confié la maîtrise d'œuvre, par acte d'engagement du 25 mai 2005, à un groupement solidaire, constitué notamment de M. B... A... et de la société ISATEG, devenue OTEIS. Le lot " gros-œuvre " a été confié, par acte d'engagement du 19 juillet 2007, à M. C... D.... Le chantier a débuté le 31 octobre 2007. Les travaux de gros-œuvre ont été réceptionnés le 30 juillet 2009. Des infiltrations ayant été constatées en 2018, un expert judiciaire a été désigné par ordonnance du 21 juin 2019 du président du tribunal judiciaire de Rennes. L'expert a rendu son rapport le 19 mai 2021. La commune a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande d'indemnisation à hauteur de 42 978,31 euros. Par un jugement du 22 juin 2023, le tribunal a rejeté la requête de la commune de Montauban-de-Bretagne et mis les frais d'expertise à sa charge définitive. Celle-ci fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.
3. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire du 19 mai 2021, corroboré par le rapport de la société Assnet Assistance du 4 avril 2018 et les procès-verbaux de constat d'huissier des 6 juin 2019, 11 juin 2020 et 19 août 2020, que la salle multimédia, la salle d'archives et le bureau des bibliothécaires de la médiathèque de Montauban-de-Bretagne subissent des infiltrations d'eau en cas de pluie compte tenu d'une rupture de la continuité du dispositif mis en œuvre pour étancher le voile béton armé enterré et d'une défectuosité de l'appui des menuiseries extérieures. Cela se traduit par des taches et l'endommagement de certains panneaux des plafonds de ces salles voire l'écoulement d'eau sur leurs sols.
4. La commune de Montauban-de-Bretagne soutient que ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'ils ne concernent que trois salles et ne prennent toute leur ampleur qu'en cas de pluie importante. Si la commune fait valoir qu'ils perturbent le travail des agents de la médiathèque et l'usage des lieux et dégradent prématurément les embellissements, il n'est pas allégué que cela aurait conduit à la fermeture, même temporaire de ces salles ou à l'endommagement de livres, archives ou équipements informatiques et électriques qui s'y trouvent. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que les employés et usagers de l'ouvrage ne pourraient pas y mener leurs activités normales, en toute sécurité, et que les biens qui y sont entreposés n'y seraient pas protégés, sous certaines conditions ou aménagements. Par ailleurs, il n'est pas allégué que ces infiltrations pourraient s'aggraver à plus long terme au point d'affecter la solidité de l'immeuble et de compromettre sa destination. Dans ces conditions, en raison de leur caractère ponctuel et limité, ces infiltrations ne suffisent pas à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ou à porter atteinte à sa solidité. Par suite, la commune de Montauban-de-Bretagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande au titre de la responsabilité décennale des constructeurs.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la société B... Goic, liquidateur judiciaire de M. C... D..., tirée de l'absence de déclaration de créance, que la commune de Montauban-de-Bretagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la commune de Montauban-de-Bretagne.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Montauban-de-Bretagne une somme de 1 500 euros à verser respectivement à M. B... A..., à la société Oteis et à la société B... Goic, liquidateur judiciaire de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Montauban-de-Bretagne est rejetée.
Article 2 : La commune de Montauban-de-Bretagne versera une somme de 1 500 euros chacun à M. B... A..., à la société Oteis et à la société B... Goic, liquidateur judiciaire de M. D..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montauban-de-Bretagne, à
M. B... A..., à la société Oteis et à la société B... Goic, liquidateur judiciaire de
M. D....
Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2025.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02468