Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
- et les observations de Me Ragot représentant la SARL STEG.
Une note en délibéré, présentée pour la SARL STEG, a été enregistrée le 10 février 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL STEG, qui exerce une activité de terrassement, d'électricité et gaz, a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire dont l'ouverture a été prononcée le 13 janvier 2010. Dans le cadre de ce redressement, elle a vendu le 16 décembre 2013 une maison d'habitation et des locaux professionnels à Concourson-sur-Layon (Maine-et-Loire) aux sociétés civiles immobilières (SCI) du Bonheur et des Affaires constituées en janvier 2013.
Le 28 avril 2014, l'intégralité des parts sociales des SCI du Bonheur et des Affaires a par ailleurs été cédée à M. A... pour le prix de 1 euro symbolique.
2. La société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du
1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Par une proposition de rectification du 13 décembre 2016, le service a informé la société de la remise en cause de la valeur de cession des biens situés à Concourson-sur-Layon, réévaluée par l'administration à 343 596 euros pour la maison d'habitation et 290 160 euros pour les locaux professionnels. A la suite des observations et des recours précontentieux exercés par la SARL STEG, la valeur de la maison d'habitation a finalement été fixée à 164 000 euros et celle des locaux professionnels à 102 960 euros. Les redressements en matière d'impôt sur les sociétés en résultant ont modifié les résultats fiscaux déficitaires initialement déclarés par la société STEG en 2013 et 2014 en les portant à - 117 263 euros en 2013 et à - 219 878 euros en 2014. La SARL STEG a demandé au tribunal administratif de Nantes de constater un déficit complémentaire de 106 960 euros au titre de l'exercice clos en 2013.
Par jugement du 17 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. La SARL STEG relève appel de ce jugement.
Sur l'acte anormal de gestion :
3. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.
4. Lorsque l'administration fiscale procède à l'évaluation de la valeur vénale d'un bien en se référant à des transactions qui ont porté sur des immeubles situés à proximité du lieu de situation de celui-ci, il lui appartient de retenir des termes de comparaison relatifs à des ventes qui ont porté sur des biens similaires intervenues à une date peu éloignée dans le temps de celle du fait générateur de l'imposition. En l'absence de toute équivalente, l'appréciation de la valeur vénale doit être faite en utilisant les méthodes d'évaluation qui permettent d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où l'acquisition est intervenue.
5. Il résulte de l'instruction que le service a cherché à déterminer la valeur, en l'absence de cession équivalente, en évaluant l'ensemble immobilier cédé par comparaison avec des transactions récentes portant, d'une part, sur trois locaux industriels et, d'autre part, sur quatre maisons d'habitation comparables. Il en a déduit un prix moyen au m² et a valorisé les locaux professionnels et la maison d'habitation à hauteur respectivement de 290 260 euros et de 343 596 euros. A l'issue de la discussion précontentieuse, et pour tenir compte des observations formulées par la société notamment devant la commission de conciliation, l'administration n'a finalement retenu qu'un seul terme de comparaison pour chacun des locaux et réévalué la valeur des locaux professionnels à hauteur de 102 960 euros et celle de la maison d'habitation à 164 000 euros. Le service a notamment pris en compte s'agissant des locaux professionnels une pondération des comparables de plus petites surfaces, un abattement de 20% compte tenu des travaux de désamiantage nécessaires et de 10% compte tenu de la servitude existante et de la vétusté. Le service a pris en compte s'agissant de la maison d'habitation la mitoyenneté avec l'entreprise, le caractère peu cessible et le caractère isolé. Ainsi, au regard de la dernière évaluation faite par l'administration fiscale à l'issue de la procédure pré contentieuse, les biens situés à Concourson-sur-Layon auraient été cédés par la SARL STEG aux SCI du Bonheur et des Affaires à des montants inférieurs de 45 % et 32 % à leur valeur vénale.
6. Toutefois, pour fixer la valeur vénale des biens sur la base de laquelle a été rectifié le résultat de la société, l'administration a fondé son évaluation au regard d'un seul et unique bien comparable, trois des quatre termes de comparaison initialement retenus ayant été abandonnés comme non pertinents durant la procédure amiable précontentieuse. Par ailleurs, il est constant que le prix auquel ont été cédés les biens en cause en 2013, soit 160 000 euros au total, est très proche de l'estimation de la valeur vénale des biens fixée à 165 000 euros par l'attestation notariale en date du 5 février 2010, laquelle a été réalisée postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Si cette attestation a été rédigée avant la construction d'une piscine pour ce qui est de la maison d'habitation, elle a l'a néanmoins été postérieurement aux travaux d'agrandissement des locaux professionnels réalisés en 2008 et 2009.
7. En outre, la société fait valoir que les locaux professionnels cédés, à la différence des locaux retenus par l'administration, sont en zone rurale isolée sans possibilité d'extension en raison des règles d'urbanisme applicables, ne constituent pas des locaux industriels mais pour l'essentiel de simples locaux agricoles non bétonnés ne possédant pas tous l'électricité et contenant de l'amiante, nécessitant des travaux dont le coût a été évalué à 68 184 euros devant venir en déduction de la valeur vénale. Or, si l'administration a pratiqué un abattement de 10 % pour tenir compte de l'éventualité d'une future servitude et de la vétusté de certains bâtiments ainsi qu'un abattement de 20% pour les travaux de désamiantage, il résulte de l'instruction que ces abattements ne couvrent que la moitié du coût des travaux de désamiantage dont l'évaluation n'est pas contestée en défense.
8. S'agissant de la maison, la société fait valoir que l'administration a valorisé de la même façon les locaux d'habitation et l'extension réalisée constituée d'un préau abritant une piscine représentant la moitié de la surface du bien et que l'ensemble immobilier, situé dans une commune de 500 habitants, est isolé et contigu au site d'exploitation utilisé par la société STEG, contrairement au terme de comparaison utilisé par l'administration qui se situe dans une commune de 3 500 habitants, en zone pavillonnaire, sans nuisance particulière. L'administration fait valoir que la maison est située à 3 kilomètres du village de Doué-la-Fontaine, qu'elle a retenu une surface pondérée jamais contestée et a pratiqué un abattement de 30% pour tenir compte de la mitoyenneté du bien avec une entreprise de BTP, de son caractère isolé et peu cessible en dehors d'une cession globale de l'ensemble immobilier comprenant les bâtiments professionnels. Toutefois, en fondant son évaluation définitive au regard d'un unique terme de comparaison cédé selon des conditions normales de marché alors que la vente litigieuse a été actée dans le cadre d'une procédure collective et ce, au prix mentionné dans l'estimation notariale et avec l'accord de la Caisse d'Epargne alors même que cette dernière disposait d'une hypothèque sur les biens en cause et que la vente ne couvrait pas l'intégralité de sa créance, l'administration ne peut être regardée comme rapportant la preuve qui lui incombe que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à sa valeur vénale.
9. Au surplus, le tribunal de commerce d'Angers a par un jugement du 6 juillet 2011 entériné la solution la plus viable pour l'entreprise et validé la cession en cause à une relation d'affaires de la société STEG dans la mesure où cette vente permettait à l'entreprise de poursuivre son activité au sein du local professionnel et à son dirigeant de continuer à être logé gratuitement dans la maison d'habitation attenante tout en remboursant une partie importante de ses dettes. Par ailleurs, outre que le choix de céder les biens séparément relève d'un choix de gestion de l'entreprise que l'administration n'a pas à apprécier, il résulte de l'instruction que la vente de la maison indépendamment du local professionnel attenant aurait été difficile compte tenu de la configuration particulière des lieux, ce que l'administration a elle-même reconnu en acceptant d'appliquer un abattement pour ce motif au prix de la maison. Dans ces circonstances, la société établit que la vente en cause, à supposer même qu'elle ait été effectuée à un prix très inférieur à sa valeur vénale, a été décidée dans l'intérêt de l'entreprise.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité de la procédure, la SARL STEG est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la société tendant à ce que le résultat pour l'année 2013 correspondant au résultat avant imputation avant contrôle, soit fixé à - 105 858 euros.
Sur les frais de justice :
11. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SARL STEG en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 mai 2024 est annulé.
Article 2 : Le résultat de la société STEG au titre de l'année 2013 est fixé à - 105 858 euros.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la SARL STEG en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL STEG et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et commerciale.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°24NT0227502