Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... épouse A... et M. F... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision née le 11 avril 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté leur recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Rabat (Maroc) refusant de délivrer à leur nièce, la jeune C... G..., un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de visiteur.
Par un jugement n°2306814 du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... B... épouse A... et M. F... A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- la décision contestée n'est pas entachée d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation ;
- les kafils ne justifient pas de conditions d'accueil et de ressources conformes à l'intérêt supérieur de leur nièce ;
- ils n'ont pas justifié contribuer à l'entretien et à l'éducation de leur nièce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2024, Mme D... B... épouse A... et M. F... A..., représentés par Me Majhad, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Mme B... épouse A... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 13 janvier 2023, l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) a refusé de délivrer à la jeune C... G..., ressortissante marocaine née le 17 juillet 2006 à Taza (Maroc), la demande de visa d'entrée et de long séjour sollicitée en qualité de visiteur. Par une décision implicite née le 11 avril 2023, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision consulaire. Par un jugement du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B... épouse A... et de M. A..., cette décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° (...) des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. (...) ".
3. Il ressort du mémoire en défense produit en appel et communiqué aux requérants que la demande de visa en cause a été rejetée au motif tiré de ce que les conditions d'accueil de la jeune C... G... en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement des titulaires de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.
4. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dispositions que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Toutefois, les actes dits de kafala adoulaire dressés au Maroc ne concernent pas la situation des orphelins ou des enfants de parents se trouvant dans l'incapacité d'exercer l'autorité parentale. Leurs effets sur le transfert de l'autorité parentale sont variables et le juge se borne à homologuer les actes dressés devant notaire. Dès lors, l'intérêt supérieur de l'enfant à vivre auprès de la personne à qui il a été confié par une telle kafala ne peut être présumé et doit être établi au cas par cas. Il appartient en conséquence au juge administratif d'apprécier, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, si le refus opposé à une demande de visa de long séjour pour le mineur est entaché d'une erreur d'appréciation.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'acte de recueil légal, consigné le 8 novembre 2022 à la section notariale de Taza et homologué par le jugement du 7 décembre 2022 du tribunal de première instance de Taza (Maroc), a délégué à Mme B... épouse A... et à M. A... l'autorité parentale sur la jeune C... G..., nièce de Mme B..., notamment pour prendre à son égard toutes mesures utiles de prise en charge, d'entretien et d'éducation, à la suite du décès de la mère de la jeune C... G..., survenu en 2021. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B... épouse A... et M. A... justifient occuper un appartement de type 3 d'une surface de 61,50 m² comportant trois pièces principales dont deux chambres et non un appartement de type T2, ainsi que le fait valoir le ministre. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A... et Mme B... épouse A... justifient de ressources d'un montant mensuel de 3 600 euros, constituées notamment d'allocations d'adulte handicapé et que, contrairement à ce que fait valoir le ministre, seul M. A... est placé sous tutelle, et non également Mme B... qui a été reconnue comme aidante familiale de M. A... et perçoit, à ce titre, une prestation mensuelle de compensation du handicap. Enfin, si le ministre fait valoir que Mme B... épouse A... et M. A... ne justifient pas contribuer à l'entretien de la jeune C... G..., ces derniers produisent des attestations émanant de la grand-mère et de deux oncles de l'intéressée aux termes desquelles M. et Mme A... contribuent " pour des montants différenciés " à l'entretien de l'intéressée dont le père aurait en outre " refait sa vie ", depuis le décès de la mère de la jeune C... G.... Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que l'intérêt de la jeune C... G... était de demeurer dans son pays d'origine, eu égard aux conditions de logement et aux ressources de Mme B... épouse A... et de M. A....
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France sur leur recours dirigé contre la décision des autorités consulaires au Maroc du 10 janvier 2023 et lui a enjoint de délivrer le visa de long séjour sollicité.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme B... épouse A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Majhad, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Majhad une somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'état, ministre de l'intérieur, à Mme D... B... épouse A... et à M. F... A....
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre d'état, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01206