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14/02/2025 | FRANCE | N°23NT02585

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 14 février 2025, 23NT02585


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le GAEC les Fiefs Bio a demandé, par deux requêtes, au tribunal administratif de Nantes, d'annuler la décision du 24 janvier 2020 par laquelle la présidente du conseil régional des Pays de la Loire a prononcé la déchéance totale de ses droits à l'aide attribuée par convention le 22 décembre 2015 pour la construction d'un atelier supplémentaire de 3 000 poules pondeuses en production biologique, lui a demandé de rembourser l'acompte sur l'aide perçue de 38 992,59 euros et

l'a exclue du bénéfice d'une mesure identique en 2020 et 2021 ainsi que la décision du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC les Fiefs Bio a demandé, par deux requêtes, au tribunal administratif de Nantes, d'annuler la décision du 24 janvier 2020 par laquelle la présidente du conseil régional des Pays de la Loire a prononcé la déchéance totale de ses droits à l'aide attribuée par convention le 22 décembre 2015 pour la construction d'un atelier supplémentaire de 3 000 poules pondeuses en production biologique, lui a demandé de rembourser l'acompte sur l'aide perçue de 38 992,59 euros et l'a exclue du bénéfice d'une mesure identique en 2020 et 2021 ainsi que la décision du 24 janvier 2020 rejetant sa demande d'aide du 31 août 2017, sollicitée pour la rénovation d'un bâtiment avicole existant.

Par un jugement nos2003540, 2003541 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 24 janvier 2020 et enjoint à la présidente de la Région Pays de la Loire de réexaminer les droits du GAEC Les Fiefs Bio à percevoir l'aide attribuée par la convention du 22 décembre 2015 et à bénéficier de l'aide demandée le 31 août 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 août 2023, 1er juillet 2024 et 27 août 2024, la région Pays de la Loire, représentée par Me Marchand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 juin 2023 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par le GAEC les Fiefs Bio ;

3°) de mettre à la charge du GAEC Les Fiefs Bio le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le GAEC ne pouvait être regardé comme ayant fourni de faux éléments de preuve à l'appui de sa demande de subvention aux fins de recevoir une aide au sens de l'article 35 du règlement UE n° 640/2014 du 11 mars 2014 alors que le GAEC a fourni un duplicata de facture post-daté pour que sa dépense puisse être regardée comme ayant été exposée dans le délai de 2 ans compris entre la date de signature de la convention le 18 mai 2015 et le 18 mai 2017, quand bien même la dépense en cause n'est que de 660,10 euros HT, ne serait pas éligible à l'aide communautaire et que le GAEC n'aurait pas délibérément produit ce duplicata de facture post-daté ;

- la région étant en situation de compétence liée pour déchoir le GAEC Les Fiefs Bio de ses droits à subvention, l'ensemble des moyens de légalité externe développés à l'encontre des décisions attaquées sont inopérants ;

- le directeur départemental des territoires et de la mer a reçu une délégation de signature de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire pour signer les actes d'attribution ou de rejet des aides du plan de développement rural régional et cette délégation de signature est prévue par l'article 78 de la loi du 27 janvier 2014 ;

- les décisions en litige sont suffisamment motivées en droit et en fait au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la procédure contradictoire a été respectée car le GAEC a eu connaissance du rapport du 5 octobre 2017 de l'Agence de services et de paiements (ASP) ainsi que le prouve la mention de la signature du gérant du GAEC et le GAEC a été informé par un courrier du 1er octobre 2019 de la mesure de déchéance de l'aide envisagée et invité à présenter ses observations, ce qu'il a fait par un courrier du 3 octobre 2019 ;

- l'interdiction de retirer une décision créatrice de droit passé le délai de quatre mois de son édiction posée par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable en matière d'aide indûment versée en application du droit de l'Union européenne en raison du principe de primauté de l'Union européenne (CE, 29 mars 2006, 274923) et des dispositions de l'article 35 du règlement UE n° 640/2014 du 11 mars 2014 et, en tout état de cause, la décision d'attribution de l'aide ayant été obtenue par fraude pouvait être retirée à tout moment en application de l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration et le retrait de la subvention pouvait également être effectué à tout moment du fait de l'absence de respect des conditions d'octroi de l'aide en application du 2° de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le moyen tiré de la violation des articles D. 615-58, D. 615-58-1 et D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime est inopérant alors que ces articles s'appliquent uniquement aux primes annuelles versées en application du règlement UE n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 ;

- le moyen tiré de la violation de la loi est infondé alors que les décisions ont été prises sur le fondement du seul article 35 du règlement UE n° 640/2014 du 11 mars 2014 ;

- la décision du 24 janvier 2020 rejetant sa demande d'aide du 31 août 2017, sollicitée pour la rénovation d'un bâtiment avicole existant n'est pas illégale car elle est fondée sur l'article 35 du règlement UE n° 640/2014 du 11 mars 2014, qui exclut le bénéficiaire d'une aide attribuée sur la base de faux éléments du bénéfice de l'attribution d'aides identiques pour les années suivantes ;

- la deuxième demande de subvention du 30 juin 2017 n'a pu faire naître une décision implicite d'acceptation alors que le principe du silence valant acceptation ne trouve pas à s'appliquer aux demandes présentant un caractère financier en application de l'article L . 231-4 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la constatation des faux éléments produits par le bénéficiaire à l'appui de sa première demande d'aide ayant été faite le 5 octobre 2017 dans le courant du contrôle de l'Agence de service de paiement, le GAEC s'est donc trouvé exclu de demande d'aides identiques en 2017 et 2018 et sa demande d'aide PCAE2 formée en juin 2017 était donc vouée au rejet même si la décision de rejet de cette seconde demande est intervenue le 24 janvier 2020.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 février et 22 juillet 2024, le GAEC Les Fiefs Bio, représenté par Me Dubreil, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la région Pays de la Loire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de retrait de la première aide est insuffisamment motivée en ce qu'elle n'indique pas quelle fraude le bénéficiaire aurait commise ;

- le caractère post-daté du duplicata de la facture de 666,10 euros constitue une anomalie mais ne suffit pas à établir que le GAEC aurait fourni de faux éléments de preuve aux fins de recevoir l'aide demandée, ainsi que le prévoit l'article 35-6 du règlement n° 640/2014 ;

- le duplicata de la facture de 666,10 euros regardée comme étant un faux est une facture d'auto-construction qui n'était pas éligible à l'aide communautaire accordée le 22 décembre 2015 ;

- le remboursement de l'acompte sur l'aide perçue de 38 992,59 euros ne pouvait plus être décidée le 24 janvier 2020 alors que le délai de prescription des poursuites des irrégularités est de 4 ans à compter du constat d'irrégularité en vertu de l'article 3 du règlement n° 2998/1995 du 18 septembre 1995 ; or le rapport de l'Agence de services et de paiements (ASP) du 5 octobre 2017 n'a pas relevé d'irrégularité dans la mesure où la seule mention relative à la facture litigieuse indiquait que la facture était inéligible comme étant antérieure au dépôt du dossier et comme faisant état d'auto-construction ;

- la différence de dates entre le duplicata et la facture originale peut résulter d'une erreur de l'émetteur de la facture, la société UniBéton, et ne signifie pas que le GAEC serait à l'origine d'une falsification alors que la société émettrice de la facture et du duplicata n'a pas été interrogée sur cette anomalie ;

- en l'absence de preuve d'une fraude pour obtenir la première subvention A... 1, la décision refusant d'accorder une subvention PCAE2 est entachée d'illégalité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n°1305-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural ;

- le règlement délégué (UE) n° 640/2014 de la Commission du 11 mars 2014, et notamment son article 35 ;

- le règlement (UE) n°702/2014 du 25 juin 2014 et notamment ses articles 6 et 7 ;

- la décision d'exécution de la Commission européenne C (2015) 6093 du 28 août 2015 portant approbation du programme de développement rural de la région des Pays de la Loire en vue d'un soutien du Fonds européen agricole pour le développement rural modifié ;

- le décret n° 2014-580 du 3 juin 2014 ;

- le décret n° 2015-445 du 16 avril 2015 ;

- l'arrêté du 26 août 2015 relatif au plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles mis en œuvre dans le cadre des programmes de développement rural ;

- le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 modifié ;

- le décret n° 2009-1452 du 24 novembre 2009 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marion,

- les conclusions de M. B...,

- les observations de Me Pasquet, substituant Me Marchand, représentant la Région des Pays de la Loire,

- et les observations de Me Pasques, substituant Me Dubreil, pour le GAEC Les Fiefs Bio.

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL Les Fiefs Bio a déposé le 18 mai 2015 auprès des services de la Région Pays de la Loire un dossier de demande de subvention au titre du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles, dit A... 1, du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) 2014-2020 pour un projet de construction d'un bâtiment supplémentaire d'élevage aviaire. Le 22 décembre 2015, l'aide sollicitée a été accordée dans le cadre d'une convention signée entre l'EARL Les Fiefs Bio et la Région Pays de la Loire. Cette convention prévoyait la " construction d'un atelier complémentaire pour 3 000 poules pondeuses en production biologique ", d'un montant de 48 740,74 euros, dont 25 832,59 euros financés par le FEADER et 22 908,15 euros par la région Pays de la Loire. En juin 2017, l'EARL Les Fiefs Bio, devenue GAEC Les Fiefs Bio, a déposé un deuxième dossier de demande de subvention au titre du A... 2 afin de rénover un bâtiment avicole en vue de l'adapter aux nouvelles normes d'élevage en agriculture biologique. L'Agence de services et de paiements (ASP) a, dans le cadre d'un contrôle sur place de l'exploitation du GAEC réalisé le 5 octobre 2017, opéré la constatation suivante : " la facture Unibéton n° 2052200655 daté sur duplicata dossier au 30/05/2015. Original au même numéro daté du 30/04/2015. Cette facture est inéligible au titre que la date est antérieure au dépôt du dossier, elle fait de toute façon état d'auto construction car aucune main d'œuvre n'est facturée ". Estimant que le GAEC Les Fiefs Bio avait, en produisant un duplicata post-daté, déposé une demande d'aide frauduleuse, le directeur départemental des territoires et de la mer (DDTM) de la Vendée a, par un courrier du 1er octobre 2019, notifié à ce GAEC son intention de le déchoir totalement de ses droits à percevoir la subvention A... 1 accordée en 2015 au titre de la construction d'un bâtiment avicole et de rejeter sa demande de subvention A... 2 présentée en 2017 au titre de la rénovation d'un bâtiment avicole. Après réception des observations formulées le 3 octobre 2019 par le GAEC Les Fiefs Bio dans le cadre de la procédure contradictoire, la région Pays de la Loire a, par une première décision du 24 janvier 2020, prononcé la déchéance totale des droits du groupement à percevoir l'aide octroyée par la convention du 22 décembre 2015 et demandé au GAEC Les Fiefs Bio de rembourser l'acompte de 38 992,59 euros perçu au titre de cette demande, et l'a informé de son exclusion du bénéfice d'une mesure identique au titre des années 2017 et 2018. Par une seconde décision également datée du 24 janvier 2020, la Région des Pays de la Loire a rejeté comme inéligible la subvention demandée par le GAEC le 31 août 2017, au titre de la mesure concernant la rénovation d'un bâtiment avicole existant. Par les requêtes numéros 2003540 et 2003541, le GAEC Les Fiefs Bio a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ces deux décisions du 24 janvier 2020. Par un jugement du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 24 janvier 2020 et enjoint à la présidente de la région Pays de la Loire de réexaminer les droits du GAEC Les Fiefs Bio à percevoir l'intégralité de l'aide attribuée par la convention du 22 décembre 2015 et à bénéficier de l'aide demandée le 31 août 2017. La région des Pays de la Loire relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 janvier 2020 prononçant la déchéance totale du GAEC de ses droits à l'aide à l'investissement attribuée par la convention du 22 décembre 2015, pour la construction d'un bâtiment d'élevage avicole, demandant au GAEC Les Fiefs Bio de rembourser la partie de l'aide perçue, d'un montant de 38 992,59 euros, et l'excluant du bénéfice d'une aide identique au titre des années 2017 et 2018 :

2. Aux termes, d'une part, de l'article 35 du règlement délégué n°640/2014 de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité : " 1. L'aide demandée est refusée ou retirée en totalité lorsque les critères d'admissibilité ne sont pas respectés. / (...) 6. Lorsqu'il est établi que le bénéficiaire a fourni de faux éléments de preuve aux fins de recevoir l'aide ou a omis de fournir les informations nécessaires par négligence, l'aide est refusée ou est retirée en totalité. Par ailleurs, le bénéficiaire est exclu d'une mesure ou d'un type d'opération identiques pendant l'année civile de la constatation et la suivante. / (...) ".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article 12 de la convention conclue le 22 décembre 2015 entre la région Pays de la Loire et l'EARL Les Fiefs Bio, devenu GAEC Les Fiefs Bio, relative à l'attribution d'une aide au titre du fonds européen agricole pour le développement rural : " Modalités de reversement / En cas de non-respect des obligations ou des engagements du bénéficiaire et notamment en cas de non-exécution partielle ou totale de l'opération ou d'utilisation des fonds non conforme à l'objet, les autorités compétentes peuvent mettre fin à la présente convention et exiger le reversement total ou partiel des sommes versées. / Le reversement sera requis en cas : / (...) de fausse déclaration ou fraude manifeste. / (...) En cas de fraude manifeste, le bénéficiaire s'expose à des pénalités et sanctions pouvant aller jusqu'à l'interdiction de toute aide publique pendant une période déterminée. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer la déchéance totale de la subvention accordée au GAEC Les Fiefs Bio pour construire un bâtiment d'élevage avicole, la présidente de la région Pays de la Loire s'est fondée sur la présentation par le GAEC, à l'appui de sa demande d'aide, d'un duplicata d'une facture d'achat de béton, établie par l'entreprise Unibéton, de 660,10 euros, daté du 30 mai 2015, qu'elle a estimé être un document falsifié. Pour regarder ce document comme étant un faux, la région s'est fondée sur un constat opéré par les services de l'Agence des services et de paiement (ASP) lors du contrôle sur place faisant état de la mention de deux dates différentes sur le duplicata et l'original de la facture, datés respectivement du 30 mai 2015 et du 30 avril 2015. La région Pays de la Loire en a déduit que le GAEC Les Fiefs Bio avait fourni volontairement un duplicata de facture post-daté au 30 mai 2015 dans le but de recevoir l'aide en cause dès lors que, pour la réalisation de l'opération, les dépenses éligibles devaient avoir été acquittées sur la période courant entre le 18 mai 2015, date du dépôt de la demande d'aide, et deux années après la signature de la convention d'attribution de l'aide, soit le 18 mai 2017, et que le GAEC s'était engagé, dans sa demande d'aide, à ne pas commencer les travaux avant la date du 18 mai 2015.

5. En premier lieu, le duplicata et l'original de la facture litigieuse mentionnent tous deux un règlement par chèque au 31 mai 2015 pour une commande de 7 sacs de béton prêt à l'emploi " i pro Microdal C25/30 XF1 S3 " passée à la date du 29 avril 2015, soit avant la date théorique de début des travaux du 18 mai 2015. Toutefois, il ressort du constat même de l'Agence des services et de paiement que l'achat de matériaux de construction ne relève pas des dépenses éligibles à l'aide A... 1 alors que seules les factures comprenant de la main d'œuvre relèvent de telles dépenses. Or la région Pays de la Loire ne conteste pas que tant le duplicata que la facture originale, qui, à l'exception de leur date, sont identiques en tout point, faisaient état d'un achat de matériaux de construction bruts, en l'occurrence du béton, et n'étaient donc pas éligibles à l'aide A... 1.

6. En deuxième lieu, dans le cadre de ses observations présentées le 3 octobre 2019, le GAEC Les Fiefs Bio a indiqué que cette divergence de date entre le duplicata, établi postérieurement à la facture, et la facture originale procédait d'une simple erreur matérielle et non d'une manipulation à des fins frauduleuses, alors que la facture, d'un montant hors taxe de 660,10 euros, n'aurait, en tout état de cause, pas dû être présentée puisqu'il s'agissait une dépense liée à l'auto-construction qui n'entrait pas dans les dépenses éligibles, ainsi que le prévoit le VII de l'article 5 du décret n° 2009-1452 du 24 novembre 2009 fixant les règles d'éligibilité des dépenses des programmes de développement rural, aux termes duquel " VII. ' Les travaux de construction réalisés par le bénéficiaire (auto-construction) ne sont pas éligibles ".

7. En troisième lieu, le compte rendu de l'ASP ne qualifie pas cette irrégularité de fraude.

8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision d'attribution de la subvention du 18 mai 2015 aurait été prise au regard de dépenses éligibles incluant cette facture d'achat de béton d'un montant de seulement 660,10 euros.

9. En cinquième lieu, à supposer qu'en dépit de son caractère non éligible, la dépense d'achat de béton de 660,10 euros ait été prise en compte par le service instructeur de la direction départementale des territoires et de la mer de Loire-Atlantique pour reconnaître l'admissibilité à l'aide du GAEC Les Fiefs Bio, cette facture porte sur une dépense représentant 0,47 % de l'ensemble des dépenses éligibles, d'un montant total de près de 140 000 euros, et ne représente donc qu'une très faible part de l'aide financière en litige.

10. En dernier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la construction du bâtiment d'élevage aidé, destiné à accueillir 3 000 poules pondeuses, n'a appelé aucune observation de l'administration et la plainte déposée à l'encontre du GAEC Les Fiefs Bio pour faux en écriture publique a été classée sans suite par le procureur de la République de La Roche-sur-Yon le 18 novembre 2019.

11. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et alors même que le duplicata de la facture d'achat de béton aurait été irrégulièrement postdaté, cette seule anomalie ne saurait suffire à faire regarder le groupement comme ayant fourni de faux éléments de preuve aux fins de recevoir l'aide, au sens des dispositions susmentionnées de l'article 35 du règlement n°640/2014 du 11 mars 2014. Dans ces conditions, la Région Pays de la Loire a fait une inexacte application de ces dispositions en décidant la déchéance du GAEC Les Fiefs Bio de ses droits à percevoir l'aide, en lui demandant de rembourser la partie de l'aide déjà versée et en prononçant son exclusion du bénéfice d'une mesure identique au titre des années 2017 et 2018.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 janvier 2020 excluant le GAEC Les Fiefs Bio du bénéfice de l'aide demandée le 31 août 2017 au titre de la mesure concernant la rénovation des bâtiments avicoles existants :

12. Il ressort des pièces du dossier que la décision de rejet par la région Pays de la Loire de la seconde demande d'aide présentée par le GAEC Les Fiefs Bio pour la rénovation d'un bâtiment d'élevage avicole existant a été prononcée, en application des dispositions, citées au point 2, de l'article 35 du règlement délégué n°640/2014 de la Commission du 11 mars 2014, qui excluent le bénéficiaire d'une mesure d'aide obtenue sur la base de faux éléments de preuve du bénéfice d'une autre mesure d'aide identique pendant l'année civile de la constatation de la déclaration de faux éléments et l'année suivante. La décision de refus de l'aide pour la rénovation d'un bâtiment d'élevage existant prise en raison de la décision de déchéance de l'aide accordée pour la construction d'un nouveau bâtiment d'élevage avicole ne peut donc qu'être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la première décision du 24 janvier 2020 prononçant la déchéance totale du GAEC Les Fiefs Bio de ses droits à percevoir l'aide à l'investissement attribuée pour la construction d'un atelier complémentaire pour 3 000 poules pondeuses en production biologique.

13. Il résulte de ce qui précède que la Région des Pays de la Loire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé ses décisions du 24 janvier 2020 et lui a enjoint de réexaminer les droits du GAEC Les Fiefs Bio à percevoir l'intégralité de l'aide attribuée par la convention du 22 décembre 2015 et à bénéficier de l'aide demandée le 31 août 2017.

Sur les frais liés au litige :

14. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la Région des Pays de la Loire doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette collectivité une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le GAEC Les Fiefs Bio et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Région Pays de la Loire est rejetée.

Article 2 : La Région Pays de la Loire versera au GAEC Les Fiefs Bio une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Région Pays de la Loire et au GAEC Les Fiefs Bio.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

La rapporteure,

I. MARION

Le président

G-V. VERGNE

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02585
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : OUEST AVOCAT CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;23nt02585 ?
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