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14/02/2025 | FRANCE | N°22NT01670

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 14 février 2025, 22NT01670


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 juin 2020 par laquelle le maire de Cabourg a refusé de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme et, à cette fin, de recueillir les observations de la SARL Océane, de mettre en demeure cette société, son gérant ou tout propriétaire venant aux droits de l'actuel propriétaire de la maison située 69, avenue du commandant D... à Cabourg de se conformer à

l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme de Cabourg dans un délai raisonnab...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 juin 2020 par laquelle le maire de Cabourg a refusé de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme et, à cette fin, de recueillir les observations de la SARL Océane, de mettre en demeure cette société, son gérant ou tout propriétaire venant aux droits de l'actuel propriétaire de la maison située 69, avenue du commandant D... à Cabourg de se conformer à l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme de Cabourg dans un délai raisonnable, d'assortir cette mise en demeure d'une astreinte ne pouvant excéder 500 euros par jour de retard et d'obliger le propriétaire, en l'absence de diligences dans le délai imparti, à consigner la somme équivalant au montant des travaux à réaliser entre les mains d'un comptable public.

Par un jugement n° 2001529 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2022 et 16 février 2023, Mme E..., représentée par Me Soublin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision du maire de Cabourg refusant de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme.

3°) d'enjoindre au maire de Cabourg de recueillir les observations de la SARL Océane sur l'application des dispositions des articles L. 481-1 et suivants du code de l'urbanisme, de mettre en demeure la société Océane et M. B..., son gérant, ou tout propriétaire venant aux droits de l'actuel propriétaire de la maison située 69, avenue du commandant D... à Cabourg, de se conformer à l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune dans un délai raisonnable, d'assortir cette mise en demeure d'une astreinte ne pouvant excéder 500 euros par jour de retard et d'obliger le propriétaire, en l'absence de diligences dans le délai imparti, à consigner la somme équivalant au montant des travaux à réaliser entre les mains d'un comptable public, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute pour les premiers juges de l'avoir mise à même de présenter ses observations sur la substitution de motifs qu'ils ont accueillie, alors que celle-ci n'était pas en outre sollicitée expressément ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit en ce que le maire a refusé d'exercer sa compétence au profit du juge pénal ;

- les motifs de la décision contestée tenant à ce que les travaux intérieurs que la société pétitionnaire a réalisés ne sont pas soumis à permis de construire et ne sont dès lors pas visés par l'arrêté interruptif de travaux et qu'il lui appartient de déposer plainte si elle entend faire respecter cet arrêté, ne justifient pas légalement la décision contestée qui a été prise sur un autre fondement textuel ;

- le motif de la décision contestée tenant à ce que le maire ne saurait se contenter d'adresser une mise en demeure et qu'il lui appartient de déterminer les mesures à prendre et les moyens pour remédier à l'infraction constatée est entaché d'une erreur de droit ;

- à supposer même que le maire ait à définir lui-même les mesures nécessaires à la mise en conformité, il lui suffisait d'ordonner la déconstruction partielle de la construction ;

- le motif de la décision contestée tenant à la complexité du dossier est erroné en fait et en droit ;

- le motif tiré de ce que l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme n'autorisait pas le maire à ordonner la démolition partielle de la construction est entaché d'une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022 et un mémoire non communiqué enregistré le 4 décembre 2024, la commune de Cabourg, représentée par Me Blanc, conclut au rejet de la requête de Mme E... et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 9 septembre 2022 et 13 mars 2023, la société Océane, représentée par Me Villard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à faire injonction au maire de recueillir ses observations, de la mettre en demeure de se conformer au plan local d'urbanisme sous astreinte et de l'obliger, le cas échéant, à consigner entre les mains d'un comptable une somme équivalente au montant des travaux à réaliser sous astreinte, sont formulées pour la première fois en appel et constituent une demande nouvelle irrecevable ;

- les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Par des observations, enregistrées le 13 décembre 2024, le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut à son défaut de qualité de partie au litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,

- et les observations de Me Justal-Gervas, substituant Me Soublin, pour Mme E..., de Me Breton, substituant Me Blanc pour la commune de Cabourg, et de Me Villard, pour la société Océane.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 septembre 2015, le maire de Cabourg a délivré un permis de construire à la société Océane portant sur la démolition de la toiture, l'extension de 128 m² du volume bâti et l'ajout d'un niveau habitable sous combles, d'une maison d'habitation située 69, avenue du commandant D... à Cabourg. Toutefois, lors de la réalisation de ces travaux, débutés en 2017, les murs du rez-de-chaussée de la maison ont été démolis et remplacés par des murs en béton semblables aux murs préexistants, au motif que la corrosion des aciers du béton armé de ces murs les rendait impropres à supporter les travaux autorisés en cause. Mme E... a saisi, le 31 janvier 2018, le maire de Cabourg afin qu'il dresse un procès-verbal d'infraction et prenne un arrêté interruptif de travaux. Par une décision du 2 mars 2018, le maire a refusé de faire droit à cette demande. Par un jugement du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de Mme E..., cette décision et a enjoint au maire de Cabourg de dresser procès-verbal d'infraction et de prendre un arrêté interruptif de travaux en application des dispositions de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement. En exécution de ce jugement, le maire de Cabourg a dressé, le 19 mars 2019, un procès-verbal d'infraction et a édicté, le 15 avril 2019, un arrêté interruptif de travaux. Par un arrêt du 2 avril 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de la société Océane dirigé contre le jugement du 7 mars 2019 du tribunal. Par une décision du 9 décembre 2020, le pourvoi en cassation de la société Océane contre cet arrêt n'a pas été admis.

2. Par ailleurs, la société Océane a sollicité, le 9 mars 2020, la délivrance d'un permis de construire modificatif en vue de procéder à " l'intégration des restructurations des murs du rez-de-chaussée pour des raisons techniques ". A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction de deux mois prévu par l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, un permis de construire modificatif a été tacitement délivré le 21 août 2020 à la société Océane par le maire de Cabourg, en application de l'article R. 424-1 du même code.

3. Enfin, par un courrier du 24 avril 2020, la requérante a demandé au maire de Cabourg de mettre en demeure, sur le fondement des dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, la société Océane de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction aux dispositions de l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme de Cabourg. Le 24 juin 2020, le maire de Cabourg a refusé de prononcer cette mise en demeure. Par un jugement du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de Mme E... tendant à l'annulation de cette décision de refus. Mme E... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme : " I. Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l'article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire (...) et qu'un procès-verbal a été dressé en application de l'article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu'elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation. / II. Le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l'infraction constatée et des moyens d'y remédier. Il peut être prolongé par l'autorité compétente, pour une durée qui ne peut excéder un an, pour tenir compte des difficultés que rencontre l'intéressé pour s'exécuter. / III. L'autorité compétente peut assortir la mise en demeure d'une astreinte d'un montant maximal de 500 € par jour de retard. / L'astreinte peut également être prononcée, à tout moment, après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure, le cas échéant prolongé, s'il n'y a pas été satisfait, après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations. (...)". Aux termes de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de condamnation d'une personne physique ou morale pour une infraction prévue aux articles L. 480-4 et L. 610-1, le tribunal, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, statue même en l'absence d'avis en ce sens de ces derniers, soit sur la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, l'autorisation ou la déclaration en tenant lieu, soit sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur.(...) ".

5. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique dont elles sont issues, que, dans le but de renforcer le respect des règles d'utilisation des sols et des autorisations d'urbanisme, le législateur a entendu, que, lorsqu'a été dressé un procès-verbal constatant que des travaux soumis à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensés, à titre dérogatoire, d'une telle formalité ont été entrepris ou exécutés irrégulièrement, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme puisse, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, mettre en demeure l'intéressé, après avoir recueilli ses observations, selon la nature de l'irrégularité constatée et les moyens permettant d'y remédier, soit de solliciter l'autorisation ou la déclaration nécessaire, soit de mettre la construction, l'aménagement, l'installation ou les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l'impose, en procédant aux démolitions nécessaires. Cette mise en demeure peut être assortie d'une astreinte, prononcée dès l'origine ou à tout moment après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure, s'il n'y a pas été satisfait, en ce cas après que l'intéressé a de nouveau été invité à présenter ses observations.

6. Aux termes de l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme de Cabourg : " 1° Le long de la promenade Marcel Proust : les constructions sont implantées à 5 m de l'alignement. Néanmoins l'extension d'une construction pourra être édifiée dans le prolongement de la façade préexistante ".

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de mettre en demeure la société Océane, sur le fondement des dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, le maire de Cabourg s'est fondé sur les motifs tirés de ce qu'eu égard à la complexité du dossier, il n'entendait pas " se substituer à la justice pénale qui sera appelée à décider, ou non, d'imposer des mesures de remise en état, sur le fondement des dispositions de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme ", et que " les conditions pour que la mise en demeure prévue par l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme soit établie n'étaient pas remplies ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la découverte, en cours de travaux, de la corrosion de l'ossature métallique du béton armé des murs du rez-de-chaussée de la maison d'habitation existante, les rendant impropres à assurer leur rôle de murs porteurs, a conduit la société Océane à procéder à leur démolition et à leur reconstruction. Par un jugement du 7 mars 2019, confirmé par un arrêt du 2 avril 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes, devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi formé contre cet arrêt par la décision du 9 décembre 2020 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, le tribunal administratif de Caen a annulé le refus opposé, le 2 mars 2018, à la demande de Mme E..., par le maire de Cabourg de dresser un procès-verbal d'infraction et de prendre un arrêté interruptif de travaux, après avoir jugé que les travaux en cause n'ont pas été réalisés en conformité avec le permis de construire délivré le 30 septembre 2015 à la société Océane, qui n'autorisait que des travaux d'extension de la construction en litige, et non la reconstruction consécutive à la démolition opérée, d'autre part, que la façade nord de l'immeuble en litige, implantée à 3,50 mètres de l'alignement de la promenade Marcel Proust, ne respectait pas la règle de recul de 5 mètres par rapport à l'alignement prescrite, en ce cas, par les dispositions de l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. A la suite du jugement du 7 mars 2019, les travaux en cause ont fait l'objet, le 19 mars 2019 d'un procès-verbal d'infraction dressé en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme constatant, ainsi que cela ressort des mentions de l'arrêté interruptif de travaux édicté le 15 avril 2019, que les travaux qui consistent à " avoir démoli intégralement la maison et à avoir reconstruit complétement le rez-de-chaussée (...) portant ainsi la surface créée à 275 m² et non à 128 m² ", et à " avoir implanté la façade nord de la propriété à 3,6 m de l'alignement et non à 5 m " ont été réalisés en violation du permis de construire délivré le 30 septembre 2015 et de l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à la règle d'implantation des constructions. Contrairement à ce que soutiennent la commune de Cabourg et la société Océane, les pouvoirs de police spéciale que tient le maire, en sa qualité d'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme, des dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, s'exercent indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être exercées pour réprimer les infractions constatées, en application des dispositions des articles L. 480-5 et suivants du même code, et permettent au maire d'ordonner, selon le cas, soit de déposer une demande d'autorisation visant à la régularisation des travaux entrepris irrégulièrement, soit de mettre les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l'impose, en procédant aux démolitions nécessaires. Ainsi, le maire de Cabourg pouvait, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, ordonner, en application des dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, à la société Océane, de mettre la construction en litige en conformité avec les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme dont la méconnaissance a été constatée par le procès-verbal du 19 mars 2019, notamment en déposant une demande d'autorisation visant à la régularisation des travaux entrepris en méconnaissance de l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, en refusant de mettre en œuvre les dispositions précitées de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme pour les motifs énoncés au point 7, le maire de Cabourg a entaché sa décision d'une erreur de droit.

9. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Aucun autre moyen n'est susceptible de fonder, en l'état de l'instruction, l'annulation de la décision contestée.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme E... :

11. D'une part, contrairement à ce que fait valoir la société Océane, les conclusions présentées par Mme E..., tendant à faire injonction au maire de recueillir ses observations, de la mettre en demeure de se conformer au plan local d'urbanisme sous astreinte et de l'obliger, le cas échéant, à consigner entre les mains d'un comptable une somme équivalente au montant des travaux à réaliser sous astreinte, ne sont pas nouvelles en appel.

12. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 3, la société Océane a sollicité, le 9 mars 2020, la délivrance d'un permis de construire modificatif en vue de procéder à " l'intégration des restructurations des murs du rez-de-chaussée pour des raisons techniques " et a bénéficié, le 21 août 2020, d'un permis modificatif tacite. S'il résulte de l'instruction que ce permis a été sollicité en vue de régulariser les travaux de démolition et de reconstruction des murs du rez-de-chaussée de la maison d'habitation, non autorisés par le permis de construire délivré le 30 septembre 2015, il n'a eu ni pour objet ni pour effet de régulariser l'implantation de la construction en litige qui demeure illégale au regard de la règle de recul de 5 m par rapport à l'alignement prescrite par les dispositions de l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme, de sorte que ce permis n'a pas mis fin à l'infraction constatée sur ce point par le procès-verbal dressé le 19 mars 2019. Dans ces conditions, et alors que les dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme ont pour objet d'assurer l'effectivité des règles d'urbanisme en renforçant les pouvoirs de police du maire, il y a lieu d'enjoindre au maire de Cabourg, se prononçant de nouveau sur la demande présentée par Mme E... en vue de la mise en œuvre de ces dispositions et, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de mettre en demeure la société Océane, après avoir recueilli ses observations, de déposer une demande de permis de construire en vue de mettre la construction située 69, avenue du commandant D... en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée par le procès-verbal d'infraction du 19 mars 2019. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ni de faire obligation à la société Océane de consigner entre les mains d'un comptable une somme équivalente au montant des travaux à réaliser sous astreinte.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la commune de Cabourg et la société Océane demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Cabourg le versement de la somme de 1 000 euros et à la charge de la société Océane le versement de la somme de 1 000 euros que demande Mme E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001529 du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La décision du 24 juin 2020 par laquelle le maire de Cabourg a refusé de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Cabourg, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de mettre en demeure, en application des dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, la société Océane, après avoir recueilli ses observations, de déposer une demande de permis de construire en vue de mettre la construction située 69, avenue du commandant D... en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée par le procès-verbal d'infraction du 19 mars 2019.

Article 4 : La commune de Cabourg versera à Mme E... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La société Océane versera à Mme E... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme E... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., à la commune de Cabourg et à la Société Océane.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUET

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01670


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01670
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : FAYOL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;22nt01670 ?
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