Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 mai 2020 par lequel le maire de Fouesnant (Finistère) ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée le 11 mars 2020 par la société Orange UPR Ouest en vue de l'installation d'une station relais de téléphonie mobile sur un terrain situé au lieu-dit Léanou.
Par un jugement n° 2003343 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 7 mai 2020 du maire de Fouesnant.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 mai 2023 et 21 mai 2024, la société Orange, représentée par Me Gentilhomme, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 mars 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais le versement de la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Orange soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la parcelle d'assiette de l'installation projetée ne se situe pas au sein d'une coupure d'urbanisation identifiée par le schéma de cohérence territoriale de l'Odet ; ce schéma rattache les parcelles en cause aux secteurs déjà urbanisés de Fouesnant ;
- la parcelle de l'installation contestée est située dans un secteur déjà urbanisé et en continuité d'un village ou d'une agglomération.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet 2023 et 21 juin 2024, l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, représentée par Me Varnoux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Orange une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par la société Orange ne sont pas fondés.
La requête et les mémoires enregistrés dans la présente instance ont été communiqués à la commune de Fouesnant qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Guranna, substituant Me Gentilhomme, représentant la société Orange.
Considérant ce qui suit :
1. Le 11 mars 2020, la société Orange UPR Ouest a déposé une déclaration préalable en vue de l'installation d'une station relais de téléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section K n° 274, d'une superficie de 10 917 m², située au lieu-dit Léanou sur le territoire de la commune de Fouesnant (Finistère). Par un arrêté du 7 mai 2020, le maire de cette commune ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable. L'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais a alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cette décision. La société Orange relève appel du jugement du 17 mars 2023 par lequel ce tribunal a annulé l'arrêté du 7 mai 2020 du maire de Fouesnant.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, lorsque le tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces motifs justifie la solution d'annulation.
3. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. (...) ". Aux termes de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018, dite " loi Elan " : " (...) III.- Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi. (...). " Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " - s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ".
4. D'une part, il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
5. D'autre part, il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.
6. Par ailleurs, un projet de construction peut être regardé comme réalisé en continuité avec une agglomération existante pour l'application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme lorsqu'il se situe à proximité immédiate d'un camping si les constructions soumises à autorisation d'urbanisme qui se trouvent dans ce camping assurent la continuité avec l'ensemble des constructions avoisinantes et si la construction projetée est elle-même dans la continuité des constructions du camping.
7. Le territoire de la commune de Fouesnant est couvert par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'Odet approuvé le 6 juin 2012 dont la partie 2 du document d'orientation et d'objectifs (DOO) met en œuvre les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. A ce titre, le SCOT identifie sur le territoire de cette commune, le centre-ville, ainsi que les lieudits Cap Coz, Beg Meil et Mousterlin en tant qu'agglomérations et villages. Le rapport de présentation du SCOT précise que : " (...) Le caractère de village peut se construire à partir d'un faisceau d'indices : critères numériques, critères structurels, niveaux d'équipements et vie sociale. / Un village est un groupement d'habitations construites autour d'un noyau ou le long d'une voirie principale qui en assure la desserte de part et/ou d'autre. Ils peuvent être dotés ou avoir été dotés d'espaces publics aménagés ou d'éléments patrimoniaux ou non, fédérateurs de sa vie sociale : / - chapelle, lavoir, place, / - café, petit commerce, / - espace de jeux / - école, poste, / - etc. (...) / L'agglomération est un espace urbanisé de taille supérieure au village, dont la nature peut être différente de celui-ci. L'agglomération peut être un bourg, qui possède de nombreux services, mais aussi un espace urbanisé important regroupant des habitations ou d'autres constructions sans services de proximité ou équipements publics associés. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de l'opération en litige, cadastré section K n° 274, est situé au sein d'une vaste zone agricole et naturelle, à proximité d'une exploitation agricole et d'un camping dont il est toutefois séparé par des parcelles non bâties. En outre, si la parcelle de l'installation en cause est située à proximité d'un secteur comportant plus d'une centaine de constructions organisées le long d'une voirie principale, sur plusieurs rangs, il n'est toutefois pas situé dans sa continuité dès lors qu'il en est séparé par des parcelles non bâties ainsi que par les parcelles supportant une exploitation agricole et un camping. Les bâtiments de cette exploitation agricole et de ce camping, et dont les parcelles s'ouvrent également sur une vaste zone agricole et naturelle, ne sont pas non plus rattachés à la zone urbanisée dont ils sont séparés par une voie de communication au nord et des parcelles non bâties à l'est. Par ailleurs, la parcelle en cause, située au lieu-dit Léanou, n'appartient pas aux agglomérations et villages identifiés par le SCOT, qui sont, outre le centre-ville, les lieudits Beg Meil, Cap Coz et Mousterlin. A cet égard, si la société Orange se prévaut de la carte relative à la trame verte et bleue faisant figurer les principales zones urbanisées, cette carte n'a pas été établie au sens et pour l'application des dispositions citées au point 2 et il ne ressort pas de cette carte, en tout état de cause, que le terrain de l'opération projetée se situerait dans les espaces urbanisés qui y sont identifiés. Dans ces conditions, le projet n'est pas situé en continuité d'une agglomération ou d'un village existant, ni au sein d'un secteur déjà urbanisé. La construction d'une antenne-relais constituée d'un pylône treillis en acier de 36 mètres de hauteur, surmonté d'antennes type " panneaux " et ses installations techniques, constitue, par suite, eu égard à la configuration des lieux, une extension de l'urbanisation qui ne pouvait être légalement autorisée au regard des dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code l'urbanisme.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, l'arrêté du 7 mai 2020 du maire de Fouesnant.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Orange au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Orange une somme de 1 500 euros à verser à l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.
Article 2 : La société Orange versera à l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange, à l'association pour la sauvegarde du pays fouesnantais et à la commune de Fouesnant.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01511