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07/02/2025 | FRANCE | N°24NT00595

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 07 février 2025, 24NT00595


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, avant dire droit de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles ainsi formulées : " La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et plus particulièrement les termes de son préambule mais également ceux de ses articles 7 et 8 ainsi que l'article 34 du règlement européen n° 603/2013 du 26 juin 2013, s'opposent-ils à ce qu'il soit

procédé à la consultation du fichier EURODAC aux fins d'édiction d'un arrêté de transfe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, avant dire droit de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles ainsi formulées : " La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et plus particulièrement les termes de son préambule mais également ceux de ses articles 7 et 8 ainsi que l'article 34 du règlement européen n° 603/2013 du 26 juin 2013, s'opposent-ils à ce qu'il soit procédé à la consultation du fichier EURODAC aux fins d'édiction d'un arrêté de transfert en application du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 sans que l'étranger ne dispose du moindre élément quant aux conditions de cette vérification et notamment relativement à l'habilitation de l'agent procédant à la consultation du fichier Eurodac ' " ; " Les règlements n° 604/2013 et 603/2013 du 26 juin 2013 s'opposent-ils à ce qu'un Etat-membre puisse édicter un arrêté de transfert reposant sur la consultation du fichier Eurodac sans que cet Etat membre ne puisse justifier de la régularité de cette consultation et notamment du cadre spatio-temporel dans lequel elle intervient ' ", de solliciter du préfet de Maine-et-Loire la transmission des relevés de prestations de la société ISM Interprétariat pour la journée du

19 octobre 2023, de solliciter la transmission des documents eurodatés via Dublinet justifiant de l'envoi d'une demande de comparaison d'empreintes ainsi et surtout que de la preuve d'une réponse du point d'accès national qui ne saurait être postérieure à son placement en procédure Dublin et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 2318130 du 9 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2024, M. A..., représenté par Me Prélaud, demande à la cour :

avant dire droit :

1°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles ainsi formulées : " La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et plus particulièrement les termes de son préambule mais également ceux de ses articles 7 et 8 ainsi que l'article 34 du règlement européen n° 603/2013 du 26 juin 2013, s'opposent-ils à ce qu'il soit procédé à la consultation du fichier EURODAC aux fins d'édiction d'un arrêté de transfert en application du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 sans que l'étranger ne dispose du moindre élément quant aux conditions de cette vérification et notamment relativement à l'habilitation de l'agent procédant à la consultation du fichier Eurodac ' " ; " Les règlements n° 604/2013 et 603/2013 du 26 juin 2013 s'opposent-ils à ce qu'un Etat-membre puisse édicter un arrêté de transfert reposant sur la consultation du fichier Eurodac sans que cet Etat membre ne puisse justifier de la régularité de cette consultation et notamment du cadre spatio-temporel dans lequel elle intervient ' " ;

2°) de solliciter du préfet de Maine-et-Loire la transmission des relevés de prestations de la société ISM Interprétariat pour la journée du 19 octobre 2023 ;

3°) de solliciter la transmission des documents eurodatés via Dublinet justifiant de l'envoi d'une demande de comparaison d'empreintes ainsi et surtout que de la preuve d'une réponse du point d'accès national qui ne saurait être postérieure à son placement en procédure Dublin ;

au fond :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

sur la demande de questions préjudicielles :

- en l'état actuel du droit, l'administration française édicte des arrêtés de transfert " Dublin " fondés sur des consultations du fichier Eurodac dans des dynamiques permettant de considérer que des agents de préfecture accèdent à ce fichier pour effectuer une consultation ; or, seuls les agents du service de l'asile, au ministère de l'intérieur, désignés à cette fin, sont habilités à accéder à ce ficher ; les pièces produites par l'administration ne permettent pas de connaître précisément la date et l'heure des consultations ; l'évolution récente de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne permet de contester le fait que le moyen tiré du non-respect de la procédure de consultation du ficher, soit inopérant ;

sur le fond :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier ;

- il n'est pas établi qu'il se soit effectivement vu délivrer, par écrit ou tout le moins oralement, dans une langue qu'il comprend et dès le début de la procédure, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a également été méconnu ;

- il n'a pas bénéficié d'un entretien dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire n'établit pas que l'agent qui a utilisé le fichier " Eurodac " était habilité ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la décision de transfert méconnaît le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 25 avril 1995, déclare être entré en France le 1er octobre 2023. Il a présenté une demande d'asile, enregistrée le 19 octobre 2023 auprès du guichet unique de la préfecture de Maine-et-Loire. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées en Bulgarie le 30 mars 2023, ainsi qu'en Suisse, le 27 avril 2023. Saisies par le préfet de Maine-et-Loire le 26 octobre 2023, les autorités bulgares ont accepté explicitement de reprendre en charge M. A... pour l'examen de sa demande d'asile. Par un arrêté du 20 novembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer l'intéressé à ces autorités. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 9 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit et une dénaturation des pièces du dossier sont inopérants.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 19 octobre 2023, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, soit en temps utile, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, dont il a signé les pages de garde, qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées. Si ces documents lui ont été transmis en langue pachto, alors que l'intéressé a déclaré ne comprendre que le dari, ces brochures lui ont été traduites oralement en dari. La seule circonstance que l'interprète a fait la traduction par téléphone ne suffit pas à établir l'absence de traduction des brochures Enfin, il ressort du compte-rendu de l'entretien individuel que M. A... a eu le temps de s'exprimer sur sa situation. Par conséquent, sans qu'il soit besoin de solliciter du préfet de Maine-et-Loire la transmission des relevés de prestations de la société ISM Interprétariat pour la journée du 19 octobre 2023, le droit de M. A... à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 et de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été méconnu.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

7. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... qu'il a bénéficié le 19 octobre 2023, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. L'agent qui a conduit cet entretien est identifié par ses nom et prénom et sa qualité. Le requérant n'apporte aucun élément permettant de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. De même, aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions en garantissant la confidentialité. Enfin, il ressort du compte-rendu de cet entretien, eu égard aux détails précis qu'il expose, qu'il a permis à M. A... de faire état des informations utiles. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 603-2013 du Parlement européen et du Conseil, dit règlement Eurodac : " 1. Eurodac se compose : a) d'une base de données dactyloscopiques centrales et informatisée (...) 2. Chaque Etat membre dispose d'un seul point d'accès national (...) ". Aux termes de l'article 29 du même règlement : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) ". Aux termes de l'article 34 du même règlement : " (...) 2. Chaque État membre adopte, pour toutes les données traitées par ses autorités compétentes en vertu du présent règlement, les mesures nécessaires, y compris un plan de sécurité, pour: / (...) / b) empêcher l'accès de toute personne non autorisée aux installations nationales dans lesquelles l'État membre mène des opérations conformément à l'objet d'Eurodac (contrôle à l'entrée de l'installation); / (...) f) veiller à ce que les personnes autorisées à avoir accès à Eurodac n'aient accès qu'aux données pour lesquelles l'autorisation a été accordée, l'accès n'étant possible qu'avec un code d'identification individuel et unique et par un mode d'accès confidentiel (contrôle de l'accès aux données) (...)".

9. D'une part, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 précité, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision par laquelle l'État français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Il en va de même de la méconnaissance de l'obligation d'information résultant des dispositions du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et notamment son article 13. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 16 octobre 2023, la directrice de l'asile du ministère de l'intérieur a informé le préfet de Maine-et-Loire, après avoir comparé les empreintes relevées en préfecture avec celles figurant dans le fichier Eurodac, que les empreintes de M. A... avaient été relevées le 30 mars 2023 par les autorités bulgares et le 27 avril 2023 par les autorités suisses. Aucun élément du dossier ne laisse supposer que l'agent de la préfecture de police de Paris qui a relevé les empreintes de M. A... le 6 octobre 2023 ainsi que l'agent de la direction de l'asile du ministère de l'intérieur n'auraient pas été habilités pour procéder à ces démarches. Par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, dès lors qu'aucune question sérieuse d'interprétation du droit de l'Union ne se pose, M.A..., qui en tout état de cause n'a été privé d'aucune garantie, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'un vice de procédure au motif que la consultation du fichier Eurodac, comportant des données personnelles sensibles, n'aurait pas été effectuée par un agent habilité, en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 34 précités du règlement n° (UE) 603-2013 du 26 juin 2013. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 20 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Début de la procédure - 1. Le processus de détermination de l'Etat membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un Etat membre. / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès- verbal doit être aussi court que possible. (...) ".

12. M. A... soutient qu'il n'aurait jamais fait enregistrer une demande d'asile en Bulgarie, les autorités bulgares s'étant bornées selon lui à relever ses empreintes digitales de force. Toutefois, il ne produit aucun élément précis et probant à l'appui de ces allégations. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des empreintes décadactylaires figurant dans le fichier Eurodac, qu'il a été identifié comme ayant présenté une demande d'asile auprès des autorités bulgares le 30 mars 2023, information qu'aucun élément ne permet de remettre en cause, et que celles-ci ont accepté de le reprendre en charge le 4 novembre 2023. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 20 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.

13. En cinquième et dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

15. M. A... n'établit pas que, comme il le soutient, il aurait été victime de violences et de traitements indignes lors de son séjour en Bulgarie. Il fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités bulgares, mais les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités bulgares dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En particulier, si M. A... produit des documents illustrant les difficultés des autorités bulgares à faire face à des afflux massifs de migrants et des pratiques de " push back ", cela ne permet pas d'en inférer que son renvoi vers la Bulgarie en exécution d'une décision de transfert pour le traitement de sa demande d'asile dans ce pays, en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, entraînerait un risque sérieux qu'il soit exposé à un défaut d'instruction de sa demande d'asile et à des traitements indignes en violation des règles du droit européen de l'asile. En outre, les éléments qu'il produit ne suffisent pas à établir qu'il y a de sérieuses raisons de croire que les pratiques illégales parfois relevées dans cet État devraient être qualifiées de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Enfin, les autres éléments présentés ne permettent pas d'établir que

M. A... se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 de ce règlement, doivent être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités bulgares. Ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2025.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00595
Date de la décision : 07/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : PRELAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-07;24nt00595 ?
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