Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juin 2021 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2107827 du 2 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juin 2024, Mme A... épouse B..., représentée par Me Clément, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 avril 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 7 juin 2021 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de la munir dans l'atteinte d'un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros hors taxes en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'atteinte porté au droit protégé par les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la décision méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision porte atteinte au droit protégé par les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 aout 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que le jugement du tribunal administratif de Nantes est irrégulier et que les moyens ne sont pas fondés.
Mme A... née B... a été admise à l'aide juridictionnelle partielle par décision du 15 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née en 1993 est entrée en France le 25 mars 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle s'est maintenue sur le territoire après l'expiration de la validité de son visa. Elle s'est mariée le 12 septembre 2020 avec M. A..., ressortissant algérien titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2025 avec lequel elle a eu un enfant né le 1er septembre 2020. Elle a sollicité son admission au séjour le 30 décembre 2020. Par décision du 7 juin 2021, le préfet de la Loire Atlantique a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dans un jugement du 2 avril 2024. Mme B... épouse A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Comme le soutient Mme B... épouse A..., le tribunal administratif a omis de répondre au moyen, qui n'a pas été visé dans le jugement attaqué et qui n'était pas inopérant, dirigé contre la décision attaquée et tiré de la méconnaissance du droit protégé par les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. Dès lors, Mme B... épouse A... est fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
Mme B... épouse A... devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2021.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Enfin aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
5. Mme B... est entrée en France le 25 mars 2015 munie d'un visa de court séjour, et s'y est maintenue irrégulièrement au-delà de la validité de ce visa, sans chercher à régulariser sa situation. Il ressort des pièces du dossier qu'elle partage une communauté de vie depuis le mois d'août 2019 avec M. A..., ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence jusqu'en 2025, qu'elle s'est mariée le 12 septembre 2020 avec M. A... et qu'un enfant est né de leur union le 1er septembre 2020. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A... voit régulièrement son fils né d'un premier mariage notamment aux vacances scolaires et que Mme B... épouse A... s'occupe également de cet enfant ainsi qu'en atteste la mère de l'enfant et des voisins. Ainsi, alors même que la relation entre Mme B... épouse A... et son mari présentait une ancienneté relative à la date de la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier que l'appelante présente néanmoins une vie familiale réelle avec son mari, lequel subvient aux besoins d'un premier enfant né d'un précédent mariage et l'accueille de manière régulière de sorte que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Algérie alors même que M. A... est de nationalité algérienne. Dans les circonstances de l'espèce, doit être accueilli le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... épouse A... et méconnait le droit de l'enfant de l'article 3 de la CIDE.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... épouse A... est fondée à demander l'annulation de la décision du 7 juin 2021 portant refus de séjour.
Sur l'injonction :
8. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à Mme B... épouse A... un certificat de résidence vie privée et familiale d'une durée d'une année, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit et ce, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de la munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros hors taxe à verser à Me Clément, sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 2 avril 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision du 7 juin 2021 du préfet de la Loire-Atlantique est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à Mme B... épouse A... un certificat de résidence vie privée et familiale d'une durée d'une année, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit et ce, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de la munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : l'Etat versera une somme de 1200 euros hors taxe à Me Clément, sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... épouse A... et au ministre d'Etat, de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique et Me Clément.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT01759 20