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04/02/2025 | FRANCE | N°24NT01729

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 04 février 2025, 24NT01729


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code général des impôts ;

- l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.





Considérant ce qui suit :>


1. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a adressé une proposition de rectification à la société à responsabilité l...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a adressé une proposition de rectification à la société à responsabilité limitée (SARL) Établissements Le B..., comprenant des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 mars 2016, 31 mars 2017 et 31 mars 2018 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes correspondant à ces exercices. Les observations de la société ont été rejetées le 26 juillet 2019. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, taxe sur les véhicules de société et d'impôt sur les sociétés ont été mis en recouvrement le 3 janvier 2022. La réclamation présentée le 17 janvier 2022 par la SARL Établissements Le B... a fait l'objet d'une décision d'admission partielle le 7 juin 2022. La SARL Établissements Le B... a demandé au tribunal de Rennes de prononcer la décharge des impositions et pénalités restant à sa charge. Par un jugement du 17 avril 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête. La SARL Établissements Le B... relève appel de ce jugement.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la taxe grevant le prix d'acquisition du véhicule Dodge Ram Crew Sport :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert (...) est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " " I.- Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / (...) IV.-1. (...) / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : / a. Destinés à être revendus à l'état neuf ; / b. Donnés en location ; / c. Comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et utilisés par des entreprises pour amener leur personnel sur les lieux du travail (...) ". Pour apprécier si un véhicule ou un engin a été conçu pour le transport des personnes ou pour un usage mixte au sens de ces dispositions, il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné.

3. En l'espèce, la SARL Établissements Le B... a acquis en 2017 un véhicule Dodge Ram Crew Sport, véhicule à quatre roues motrices de type " pick-up ", pourvu d'une plate-forme à l'arrière et d'une cabine dotée de deux fois deux portes latérales, comportant à l'avant deux sièges fixes et à l'arrière trois sièges à dossiers fixes dont l'assise peut être relevée. Si le certificat d'immatriculation fait état du genre " CTTE ", soit " camionnette ", au sens de l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules, ce certificat mentionne également que le véhicule comporte cinq places assises. Dans de telles conditions, et compte tenu de ses finitions, de son confort et de son équipement, ce véhicule, qui est destiné à la fois à un usage utilitaire et au transport de personnes, doit être regardé comme un véhicule à usage mixte au sens du 6° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts et, par suite, n'ouvre pas droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé son prix d'acquisition.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

5. La SARL Établissements Le B... demande, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice du paragraphe n° 20 de la documentation administrative n° BOI-TVA-DED-30-30-20, selon lequel les véhicules 4x4 de type pick-up pourvus d'une simple cabine, c'est-à-dire ne comportant que deux sièges ou une banquette, ou comprenant une simple cabine approfondie dans laquelle sont placés, outre les sièges ou la banquette avant, des strapontins destinés à faire l'objet d'un usage occasionnel, ne relèvent pas de l'exclusion du 6° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts. Cependant, en l'espèce, il ressort des photographies produites que le véhicule, doté d'une double cabine, présente un aménagement intérieur permettant l'installation de cinq personnes dans des conditions de confort semblables alors même que les sièges arrières peuvent être escamotés. La société appelante n'est ainsi pas fondée à se prévaloir de la documentation administrative précitée sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la taxe ayant grevé des achats de vêtements, de chaussures et d'acquisition d'une montre connectée :

6. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ".

7. M. et Mme A... B... ont en qualité de de gérants de la SARL Établissements Le B... procédé à des achats de vêtements, de chaussures et à l'acquisition d'une montre connectée les 14 janvier 2016, 3 mai 2016, 15 juillet 2016, 30 décembre 2016, 11 mai 2017, 30 octobre 2017, 3 novembre 2017 et le 11 janvier 2018. Si la société appelante, dont l'activité est le commerce de gros de fruits et légumes, soutient que M. A... B... a besoin d'une tenue spécifique pour aller récupérer lui-même les fruits et légumes dans des champs, elle ne produit aucune facture ni ne décrit les caractéristiques de cette tenue spécifique qui serait nécessaire dans le cadre de son travail et n'apporte pas ainsi de preuve objective du caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces achats. De même, la circonstance que les achats de vêtements et de chaussures correspondent à l'acquisition d'une tenue professionnelle par an pour ses gérants ne permet pas plus d'établir que ces biens ont été utilisés pour les besoins de des opérations imposables de la société. Enfin, s'agissant de la montre GPS connectée, la possibilité d'utiliser ce matériel à des fins téléphoniques ne permet pas non plus d'établir que ce bien a été utilisé pour les besoins de ces opérations imposables. Par suite, les achats de vêtements, de chaussures et l'acquisition d'une montre connectée n'ont pas été réalisés pour les besoins de l'entreprise, au sens du 1 du II de l'article 271 précité du code général des impôts.

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

8. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

9. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

En ce qui concerne l'utilisation par les co-gérants de véhicules à titre privé :

10. Aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A sont tenus de fournir, en même temps que la déclaration des résultats de chaque exercice, un état comportant l'indication de l'affectation de chacun des véhicules de tourisme au sens de l'article 1010 ayant figuré à leur actif ou dont l'entreprise a assumé les frais au cours de cet exercice. / Ces mêmes contribuables doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". Par ailleurs, aux termes de l'article 82 du même code, dans ses différentes rédactions applicables : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. (...) / Le montant des rémunérations allouées sous la forme d'avantages en nature est évalué selon les règles établies pour le calcul des cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans ses différentes rédactions applicables : " Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations (...) les avantages en nature (...) ". L'article R. 242-1 du même code renvoie à des arrêtés interministériels la détermination de la valeur représentative des avantages en nature pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. Enfin, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction applicable : " Sous réserve des dispositions de l'article 5 ci-dessous, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises. (...) ".

11. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a constaté qu'aucune comptabilisation de l'avantage en nature constitué par l'utilisation à des fins personnelles de véhicules de la société par M et Mme A... B... n'avait été opérée au titre de l'exercice clos le 31 mars 2016. Pour les exercices clos le 31 mars 2017 et le 31 mars 2018, le service vérificateur a remis en cause la méthode de comptabilisation forfaitaire retenue par la société. Pour déterminer la valeur de l'avantage en nature correspondant à l'utilisation privative par M. et Mme A... B... des véhicules mis à sa disposition par la SARL Établissements Le B..., l'administration a fait application des dispositions précitées. En l'absence de tout élément permettant de distinguer l'usage de ces véhicules fait à titre personnel de celui effectué à titre professionnel, l'administration, qui n'a pas été en mesure d'évaluer les avantages en nature consentis à M. et Mme A... B... pour leur montant réel, a procédé à l'évaluation de ces avantages sur la base d'un forfait annuel en pourcentage du coût d'achat du véhicule. Si la SARL Établissements Le B... conteste tout d'abord l'absence de débat sur l'utilisation à titre personnel de véhicules professionnels de la société, il résulte cependant des termes mêmes de la proposition de rectification que ce point a été abordé au cours des opérations de vérification. En outre, la société ne conteste pas sérieusement l'utilisation à des fins personnelles de véhicules de la société par M. et Mme A... B.... De même, alors qu'aucun avantage n'avait été comptabilisé pour l'exercice clos le 31 mars 2016 et que pour les exercices clos le 31 mars 2017 et le 31 mars 2018, aucun élément retenu par la société ne permettait de justifier de la répartition du kilométrage réellement parcouru à des fins privées et à des fins professionnelles, le service qui apporte la preuve du caractère erroné de l'évaluation de l'avantage en nature était par suite fondé à remettre en cause la comptabilisation opérée de l'avantage accordé aux deux co-gérants et à y substituer la méthode du forfait social mentionnée à l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002.

En ce qui concerne les charges liées à l'achat de vêtements, de chaussures et à l'acquisition d'une montre connectée :

12. La SARL Établissements Le B... ne produit aucune facture ni ne décrit les caractéristiques des tenues spécifiques qui seraient nécessaires à M. A... B... dans le cadre de son travail. Par ailleurs, la société requérante, qui se borne à alléguer que les achats de vêtements et de chaussures correspondent à l'acquisition d'une tenue professionnelle par an pour ses gérants et que les charges litigieuses ne sont pas excessives dans leur montant, ne présente aucun élément suffisamment précis sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle aurait retirée de ces achats. Enfin, s'agissant de la montre GPS connectée achetée le 11 janvier 2018 en se bornant à invoquer, sans en justifier, son utilisation à des fins téléphoniques pour des besoins professionnels, la société requérante ne présente aucun élément démontrant que la charge dont il s'agit aurait été exposée dans l'intérêt de l'entreprise.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Établissements Le B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête. Par suite, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : la requête de la SARL Établissements Le B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Établissements Le B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0172902

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01729
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : DAHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;24nt01729 ?
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